L’infirmier sapeur-pompier: un métier à découvrir, un rôle à définir

L’infirmier sapeur-pompier: un métier à découvrir, un rôle à définir

Dans les zones rurales, le rôle de l’infirmier sapeur-pompier dans la chaîne des secours tend à se développer via la réponse graduée, une organisation des interventions dénoncée par le Samu.

 

Infirmier Sapeur Pompier complétant le bilan d’une victime © Fredd Verdy – Fire presse

En cas d’accident ou de malaise, dans les villes françaises, les services de secours interviennent sans délai. C’est moins évident dans les départements ruraux où seul le maillage territorial des sapeurs-pompiers reste dense contrairement à celui du Samu.

C’est dans ce contexte que le rôle de l’infirmier sapeur-pompier (ISP) se développe depuis une dizaine d’années. Outre la proximité, la multiplication des interventions liées au vieillissement de la population, la maîtrise des dépenses publiques et la mobilisation des Smur par les transferts de patient motivent de plus en plus les Services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) à y appliquer un système de réponse graduée.

Celle-ci prévoit  l’envoi de secouristes, d’une équipe avec ISP ou d’un Smur en fonction de la gravité de l’intervention. Sur le terrain, les Sdis peuvent compter sur 5 221 ISP dont la plupart travaille sur protocoles.

L’infirmier sapeur-pompier (ISP), nouveau maillon des secours

«En Province, l’ISP s’inscrit comme un nouveau maillon de la chaîne des secours entre les sapeurs-pompiers, qui pratiquent les gestes de base du secourisme et ne peuvent pas administrer de médicaments, et les équipes médicales lourdes du Samu. Il intervient lors d’urgence relative. Par exemple, un joueur se blesse lors d’un match de foot. L’ISP prend en charge la victime notamment en lui administrant un anti-douleur, peut-être de la morphine, si un protocole l’y autorise et que la situation le justifie. Ces soins seront suffisants pour le transport vers un centre médical», explique Kévin Malacarne, membre du conseil d’administration de l’Association nationale des infirmiers sapeurs-pompiers (ANISP).

Hypoglycémie, convulsions, choc anaphylactique, analgésie… les champs couverts par les protocoles peuvent être assez vastes. «Il y a un transfert de compétences. L’infirmier est dans une démarche d’autonomie. Il réfléchit seul sur l’engagement d’un protocole. C’est une petite révolution dans la façon d’appréhender les soins», explique Kévin Malacarne.

L’opposition du Samu

Une révolution à laquelle le Samu est loin d’adhérer. La position de Marc Giroud, président de Samu-Urgences de France, est claire : «Nous ne sommes pas favorables à ce concept de réponse graduée qui ne repose sur aucune base scientifique. Si un infirmier doit se retrouver seul auprès d’une victime c’est uniquement du fait de sa plus grande proximité. En cas d’urgence, il faut que la réponse soit simultanée avec l’envoi de pompiers et du Samu en parallèle. Nous avons une obligation d’égalité de chances. Nous ne pouvons pas exclure des patients parce qu’ils sont dans des secteurs géographiques isolés. De plus, dans le système de réponse graduée, l’ISP peut être une source de perte de temps. Par exemple, si les secouristes l’attendent pour passer leur bilan au Samu ou si l’infirmier est à l’origine de l’arrêt malencontreux d’un Smur. L’ISP ne doit pas avoir une fonction de diagnostic de la situation.»

Des protocoles à redéfinir

Une critique prévisible pour les infirmiers car la réponse graduée touche à l’indépendance du médecin. «Le Samu y voit-là une concurrence. Il y a la peur d’arriver à une paramédicalisation des secours à l’anglo-saxonne. Le Samu est même allé jusqu’à nous accuser d’exercice illégal de la médecine. De toute façon, il faut avancer. Pour ne pas imploser, notre système de secours a besoin d’être réformé», avance Kévin Malacarne.

Convaincu par la réponse graduée, à l’instar de l’ANISP, il espère même, à terme, que les protocoles soient élargis. «L’utilisation de fastrach pour la protection des voie aériennes lors d’un arrêt cardiaque ou la lecture simplifiée d’un électrocardiogramme pourraient être intégrées pour gagner du temps jusqu’à l’arrivée d’un Smur», précise Kévin Malacarne.

«Dans le cadre d’une réponse simultanée, l’infirmier a bien évidemment un rôle à jouer en attendant l’équipe médicale, reconnaît Marc Giroud. Mais, le problème c’est qu’aujourd’hui les protocoles sont établis localement et ne sont pas fondés sur des données scientifiques. Ils devraient être fixés par une émanation scientifique nationale. La société française de médecine d’urgence est justement en train d’y réfléchir».

En effet, chaque médecin-chef de SDIS fixant lui-même les protocoles, en collaboration avec le médecin-régulateur du Samu, les ISP ont des prérogatives plus ou moins étendues en fonction de leur département. Un flou qui devrait s’estomper dans quelques mois lorsque la Société française de médecine d’urgence rendra ses conclusions sur les protocoles et la place de l’infirmier dans la chaîne des secours.

Judith Korber

Pour aller plus loin:

Association Nationale des Infirmiers Sapeurs Pompiers (ANISP)