Laïcité à l’hôpital : Des règles pour tous

Laïcité à l’hôpital : Des règles pour tous

Dans le domaine des croyances religieuses, qu’est-ce que les patients et le personnel soignant peuvent faire ou ne pas faire au sein des établissements hospitaliers ? Marc Dupont, de la direction des affaires juridiques de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) nous éclaire sur la question.
Laïcité à l’hôpital : Des règles pour tous
Marc Dupont, Adjoint au Directeur des affaires juridiques et des droits du patient à l’AP-HP – DR

Quel texte juridique détermine les droits et devoirs des patients et du personnel soignant au sein des établissements hospitaliers ?

La circulaire du 2 février 2005 relative à la laïcité dans les établissements de santé définit les grands principes s’appliquant dans les hôpitaux.

La règle est simple : le personnel soignant se doit de soigner les patients de façon égale et de respecter leur liberté de conscience. Ils doivent être neutres par rapport aux usagers et ne pas montrer leurs propres convictions religieuses.

De leur côté, les patients n’ont pas de contraintes particulières sauf depuis la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public et notamment au sein des hôpitaux.

Dans quelle mesure le principe du libre choix du médecin par les patients s’applique-t-il ?

Le libre choix du médecin par le patient est le principe général. Globalement, nous essayons de respecter la demande des patients, lorsque cela s’avère possible au sein d’une équipe médicale, notamment quand une femme souhaite être soignée par une femme ou un homme par un homme, car il est important que s’instaure une relation de confiance entre le médecin et son patient.

Néanmoins, nous n’allons pas faire de recrutements spécifiques pour pouvoir répondre aux exigences des patients. Nous avons mis une affiche traduite en plusieurs langues dans les locaux des hôpitaux de l’AP-HP indiquant que l’équipe médicale et soignante essaye, dans la mesure du possible, de respecter les souhaits exprimés par les patients d’être pris en charge par un médecin de leur choix.

L’affiche précise qu’il n’est cependant pas toujours possible de donner suite à leur souhait car les préférences des patients sur ce point doivent se concilier, en toutes circonstances et notamment en cas d’urgence, avec les nécessités du service et la disponibilité des personnels.

De manière générale, les exigences des patients sont rares. Nous avons eu un cas avec l’époux d’une patiente qui n’a pas accepté qu’un médecin homme s’occupe de l’accouchement de sa femme. Il a frappé le médecin, nous avons porté plainte.

Est-ce que les patients peuvent pratiquer leur culte à l’hôpital ?

Depuis la loi de 1905 relative à la séparation des Eglises et de l’Etat, il est prévu qu’exceptionnellement, l’Etat peut participer aux dépenses relatives à des services d’aumônerie, destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que les hôpitaux.

Par exemple, à ce jour, il y a environ 40 aumôniers de différents cultes dans les hôpitaux de l’AP-HP. Ils sont rémunérés et sous contrat. Ils interviennent dans les chambres des patients, à leur demande. Leur présence dans l’établissement dépend néanmoins de la direction.

 

Quelles sont les capacités d’action du personnel soignant face à un patient refusant des soins en raison de ses croyances religieuses ?

La question se pose essentiellement avec la transfusion sanguine pour les témoins de Jéhovah. Il y a une dizaine d’années, on considérait que les soignants étaient tenus à un devoir d’assistance aux personnes en danger.

Mais la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dispose que le personnel soignant ne peut pas forcer un malade à se soigner – sauf dans le domaine de la psychiatrie. Si un patient conscient et déterminé ne veut pas recevoir de soins, le personnel médical doit respecter son choix.

Néanmoins, la jurisprudence a considéré que compte tenu du devoir déontologique des médecins, ces derniers ne sont pas considérés comme fautifs s’ils ont donné des soins à un patient qui ne souhaitait pas en recevoir, si trois conditions sont réunies : la vie du patient est immédiatement en péril ; il n’y a pas d’alternative possible à la transfusion sanguine ; le praticien a essayé de convaincre le patient de se faire soigner.

Pour les enfants, le médecin est le garant de leur santé, il est leur protecteur. Il doit donc leur dispenser les soins nécessaires pour leur sauver la vie quelle que soit l’opinion des familles.

Êtes-vous confrontés à d’autres types de demandes de la part des patients ?

Nous avons de plus en plus de requêtes liées aux habitudes alimentaires des patients qui veulent des plats halal ou cacher. Mais cela a un impact économique et organisationnel important. Est-ce que le service public doit s’adapter à toutes les modes alimentaires ? Est-ce que les croyances sont plus importantes que les goûts de chacun ?

La diversité culturelle et religieuse est tellement importante en France que ce serait compliqué de répondre aux exigences de tous. Nous essayons donc d’y répondre partiellement.

Propos recueillis par Laure Martin

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Une réaction

  1. Je suis surpris sur 2 points :
    ” compte tenu du devoir déontologique des médecins, ces derniers ne sont pas considérés comme fautifs s’ils ont donné des soins à un patient qui ne souhaitait pas en recevoir, si trois conditions sont réunies : (…) le praticien a essayé de convaincre le patient de se faire soigner.”
    Donc on peut prodiguer des soins à un patient que l’on on a tenté de convaincre mais qui refuse en son âme et conscience. Bizarre non ?

    Et :

    “Pour les enfants, le médecin (…) doit donc leur dispenser les soins nécessaires pour leur sauver la vie quelle que soit l’opinion des familles”.
    Donc si un médecin souhaite transfuser un enfant d’un couple témoin de Jéhova l’IDE est obligé de réaliser cette transfusion ?

    Tient ce sont des questions à mettre dans Actusoins experts 🙂

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