Cet article a été publié dans n°47 d’ActuSoins Magazine (janvier 2023).
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D’emblée, dès lors qu’il entre dans le cabinet de Virginie, le patient n’affiche pas une grande motivation à être présent. Et cela se confirme : « Je suis venu pour faire plaisir à ma femme », lance-t-il du bout des lèvres. Aujourd’hui retraité, mais ancien serrurier, il estime avoir effectué suffisamment d’activité physique en montant les étages des immeubles pour venir dépanner ses clients. Mais désormais, il doit bien le reconnaître, « il est sédentaire ».
Le problème ? Il a pris rendez-vous avec Virginie, via Doctolib pour une consultation en lien avec l’Activité physique adaptée (APA), portée par la Maison Sport Santé (MSS). Pour l’orienter vers des séances d’APA, il doit disposer d’un médecin traitant qui lui prescrive des séances. Mais il n’en a pas et ne manifeste pas vraiment la volonté d’en trouver un. Finalement, il quitte la pièce non sans montrer son mécontentement. « C’est la première fois que cela m’arrive, reconnait-elle. C’est révélateur de l’une de nos limites, à savoir l’accès direct. Car je dois nécessairement passer par le médecin pour obtenir une prescription. »
Des consultations de bilan
Juste avant lui, une autre patiente était en consultation avec Virginie pour son bilan des six mois. Orientée par son médecin traitant avec lequel Virginie a signé un protocole d’organisation au sein de la MSP, cette patiente ne travaille plus depuis deux ans. Elle est victime de douleurs chroniques et isolée socialement.
« Elle n’allait pas très bien physiquement et psychiquement, elle était déprimée, angoissée et ne voulait plus sortir de chez elle, raconte Virginie. Nous avons donc décidé, en Réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), de l’orienter vers l’APA pour travailler à une remise à l’activité physique. »
L’APA, financée et prise en charge par l’Association santé bien-être des coquelicots (ASBEC) qui porte la MSS, et ce, dès lors qu’elle fait l’objet d’une prescription, consiste en dix séances de sport par groupe de huit personnes. Athlétisme, baseball, fitness, handball et tir à l’arc sont utilisés comme médias pour permettre aux patients de se réapproprier une activité.
« Après trois mois d’APA, la patiente se sentait mieux mais pas encore totalement, nous avons donc renouvelé la prescription pour trois mois », ajoute Virginie. « Aujourd’hui, je vais mieux », témoigne Madame X. Perte de poids, nouvelles habitudes alimentaires, une heure de marche quotidienne : les résultats sont très encourageants. « Je vais aussi poursuivre avec du fitness une fois par semaine en le finançant moi-même », partage la patiente.
Le rôle de l’infirmière en pratique avancée (IPA) entre clairement dans le cadre d’actions de prévention. « Lorsque j’ai rencontré cette patiente, j’ai effectué un entretien motivationnel, indique Virginie. Si elle ne mange pas correctement, ne fait pas d’activité physique et qu’elle se trouve isolée, cela augmente les risques de maladies cardiovasculaires, de maladies psychiques et psychiatriques. J’interviens donc pour chercher des solutions afin qu’elle aille mieux et limiter l’apparition de maladies. »
En parallèle de la consultation, Virginie rédige son compte-rendu dans le logiciel partagé de la MSP afin que le médecin traitant puisse avoir accès au contenu de l’échange. « Nous reparlerons ensuite de la situation de la patiente lors d’une prochaine RCP », explique l’IPA, précisant que tous les patients ont un bilan à trois, six et neuf mois.
Un déplacement au domicile des patients
Ce choix de devenir IPA est relativement récent pour Virginie. À l’origine, elle faisait partie de la MSP en tant qu’infirmière libérale (idel). « Une partie de mon activité était consacrée à la coordination du projet de santé de la MSP, explique-t-elle. Je participais également à Gérialib, un programme de prévention de repérage et de prise en charge de la fragilité des personnes âgées. » Son rôle consistait à se rendre au domicile des patients pour effectuer un point sur leur situation, en lien avec leur médecin traitant. « Finalement, ajoute-t-elle, lorsque les IPA ont été créées, l’un des médecins de la MSP, avec lequel je travaille régulièrement, m’a encouragée à me former car cela correspondait déjà un peu à ma pratique. »
Si l’IPA programme des rendez-vous au sein de la structure, elle se rend aussi à leur domicile afin d’assurer leur suivi, notamment quand les patients peuvent difficilement se déplacer. Aujourd’hui, Virginie se rend justement chez une patiente âgée, présentant plusieurs problématiques de santé dont de l’hypertension et un début de démence.
