Où en est-on de l’accès partiel aux professions de santé ?

Où en est-on de l’accès partiel aux professions de santé ?

La possibilité de n’exercer que certaines compétences d’une profession de santé, inscrite dans les traités de l’UE, fait craindre à certains infirmiers un démembrement du métier. Après la justice européenne, qui s'est prononcée sur le dossier en février, c’est au Conseil d’État de trancher.
Où en est-on de l’accès partiel aux professions de santé ?
© ShutterStock

Concilier liberté de circulation au sein de l’Union européenne (UE) et garanties pour la qualité et la sécurité des soins. Tel est le dilemme qui se pose au Conseil d’État à la suite d’un arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 25 février dernier.

En cause, la question de l’accès partiel aux professions de santé : celui-ci est rendu possible par la directive européenne du 7 septembre 2005, que les autorités ont voulu transposer en droit français par des textes réglementaires datant de 2017.

Après plusieurs recours initiés contre ces derniers par divers ordres et syndicats professionnels hexagonaux, la CJUE vient de trancher : oui, l’exercice partiel est bien possible. Mais le Conseil d’État, qui a le dernier mot en la matière, doit encore se prononcer.

Avant de démêler l’écheveau juridique de l’accès partiel, il convient cependant de bien cerner ce qui est en jeu. « Pour nous, aujourd’hui, les choses sont claires : l’exercice infirmier ne peut être qu’un et entier, affirme Grégory Caumes, directeur adjoint de l’Ordre national des infirmiers (ONI), qui faisait partie des organisations ayant engagé des recours contre l’exercice partiel. Soit on est infirmier, soit on ne l’est pas. »

Pas question selon lui, donc, qu’un infirmier ou tout autre professionnel formé à l’étranger puisse s’installer en France pour n’exercer que certaines des compétences de la profession. « Il s’agit d’une question de sécurité du patient, et c’est bien ce que nous comptons mettre en avant dans notre argumentaire au Conseil d’État », ajoute-t-il.

Thierry Soulié, président des Chirurgiens-dentistes de France (CDF), autre organisation ayant contesté les textes réglementaires français transposant l’accès partiel devant la justice européenne, est sur la même ligne. « Imaginons qu’un hygiéniste dentaire, profession qui est reconnue de façon autonome dans certains pays mais pas en France, demande à exercer certaines compétences des chirurgiens-dentistes, illustre-t-il. Si l’exercice partiel était entériné, la France aurait obligation de l’inscrire. Or partout où ce genre de pratique a été mis en place, on a vu que cela introduisait de la confusion et que le patient ne s’y retrouvait pas. »

Exercice partiel européen ou exercice partiel franco-français ?

Car il ne faut pas s’y tromper : le cœur du problème n’est pas de savoir si un infirmier européen ayant obtenu son diplôme hors de France peut ou ne peut pas s’installer en France.

En vertu de la reconnaissance automatique des diplômes au sein de l’UE, il peut le faire, pourvu qu’il puisse démontrer qu’il maîtrise suffisamment la langue française pour exercer son métier.

En réalité, la question de l’accès partiel concerne avant tout des métiers reconnus dans certains pays, mais pas dans d’autres. On pourrait donc croire la profession infirmière, car il semble difficile d’imaginer un équivalent infirmier à l’hygiéniste dentaire. L’ONI reste cependant opposé à l’accès partiel pour une autre raison : cela pourrait créer un précédent.

« Si demain, l’exercice partiel était admis par le Conseil d’État en vertu du droit européen, un juge français pourrait s’en servir pour faire admettre l’exercice partiel dans un contexte franco-français », détaille Grégory Caumes. En clair : alors qu’aujourd’hui, un juge ne peut pas condamner un infirmier qui aurait fait une erreur dans une spécialité (pédiatrie, gériatrie…) à ne plus exercer ladite spécialité tout en lui laissant la possibilité de travailler dans les autres, ce même juge pourrait trouver dans l’accès partiel européen un argument pour étayer une telle décision.

C’est donc avec une attention certaine que l’ONI scrute les travaux du Conseil d’État, sur les épaules duquel reposent désormais la décision. La CJUE a en effet précisé qu’en cas « de raisons impérieuses d’intérêt général (…), un État membre devrait être en mesure de refuser l’accès partiel ». « On entre dans un domaine compliqué, car tout ce qui touche à la santé peut être considéré comme étant d’intérêt général », commente Grégory Caumes.

La balle est donc dans le camp de la plus haute juridiction administrative française…

Adrien Renaud

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Une réaction

  1. Le nivellement vers le bas est de rigueur dans ce pays qui se paupérise à vitesse grand V dans tous les domaines.. de l’instruction à la santé… Compte tenu du manque cruel de personnel de santé on prendra n’importe qui pour leur faire faire n’importe quoi.. et à l’image de ceux qui viennent travailler en France pour des boulots dits “ingrats” (car le nôtre c’est juste un rêve éveillé) on paiera ce personnel non qualifié encore plus au lance pierres que nous….

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