Grand entretien avec le président de l’Ordre (3/4). L’idée que les généralistes pourraient déléguer des tâches aux infirmiers est récurrente et fait bondir de nombreux médecins. Pour le Dr Patrick Bouet, c’est un non-sens d’envisager des pratiques avancées sans avoir défini les contenus métiers avec précision.
Un des points de crispation des médecins vis-à-vis du projet de loi de santé, concerne les pratiques avancées. Et à ce sujet, l’Ordre des médecins entretien des relations de travail, avec l’Ordre infirmier. Où en sont vos discussions ?
Nous disons à nos collègues du monde paramédical et notamment à l’Ordre infirmier que nous pourrons parler des pratiques avancées, de délégations de tâches et de coopération entre professionnel que lorsque nous aurons très précisément défini les contenus métiers, les coopérations intra professionnelles et un projet de coopération pluri professionnel. Aujourd’hui, mettre en avant un type de pratique avancée comme étant la solution, nous semble là encore aborder le problème du mauvais côté. Travaillons ensemble à bien définir les contenus des coopérations intra et inter professionnelles. Mais lancer dans la loi des affirmations de principe sans avoir revisité l’organisation générale du système, c’est vouloir créer des discordances entre les acteurs. Ce n’est pas ainsi que nous arriverons à résoudre la problématique de la prise en charge des patients. Il faut raisonner sur les besoins, et non sur l’offre. Nous disons et affirmons que le métier de médecin est singulier, fondamental et coordonnateur du parcours santé du patient. Et vouloir inventer d’autres responsabilités que celle du médecin dans ce parcours de santé, c’est un non-sens. Mais les médecins ne sont pas opposés à ce qu’autour du médecin, on organise un parcours de santé avec des acteurs aujourd’hui existants, ou avec des acteurs à inventer demain. Il s’agit d’une réflexion de fond. Les médecins ne veulent pas qu’on leur impose une réponse avant que le problème soit totalement analysé.
A l’évidence, l’Ordre national infirmiers rencontre de grandes difficultés à installer sa légitimité. Ecoutant les contestataires de l’Ordre, des députés ont voulu le supprimer, contre l’avis du gouvernement, et tout récemment, la date des élections aux unions professionnelles a été repoussée car il y avait une distorsion entre les fichiers ordinaux et ceux de l’assurance maladie. Ce climat de contestation peut-il s’apaiser ?
Oh, depuis sa naissance, l’Ordre des médecins a connu toutes les vicissitudes et toutes les critiques. Aujourd’hui la plus grande profession par le nombre, c’est celle d’infirmiers. Elle est présente sur tout le territoire,… [lire la suite]
tout comme les médecins. L’Etat doit savoir s’il veut ou pas des organes régulateurs de ces professions. Nous avions compris que ces 7 professions devaient avoir un ordre régulateur investi d’un certain nombre de missions régaliennes : contrôle des compétences, de l’insuffisance professionnelle, de l’inscription et de la qualification.
Or, on nous répond aujourd’hui qu’il y a un ordre infirmier alors qu’une circulaire de la DGOS (Direction générale de l’offre de soins), recommande de ne pas contraindre les infirmiers hospitaliers à adhérer à l’ordre. C’est-à-dire qu’une fois de plus, l’Etat pose le principe et l’exclusion du principe. On en peut en vouloir à l’Ordre infirmier ne n’être pas parvenu à rassembler l’ensemble des professionnels – et Dieu sait que le président Borniche et son équipe ont rassemblé et restructuré et augmenté significativement la profession qui cotise.
On ne voit pas comment l’Etat pourrait se passer d’un tel organe régulateur. Si l’Ordre des médecins n’existait pas aujourd’hui, comment ferait-on pour savoir ce qui se passe sur un plan médical dans notre pays ? Comment ferait-on pour anticiper les évolutions de la démographie, comment aurait-on pu caractériser la problématique des territoires ? C’est nous qui avons l’exhaustivité des résultats. Alors il faut faire le pari que nous aurons, demain, un ordre infirmier capable de faire la même chose. Qui a compétence aujourd’hui pour sanctionner les faux diplômes ? Ce sont les ordres. Le ministère ou le centre national de gestion sont incapables d’avoir ce que nous avons, nous, tous les liens nationaux et internationaux que nous entretenons. Nous pouvons interroger n’importe quel pays pour savoir si un diplôme est bien un document qui habilite pour exercer. Personne d’autre ne peut le faire. L’ordre infirmer est dans la même situation. Il faut être logique, on a manqué un peu de logique dans cette affaire. Pour nous, les 7 professions régulées doivent être en mesure de continuer la mission qui leur a été confiée par le législateur et qui a été voulue par la représentation nationale.
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