La porte de la Suisse se ferme aux infirmiers français

La porte de la Suisse se ferme aux infirmiers français

Le 9 février, 50,3 % des Suisses ont voté en faveur de l"'initiative contre l'immigration de masse" proposée par l'Union démocratique du centre (UDC). La mise en place de quota risque de poser un problème aux travailleurs transfrontaliers dont de nombreux soignants.

La porte de la Suisse se ferme aux infirmiers françaisLimiter de manière conséquente l’immigration dans le pays et rétablir un système de quotas et de contingents, pour les étrangers, les frontaliers et les demandeurs d’asile : tel est l’objectif du texte proposé en référendum.  Ce système existait en Suisse avant les accords bilatéraux avec l’UE.

Le système des “contingents” est double. “Il s’agit de limiter l’entrée des personnes venant chercher du travail en Suisse. Il met également en place un plafond pour celles qui viennent s’installer dans le pays sans ambition professionnelle“, explique à l’AFP Claudine Schmid, députée des Français de l’étranger en Suisse.

En 2013, les étrangers représentaient 23,5 % de la population en Suisse (soit 1,88 million de personnes) dont 104 822 Français sans compter les  143 000 Français vivant en France et travaillant en Suisse. Dans certaines régions, plus des ¾ des personnels infirmiers dans les hôpitaux, sont français.

A l’hôpital de Genève, un employé sur deux est étranger

Ainsi aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) , un salarié sur deux est de nationalité étrangère et au CHUV de Lausanne, 42 % du personel est étranger.

«Nous attendons de voir quels dispositifs seront mis en place mais il est clair que l’acceptation de l’initiative va nous compliquer la tâche. (…)A notre niveau, nous allons devoir mieux planifier et anticiper les recrutements, pour aller plus vite», a expliqué Antonio Racciatti, directeur des ressources humaines du CHUV à notre confrère suisse 24 heures.

“Sans travailleurs immigrés, la Suisse n’est pas en mesure de s’occuper de ses aînés”, estime le quotidien suisse Le temps qui cite l’exemple de l’EMS (équivalent des Ehpad) des Mouilles (Lancy, près de Genève) qui compte 62% d’employés étrangers dans son personnel, dont une moitié de frontaliers.

A l’EMS des Mouilles, un aide-soignant non-qualifié démarre à 4 400 francs brut pour un poste à 100% (3 500 euros). Pour un(e) infirmier (ère), le salaire de départ est de 6 600 francs (5 400 euros). Des chiffres qui paraissent surévalués, la grille salariale de l’association suisse des infirmières (pour le canton de Vaud) indique en effet un salaire qui varie entre 5 000 FS et 6 000 FS (avec spécialisation) pour des semaines de 42 heures et un coût de la vie nettement plus cher qu’en France. En revanche, les transfrontaliers tirent mieux leur épingle du jeu. 

Dans la clinique de Lausanne où il travaille, Marc Béraud, kinésithérapeute, qui habite Thonon-les-Bains, confirme à notre confrère helvétique 24 heures que 80% des infirmiers sont des Français.

Rien ne presse !

Du côté des autorités helvétiques, on essaye de minimiser l’impact de la “votation”, alors que le vote pourrait remettre en cause les traités bilatéraux de la Suisse avec l’Union Européenne sur la libre circulation des travailleurs.

Nombreux sont ceux qui notent que les autorités ont trois ans pour mettre en œuvre cette limitation de l’immigration et que le gouvernement et le Parlement sont libres de fixer les quotas, le texte restant évasif en demandant l’établissement de quotas «en fonction des intérêts économiques globaux de la Suisse».

Une étude détaillée des résultats du référendum montre un clivage entre Suisse romande qui a voté contre la limitation de l’immigration et la Suisse alémanique, pro-référendum.

“Moyennement inquiète” quant à son avenir, Lauriane Schuller, chargée de recrutement dans une agence d’intérim bâloise, affirme à 24 heures que les autorités “ne peuvent pas forcer les entreprises à jeter les gens dehors”, alors que de toutes façons “l’économie suisse ne peut pas tenir le coup sans travailleurs étrangers et frontaliers”. Rappelons que le taux de chômage en Suisse est très faible : 3,5  %.

Cependant cela crée un climat d’incertitude. Aucun impact n’a été mentionné et les chiffres font le grand écart. Certains parlent de quelques milliers d’emplois concernés alors que Credit Suisse estime que 80 000 emplois pourraient passer à la trappe.

Cyrienne Clerc

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