Tous les jeudis ou presque, depuis fin janvier, une poignée de médecins dijonnais prennent l’avion vers 8h et atterrissent 35 minutes plus tard à Nevers pour travailler la journée à l’hôpital. Ils repartent vers 17h.
C’est la solution que le maire de la ville, président du collège des élus du groupement hospitalier de territoire (GHT) de la Nièvre, dont fait partie le centre hospitalier, a proposée pour favoriser la venue en renfort de professionnels de santé.
Les « médecins volants », six à huit sur chaque rotation hebdomadaire, présentent trois grands profils souligne Yannick Chartier, secrétaire général du GHT.
Il y a d’abord « des médecins spécialistes qui interviennent en appui des équipes médicales en gynécologie médicale et obstétrique, aide à la procréation, chirurgie orthopédique ou maxillo-faciale ou encore médecine nucléaire », indique-t-il.
D’autres spécialistes viennent assurer des consultations avancées, par exemple en chirurgie pédiatrique et la troisième catégorie regroupe des chirurgiens qui viennent opérer à Nevers, notamment en gynécologie. Certains viennent tous les 15 jours, d’autres tous les mois ou tous les deux mois, toujours sur la base du volontariat…
Médecins volants
Tous sont des praticiens hospitaliers mis à disposition par le CHU ou le centre de lutte contre le cancer de Dijon, ou des praticiens hospitaliers à la retraite, indique le secrétaire général.
Certains assuraient déjà une activité complémentaire à Nevers mais ils venaient en voiture (environ six heures de route aller-retour) ou en train (deux heures trente par trajet). Mais la ligne de train sera fermée pour travaux pendant au moins huit mois à partir de juillet…
Le voyage en avion, beaucoup plus rapide et moins fatigant, « est un plus », insiste Yannick Chartier, qui peut inciter davantage de médecins à s’inscrire dans le dispositif. Selon lui, le nombre de médecins intéressés qui s’inscrivent dans le calendrier des rotations augmente d’ailleurs. Le GHTfinance le transport des praticiens ainsi que leur prime de déplacement et leur rémunération, ce qui lui revient moins cher que de recourir à des intérimaires.
Une quarantaine de rotations sont prévues dans un premier temps. Ce « pont aérien » pourrait concerner aussi des sages-femmes ou des professionnels paramédicaux de métiers également en tension comme les IDE, les Ibode ou les manipulateurs radio, indique Olivier Jallet, cadre supérieur à la direction des soins de l’hôpital. Même si les horaires de l’avion rend compliquée l’intégration des IDE dans les plannings des services.
Bilan carbone
Le choix de l’avion fait grincer des dents.
Considéré comme anti-écologique, il a suscité beaucoup de réactions épidermiques et de critiques sur les réseaux sociaux, en pleine période de remise en question des déplacements en jets privés.
Une conseillère municipale EELV de Nevers, Sylvie Dupart-Muzerelle, a dénoncé « un coup de com » et défendu l’alternative ferroviaire. Mais un autre élu EELV, Wilfrid Séjeau, vice-président du conseil départemental et qui siège au conseil de surveillance de l’hôpital de Nevers, a indiqué qu’il était « prêt à accepter cette solution » si elle s’avérait efficace.
Pour Denis Thuriot, maire (LREM) de Nevers, il n’y a pas de débat. Alors que le CH de Nevers est, insiste-t-il, le centre hospitalier de cette taille le plus éloigné d’un CHU, « la priorité, c’est la santé ». Le dispositif permet selon lui d’éviter à des patients en mauvaise santé ou des familles de faire cinq à six heures de route sur une route départementale ainsi que des transports sanitaires entre les deux villes. Sans compter les renoncements aux soins de certains patients face à la durée et au coût du déplacement vers les praticiens dijonnais.
Le maire promet aussi que ce système est équilibré en terme de production de CO2 voire qu’il va permettre d’en économiser. Entre deux maux, il a choisi le moindre. D’une part, « nous avons choisi la compagnie aérienne la plus écolo », précise Danis Thuriot, qui est aussi président de l’aéroport de Nevers. D’autre part du fait des trajets en voitures évités : « l’aller retour en avion produit deux tonnes de CO2, soit 30 aller-retour en voiture », précise Yannick Chartier.
Si les « médecins volants » de Dijon voient 30 patients durant leur journée de travail à Nevers, un objectif atteignable, selon lui, le bilan carbone serait ainsi équilibré.
Malgré tout, la production de CO2 que génère ce pont aérien hebdomadaire n’en reste pas moins très élevée et beaucoup, parmi les réactions sur les réseaux sociaux, en dénoncent l’ampleur et l’absurdité.
Il apparaît en effet comme un sauve-qui-peut dans un système où la rareté des médecins et leur inégale répartition (qui ne surprennent personne) laissent certains territoires très démunis.
Et prêts à tout ou presque pour maintenir une offre de soins pour leurs habitants.
Géraldine Langlois
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