L’humanitude, cette méthode de soins, née dans les années 80 aux Etats-Unis et développée en France depuis les années 90, conquiert de plus en plus d’Ehpad à travers l’Hexagone. Prônant l’humanisation de la relation avec le patient, la méthode bouleverse quelques pratiques des soignants, pour leur plus grand bien, semble-t-il. Récits recueillis auprès de deux établissements.
Pour Claude Pinault, les petits déjeuners étaient toujours les mêmes : café et tartines sans beurre, à la confiture d’abricot. De quoi satisfaire une gourmandise obsessionnelle ? Pas vraiment. Il s’agissait plutôt de celle de son infirmière alors qu’il était atteint du syndrome Guillain-Barré. Chaque jour, elle lui apportait, croyant bien faire, ses tartines préférées, calquant sur son patient ses propres goûts. Cette anecdote extraite de l’ouvrage de cet ancien malade*, Rosette Marescotti aime l’évoquer pour expliquer ce que l’Humanitude veut combattre : l’oubli de l’individu derrière le patient.
Cette méthode de soins née aux USA dans les années 80 défend que « chacun est considéré comme quelqu’un d’autonome, à vie, en mesure de faire ses choix », résume Rosette Marescotti. « Un hémiplégique, c’est d’abord un hémi-valide. Chacun est en mesure de savoir ce qui est bon pour soi, même s’il n’a pas la capacité de l’exprimer », poursuit-elle. Cris, mouvements, battements de cils, le soignant doit alors être attentif aux signes donnés par le patient.
« L’Humanitude s’interroge sur la définition de la personne, c’est aussi une philosophie du lien », ajoute Rosette Marescotti. Regards appuyés à la hauteur du patient, contacts physiques, paroles bienveillantes constituent les bases de la méthode ainsi que les « trois piliers relationnels » qui élèvent chacun au statut d’Homme, qui permet de se sentir « humain parmi les humains ». Rosette Marescotti et Yves Gineste, deux anciens professeurs d’éducation physique, se sont fait les ambassadeurs en France de la méthode, dès 1995, après que le gériatre Lucien Mias l’ait introduite en 1989. Aujourd’hui, la méthode de soins Humanitude est mise en place dans 200 établissements (EHPAD, CCAS ou SSIAD) à travers la France.
Une cohérence dans l’équipe
Première étape dans la mise en place de la méthode : la formation dispensée par l’Institut Gineste-Marescotti. A l’Ehpad du Hameau de la Pelou, à Créon, près de Bordeaux, toute l’équipe, du personnel administratif aux cuisiniers, en passant par les soignants, bien sûr, tous ont été formés en 2007 pendant quatre jours. Il en allait de la « cohérence » dans la démarche, voulue par la directrice de l’époque qui a souhaité que l’Humanitude fasse son entrée dans l’Ehpad.
Si le personnel de cet établissement girondin était plutôt favorable à cette formation qui traitait de la « bientraitance », il n’en était pas de même dans l’Ehpad Bon Air, à Combo-les-Bains, établissement situé dans les Pyrénées Atlantiques. « Il y a avait au départ quelques collègues réticents », raconte Séverine Limouzin, infirmière coordinatrice de l’Ehpad. La remise en question de leur pratique n’a pas été au début bien perçue. Puis, en 2013, le premier groupe de soignants de cet Ehpad du Pays basque bénéficie de la formation et très vite l’infirmière constate « une contamination positive » : les gestes et réflexes appris en formation se diffusent auprès des soignants qui ne sont pas encore formés.
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La règle des « Toc-toc-toc », un des apprentissages incontournables de la formation, devient rapidement une habitude dans l’équipe : le personnel ne s’autorise plus à entrer dans la chambre des résidents sans avoir frappé trois fois à la porte, même si ceux-ci ne sont pas en mesure de répondre. « Cela permet de les prévenir de notre arrivée, il n’y a pas d’effet de surprise », explique Maguette Malabat, infirmière à l’Ehpad Bon Air. « Ce geste permet de préserver l’individu dans le collectif », observe Nathalie Vignau, cadre de santé à l’Ehpad du Hameau de la Pelou, en Gironde.
