Le dessinateur Mat Let a publié il y a quelques mois un roman graphique sur la très mal nommée « salle de shoot » de Paris. Un ouvrage qui met en lumière les conditions de vies des usagers de drogue… et qui met en valeur le travail de ceux qui leur viennent en aide.
Ne l’appelez pas « salle de shoot » ! Rien n’est plus contraire à l’état d’esprit qui règne dans la salle de consommation à moindres risques (son vrai nom) gérée par les associations Médecins du monde (MdM) et Gaia et située dans l’enceinte de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris.
C’est du moins l’impression que cherchent à donner les crayons du dessinateur Mat Let dans À moindre risque, BD documentaire parue aux éditions « La boîte à bulles » l’été dernier. Un ouvrage qui évoque avec finesse les relations qui se nouent entre les usagers de la salle où ils sont autorisés à s’injecter leurs produits sans craindre la police, et les soignants qui y travaillent : infirmiers, mais aussi éducateurs, travailleurs sociaux, etc.
Au cœur de cette relation, on trouve un concept souvent assez mal compris du grand public, et que Mat Let illustre de diverses manières au fil des rencontres : la « réduction des risques », tellement omniprésente que les personnages, professionnels et même usagers, la désignent sous l’acronyme de « RdR ». « On est formés pour aider les usagers à consommer dans les meilleures conditions possibles », explique Paul, un éducateur. Et quand le dessinateur-reporter demande où est la notion de soin dans leur travail, c’est Fionna, infirmière, qui lui répond. « Pour le soin en tant que tel, la première chose à se dire, c’est que venir ici, c’est déjà être dans cette démarche, affirme-t-elle. Au moins, les usagers qui viennent ici ne s’injectent pas en pleine rue avec du matériel stérile. »
C’est bien là toute la philosophie de la RdR : prendre les usagers de drogues tels qu’ils sont et non tels qu’on pense qu’ils devraient être, et toujours laisser la porte ouverte vers une prise en charge, quelle qu’elle soit : vaccination, dépistage… Autre aspect primordial de la RdR : savoir espérer peu et se contenter de succès minuscules. « C’est ma victoire de la journée », annonce fièrement Fionna après avoir accompagné un usager en fauteuil prendre une simple douche. Il ne faut donc surtout pas s’imaginer que le but est de sevrer les usagers et de les envoyer en cure de désintoxication… même s’il arrive que les usagers de la salle de consommation effectuent de telles démarches.
Consommation à ciel ouvert
Loin de se cantonner aux quatre murs de la salle de consommation à moindres risques, l’album s’ouvre vers les riverains et leurs craintes pour le voisinage, mais aussi vers les autres lieux de consommation, notamment vers ceux qui ont fait parler d’eux en 2022 : le jardin d’Éole, dans le 18e arrondissement de la capitale, et la porte de la Villette, en bordure du périphérique. C’est l’occasion pour Mat Let de montrer comment loin de la salle, la situation est bien pire. À plusieurs reprises, les équipes de Gaia sont obligées de fuir devant les tensions qui innervent les scènes de consommation à ciel ouvert.
Reste que loin de tout misérabilisme, l’un des grands mérites de l’ouvrage est de donner un visage, un nom, une histoire à des usagers de drogue trop souvent perçus comme un groupe indistinct de personnes en rupture de banc avec la société. Nous ne pouvons qu’éprouver de la sympathie pour Tony, usager survolté qui brûle de tout montrer au dessinateur, pour Banban, guitariste qui rêve d’obtenir l’autorisation officielle de jouer dans les couloirs du métro parisien, ou encore pour Jasmine, qui rit elle-même de ses inquiétudes au sujet des effets secondaires du vaccin contre le covid alors qu’elle est en train de se préparer une seringue d’héroïne.
L’album de Mat Let, réalisé avec le soutien de MdM, est en définitive un hommage sensible au courage des soignants, qui effectuent un travail parfois proche de celui de Sisyphe poussant éternellement son rocher. C’est ce qu’explique Leonid, le chef de service du Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) de Gaia à l’auteur lors d’une visite avec le « bus métha », une unité mobile de délivrance des traitements de substitution gérée par l’association. « Se sevrer, ça doit être une demande de l’usager, sinon, c’est voué à l’échec, prévient-il. Il faut en moyenne sept cures pour qu’un sevrage réussisse. » Et le responsable de Gaia d’ajouter sur une note plus personnelle : « Moi, ça fait dix ans que j’arrête de fumer [du tabac, ndlr] sans y arriver. Tu imagines pour le crack ou l’héroïne. »
Adrien Renaud
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