« Elle vit, par choix, avec sa fille mais son état général s’est dégradé car elle a arrêté de prendre son traitement, raconte Virginie. Sa fille a souhaité gérer seule la situation mais, à la suite d’un épisode aigu, elle nous a sollicité. » Après un an sans contact avec son médecin, la patiente a accepté de le recevoir chez elle, avec l’IPA.
Un suivi régulier
« Nous avons stabilisé sa situation et instauré un suivi régulier pour ne pas la perdre de vue une nouvelle fois », indique l’IPA. Désormais, les infirmières libérales passent deux fois par jour pour surveiller la prise des médicaments, la patiente a également rendez-vous avec un cardiologue et l’IPA se rend à son domicile tous les mois et demi. « Aujourd’hui, j’y vais pour la visite des trois mois, je vais donc effectuer un bilan et un examen clinique, précise-t-elle. Je fais aussi de la prévention car elle a la main leste avec sa fille, et je crains que sa fille ne craque. »
En arrivant au domicile de la patiente, l’ambiance semble détendue. La complicité entre la mère et la fille est réelle, mais une tension se ressent également. « Comment ça va ? Vous avez le moral ? », lance Virginie. « Cela dépend, répond franchement la patiente. J’essaye, sinon je me laisserais aller. »
Après avoir effectué un point sur sa situation, son traitement et son suivi, l’IPA lui demande alors quelle organisation envisager pour la suite. La patiente confie ne pas être dérangée par la solitude, « et de toute façon, ce n’est pas la peine de chercher à mettre en place de nouvelles mesures car j’ai un mauvais caractère donc, si je ne veux pas faire quelque chose, je ne le ferai pas », reconnaît-elle.
Finalement, Virginie procède à son examen médical : prise de la tension, écoute de son cœur, observation de ses jambes et de ses pieds. Comme elle la trouve un peu triste, elle appelle le médecin pour confirmer une augmentation des doses d’antidépresseurs. D’ici la fin de l’année, l’IPA retournera voir la patiente, en binôme avec le médecin, pour la poursuite de son suivi.
« L’IPA Infirmière de pratique avancée travaille sur tous les types de prévention »
L’avis d’un médecin généraliste au sein de la MSP
« Dans le cadre de la MSP, nous avons l’habitude de travailler en équipe. Virginie, nous la connaissons depuis longtemps. Elle exerçait déjà en tant qu’infirmière libérale au sein de la MSP. La confiance est donc installée de longue date, d’autant plus que nous partageons les mêmes valeurs de travail, ce qui facilite nos échanges. L’IPA est indispensable car elle gère les patients ayant des pathologies chroniques stabilisées. Et comme dans le chronique, il y a toujours de l’aigu, il faut que nous ayons confiance l’une dans l’autre. Je sais qu’elle va m’appeler en cas de problème et de mon côté, je dois me rendre disponible. Personne ne dépasse son cadre, chacun est à sa place. C’est du temps supplémentaire, mais c’est aussi ma façon de travailler, cela ne me dérange donc pas. La présence de l’IPA est d’autant plus utile du fait de la désertification médicale. En tant que médecin, nous devons gérer une hausse des demandes de consultations et nous devons aller de plus en plus vite. Alors certes, nous parlons de prévention avec nos patients. Mais c’est aussi rassurant de savoir que l’IPA va aborder le sujet avec eux, lors d’une consultation plus longue. Elle joue un rôle fondamental avec les patients pour parler de la prévention des chutes, de la mémoire, de l’activité physique adaptée, de la dénutrition, de la dépression. Elle travaille sur tous les types de prévention. »
Laure Martin
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