Plaisir pour tous
Avec la méthode Humanitude, la toilette, qui peut parfois être source de tension, est revue. Pour chaque nouveau résident, une première toilette évaluative est réalisée à deux soignants : le « maître » qui exécute le geste, et le « furtif », qui a pour rôle de faire diversion. A eux deux, ils évaluent l’autonomie du résident – quels gestes est-il encore en mesure de réaliser lui-même, la toilette a-t-elle été réalisée au lit ? -, mais aussi les moyens de rendre ce moment plus agréable pour le résident. Cela comprend les sujets de discussion favoris, les préférences du patient pendant la toilette,…
« Nous travaillons sur le plaisir », explique Céline Gourgousse, infirmière au Hameau de la Pelou. Pendant ce moment, les discussions s’enchaînent, les yeux dans les yeux, accompagnées de gestes tactiles. Les informations glanées sont consignées sur une fiche mise à disposition de l’équipe de soignants.
Une règle prime lors de la toilette : elle ne doit jamais être forcée. « Si le résident s’y oppose, le soin est reporté, quitte à repasser dix fois dans la chambre », poursuit Céline Gourgousse. Une perte de temps ? Pas sûr : « Nous ne perdons pas dix minutes à essayer de convaincre la personne, il n’y a plus cette perte de temps et d’énergie. Les actes sont ainsi plus fluides et coulants », considère Nathalie Vignau. « Lorsque le patient refuse la toilette, je ne me sens pas en situation d’échec », ajoute Céline Gourgousse.
L’importance de la gestuelle
Les gestes, une main posée sur le bras, une embrassade, sont même encouragés à être tendres. Mais pas question de forcer sa nature : « nous ne sommes pas tous égaux face à l’émotion, à l’idée de prendre quelqu’un dans les bras, observe Séverine Limouzin, infirmière coordinatrice dans l’Ephad Bon Air. Il est important de mettre du sens dans ce geste. » Autre principe fondateur de l’Humanitude : « verticaliser » les résidents, leur permettre de regagner la station debout, propre à l’Homme. Au début, cela demande plus de temps et d’engagement », convient Séverine Limouzin. Mais au final, le bilan et le temps nécessaire pour l’application des principes de la méthode sont positifs.
« Cela donne un sens à nos gestes et tout le monde est content », assure Céline Gourgousse. Selon une étude de la Méthode de soin dans une Unité spécifique Alzheimer, la consommation de neuroleptiques a pu être réduite de 78,54 % et le bien-être des résidents de 209 %. Après la formation, la méthode défendue par Yves Gineste et Rosette Marescotti semble évidente. « Il y a beaucoup de bon sens, relève Séverine Limouzin. Il est impossible, une fois la méthode adoptée, de revenir en arrière ». Et Nathalie Vignau d’affirmer : « Humanitude a conforté notre démarche et notre approche. »
Ariane Puccini
*Le Syndrome du bocal, Claude Pinault, Editions Buchet Chastel, 346 pages, 21,30€.
Pour aller plus loin : les formations en bientraitance humanitude
Cet article est initialement paru dans le n°23 (dec 2016) d’ ActuSoins Magazine.
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À quand la soignitude?
Julien Walther nos cours me manquent!
Se centrer sur les besoins réels de la personne soignée n’a rien de nouveau !!!! On croit rêver
…ça date des années 80, 90, on a bien progressé depuis! … On est passé à la “chainitude” et souvent à la “maltraitutude” à coup de “diminitude” de personnel prônée par tous ces “managers”de milieu hospitalier et autres structures paramédicales… la derniere personne que je suis allée voir en maison de retraite? Parfois du beurre… plus jamais de confiture sur ses tartines de petit dej’! Il n’ont “plus le budjet”!! Le bain? tu oublies! Et la douche? Aussi. Pas le temps. Alors…quand les soignants désespèrent de pouvoir faire ne serait ce que les soins de base correctement…faute de matériel et de personnel…vous pensez qu’ils ont encore le temps d’analyser les clins d’yeux, de tapoter sur l’épaule, d’étreindre…etc??? On reve…
attends mais c’est quoi ce bins!!! faut une formation pour être humain, ah bon?
c’est comme tous les bons “maronniers journalistiques” ça revient régulièrement depuis 20 ans, et ça fait culpabiliser car pour l’appliquer il faut du personnel ayant le temps!
