Attention, sujet sensible ! Les aides-soignants pourraient bientôt se voir confier de nouveaux actes. Le chantier de ce qu’on appelle en langage bureaucratique la « réingénierie de la formation » des aides-soignants a en effet repris fin mai dernier.
Or il s’agit d’une profession qui exerce sous la responsabilité des infirmiers : toute modification peut avoir pour ces derniers d’importantes conséquences en termes d’organisation du travail, mais aussi en termes de rémunération, ce qui peut inciter certains à déterrer la hache de guerre.
Il s’agit en réalité d’un vieux dossier. Entamée en 2015 et interrompue en 2017, la fameuse réingénierie était dans l’air depuis quelques mois. Elle a finalement repris à la fin du printemps : plusieurs réunions entre les représentants des aides-soignants, des infirmiers et du ministère de la Santé ont eu lieu depuis. « L’objectif est de terminer les travaux fin novembre, pour une entrée en vigueur à la rentrée 2020 », annonce Arlette Schuhler, secrétaire de la Fédération nationale des associations d’aides-soignants (Fnaas) qui indique par ailleurs que la prochaine réunion aura lieu mercredi 02 Octobre.
27 actes en discussion
Au cœur du débat se trouve une liste d’actes qui pourraient venir s’ajouter à ceux que les aides-soignants pratiquent déjà. Cette liste n’est pas encore arrêtée, mais 27 actes sont actuellement en discussion, parmi lesquels l’application de pommade, la pose de bandes de contention, le recueil de la saturation en oxygène ou encore celui de la glycémie capillaire… « Il s’agit principalement d’actes que nous pratiquons déjà, en toute illégalité, depuis des années », explique Arlette Schuhler.
La présidente de la Fnaas précise que bien entendu, les nouveaux actes impliqueraient « forcément de rallonger la formation initiale des aides-soignants ». Mais attention, « cela ne portera pas la durée de la formation à 18 mois », tempère-t-elle. La question de la formation des professionnels déjà en exercice n’avait d’après elle pas encore été abordée au cours des discussions sur la réingénierie. « Il ne s’agit pas d’actes très compliqués, et il n’y a pas besoin de deux jours de formation pour apprendre à appliquer une pommade », déclare Arlette Schuhler.
Une liste à la Prévert
La réingénierie reviendrait-elle simplement à officialiser, moyennant quelques modules de formation supplémentaires, ce qui se passe tous les jours sur le terrain ? Tel n’est pas l’avis de Patrick Chamboredon. « Cette liste, c’est une liste à la Prévert », s’indigne le président de l’Ordre national des infirmiers (ONI) qui a participé aux deux dernières réunions, mais qui déplore de ne pas avoir été invité auparavant.
Celui-ci ne se dit toutefois pas opposé à un élargissement du rôle des aides-soignants. « Je ne suis pas le grand méchant loup qui refuse qu’ils évoluent, affirme-t-il. Mais c’est une question de méthode : si une profession évolue, il faut que toutes les professions évoluent ensemble. »
Côté syndical, le discours est similaire sur le fond, mais la forme est plus virulente. Dans un communiqué du mois de juillet, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), ne se disait pas opposé à une « réorganisation ». Mais tout comme l’ONI, il s’indignait de ne pas avoir pris part aux premières réunions, se déclarant « révolté de tant de mépris pour les 600 000 infirmières et infirmiers de France » et « inquiet pour la sécurité des soins et des patients ». Et du côté de Convergence infirmière, le ton était clairement alarmiste. « Notre profession est clairement en danger », indiquait cet autre syndicat d’Idels un communiqué diffusé en juin.
Pas de rôle propre pour les aides-soignants !
Arlette Schuhler tient toutefois à rassurer : les aides-soignants ne demandent pas de rôle-propre, dans le cadre de ces discussions. « Nous travaillons sous la responsabilité des infirmiers, et nous ne le contestons pas ici », indique la secrétaire de la Fnaas. Les aides-soignants ne se voient pas non plus travailler en libéral à court-terme. « C’est impensable dans l’immédiat », déclare la militante. « Un jour, dans un avenir lointain, pourquoi pas, il est permis de rêver. »
Reste une question : puisque les aides-soignants ne travailleront pas en libéral, pourquoi les syndicats d’Idels sont-ils aussi remontés sur le sujet ? Arlette Schuhler a sa petite idée. « Ils craignent pour le domicile », décrypte-t-elle. Que se passera-t-il en effet si des Ssiad ou des HAD peuvent en toute quiétude employer des aides-soignants pour effectuer des actes rémunérateurs aujourd’hui effectués par des Idels ? Réponse à la fin du mois de novembre.
Adrien Renaud
Mise à jour 3/10/19
À la suite de la publication de cet article, Arlette Schuhler tient à préciser ses propos afin d’éloigner tout malentendu. Elle souligne qu’à moyen ou long terme, l’un des objectifs de la Fnaas est bel et bien l’obtention pour les aides-soignants d’un rôle propre en vue d’aboutir au statut libéral, et que cette demande a déjà été soumise à plusieurs reprises au ministère de la Santé.
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