Une question de ” Bon sens ” & ajuster à chaque patient-client-residant le prendre soin et l’empathie !!!!….Une formation est toujours bénéfique pour l’ouverture d’esprit et l’application de son savoir-faire et savoir-être. …Je n’ai aucun regret d’avoir fait cette formation Gineste et Marescotti. …c’est que du ” PLUS ” …..à ce jour .
Paroles et paroles et paroles……. Rien que des mots…… Ce n’est pas en 4 jours de formation que l’on apprend ă être un soignant “bienveillant, empathique…etc..” Si on ne l’est pas ă la base, il faut faire un autre mėtier.
Encore faut-il avoir les moyens de l’appliquer!!!
ça c’est dans nos rêves, le manque de personnel et de moyens ne nous permettent pas de pratiquer l’humanitude dans sa globalité. je reste cependant souriante et à l’écoute. c’est déja bien au vu de certains personnels qui ne le sont pas mais je ne les diffames pas, car ce sont des métiers de plus en plus difficiles physiquement et mentalement
Si ça pouvait être réel car dans la pratique on fait avec les moyens qu’on nous impose et j ai bien peur que ça va s aggraver c est bien triste mais ceci dit il y a aussi des moments agréables heureusement que nous aimons notre métier
Qu’on ne donne déjà plus de personnel et donc plus de temps avec les patients, les soignants seront ensuite nettement plus dans l’écoute et le prendre soin. Pas besoin d’imaginer des concepts qui en plus en sont pas réalisable sur le terrain.
Il suffit juste parfois d’avoir été soi même le patient dans le lit pour comprendre le ressenti et la douleur des autres
Pour être à hauteur d’homme encore faut-il être considéré avec humanité. On ne peut pas vendre quelque chose sans en avoir goûté un échantillon. Stop à la culpabilisation systématique des soignants c’est une torture mentale, une vraie violence.
Formé à l’humanitude, il y a de nombreux points très intéressants, parfois utopique certes mais il est intéressant de tendre vers certains points.
Comme toute formation, elle bouleverse certaines techniques de soin et nous donne l’impression de ne pas travailler suffisamment bien.
Si on l’applique de manière pragmatique, elle utilisable malgré les contraintes de temps, certaines ne prennent pas plus de temps.
Elle peut être aussi un poids dans l’argumentation du temps nécessaire pour les soins face à des responsables qui ne connaissent pas les soins.
Des échanges constructifs et argumentés seront toujours mieux qu’une lutte frontale et stérile.
Marie Bouazza Yoann-Perrine Zupancic
Les priorités sont celles qu on se donne….à nous de revendiquer ce temps et pas d essayer de rentrer dans un systeme de productivité au detriment des patients et des soignants…on a cette force qu on a du taf quoiqu’ il arrive…
L humanitude ne s apprend pas…perso je n ai rien appris…j ai toujours pratiqué avec humanité..question d ethique dans les soins ..
J’ai eu cette formation, et je suis d’accord que tout ne peux pas être mis en place car on manque de moyens dans les CH, les EHPAD.. mais beaucoup de petites méthodes et idées peuvent être utilisé au quotidien. Rien que le fait de vouloir changer les choses et une ouverture sur sa pratique. Certains collègues qui critiquait la formation sans même l’avoir fait se révélait être des soignantes qui ne se remettaient jamais en question et ne voulait pas faire évoluer leurs pratiques archaïques
Bien d’accord avec toi Ame En Dinette.
Bonne philosophie de soin mais un peu utopique….
En attendant marescoti et ginest s’en mettent plein les poches ….car il faut savoir que le concept humanitude se paye….
Aurelie Riva
Comment faire de l’humanitude alors que nous n’avons pas assez de temps. Une prise en charge qui devrait être de 20min voir 30min et souvent elle est faite en 10 minutes.alors ne me parlez pas d’être humain. J’ai honte!
Sylvie Helle
L’humanitude est une formation très utopique tand que l’on aura pas assez de personnel.
La méthode Montessori est de loin la meilleure et la plus réalisable de nos jours
On nous parle relation humaine et qualité de vie de soins etc….. et juste après, efficacité, optimisation du temps de travail et rentabilité!!! ils ont de graves troubles de la personnalités ces gugusses là !!!!
Le pipo !! Restriction encore et encore ! Ca se serait si la santé avait de l importance ! L.humanité on nous la grignote à coup de suppression de budget
De la connerie en barre oui!
c’est une super formation, en tant que soignant on a toujours besoin de se remettre en question et de revoir ses pratiques. Il y a vraiment bcp de choses à apprendre, qui sont faciles à mettre en place sans parler de moyen humain en plus. même si c’est une réalité qu’il manque de personnel dans les établissements pour personnes agées. Après est ce qu’on est obligé d’attendre le gouvernement pour travailler dans de meilleurs conditions, je ne pense pas , car on risque de s’épuiser à rouspéter plutôt car faire notre travail auprès de nos résidents puisque nous ne sommes pas la priorité de nos gouvernants !!! et justement la formation humanitude nous donne des astuces pour améliorer notre prise en soins. c’est une formation à faire!!!!
formée pendant 12 ans à l’humanitude, ce que je vis aujourd’hui dans mon quotidien d’infirmière, s’en détache de plus en plus… lamentable de réveiller des personnes âgées à 4h30, lamentable les pressions sur les soignants, lamentables les prises en charge… désespérant.
Inquiétant et limite un peu désespérant… Faut il vraiment des formations supplémentaires et un nouveau mot pour s’occuper des patients avec bienveillance, empathie et bon sens?!
J’ai fait la formation humanitude c’est génial Nathalie est superbe
En ce moment humanitude bientraitance sont des mots qui me donne envie D’HURLER !!! AVEC QUEL BRAS ON DOIT PRATIQUER !!!!!
AS en ephad, l’etablissement doit nous former a l’Humanitude. Mais il nous faudra aussi du pers supplementaire sinon comment s’en sortira t on?
Un très joli concept qui lorsque j’étais à l’ifsi avait fait pour partie sujet de mon mémoire….ceci dit après quelques années dans la «réalité» de l’hôpital public, je dois dire que ceci ressemble plus à une utopie qu’à une réalité….alors bien sur on s’efforce de faire au mieux…mais avec toujours moins c’est plutôt «l’inhumanitude»
Nogo Méïté l’humanitude c’est pas ton sujet de mémoire ? Si cet article peut t’aider lol
Lydia Hanine Lola Mascarel Mihaela Enache Célia Gco
J’ai fait cette formation. Je ne veux plus en entendre parler que l’on nous donnes des moyens humains.
Ça perd son temps à pondre des beaux concepts mais on est déjà des humains !!!! C’est le système qui rend les rapports inhumains !!!! Sortez de vos bureaux !!!! L’hôpital est à bout de souffle !!!!!
Formation très intéressante et facile à mettre en pratique (même si les effectifs sont reduits) par de petits gestes et quelques attentions plus adaptés à chaque patient!
Un article pour toi ma Karen
Estelle Killy
manque de personnel pour mettre ce soin en pratique
Si seulement le tps était la !
Thérèse Louisor Lydie Gadea humanitude
C’est pas plutôt un article du Gorafi ?
impossible étant donné les suppressions d’effectif encore et encore!
Nicolas Gugliotta
Encore un nouveau mot….. juste pour dire qu’il faut se comporter comme des êtres humains …..
Marion Marion
De la connerie, donnez nous des moyens humains et matériels de travailler correctement, le reste ira de soi, pas besoin de faire du marketing et d’encore faire croire que la maltraitance est uniquement du fait des soignants
Edylia Bonnt
” bouleverse quelques pratiques des soignants “…
C’est une notion totalement hors sujet entre la hiérarchie et les soignants . Et entre les soignants et les patients, c’est quand il y a le temps et discrètement sinon c’est reproché comme ” manque d’organisation “
Si les “moyens” sont donnés, oui – Sinon, je “m’adapte” !
Ce n’est pas trop dans l’air du temps ! !!! A l’hôpital