La Cour des comptes appelle à “développer les alternatives” pour désengorger les urgences

La Cour des comptes appelle à “développer les alternatives” pour désengorger les urgences

Dans son rapport public annuel, la Cour des Comptes s'est penchée sur le fonctionnement des urgences et formule six recommandations pour une meilleure prise en charge des soins non programmés. 

La Cour des comptes appelle à "développer les alternatives" pour désengorger les urgencesEn 2016, les services d’urgence des établissements de santé, principalement publics, ont accueillis 21,2 millions de passages (contre 18,4 millions en 2012) pour un coût de 3,1 Md€ à la charge de l’assurance maladie et des autres finances (complémentaires santé et ménages), fait savoir la Cour des Comptes. 

La Cour constate que les améliorations organisationnelles mises en oeuvre depuis 2014 à l’hôpital n’ont pas porté tous leurs effets, faute d’un partage des taches avec la ville permettant de réaliser un véritable virage ambulatoire. Malgré les avancées en termes de recueil de données et d’organisation des services, les urgences demeurent trop sollicitées, entraînant de fréquentes situations de tension dans les établissements. La tarification est demeurée complexe et peu propice à un report des prises en charge hospitalières vers une médecine de ville insuffisamment outillée pour les accueillir. Désengorger les urgences nécessite de développer les alternatives aux urgences hospitalières en ville, de réorganiser les services d’urgence à l’hôpital et de réformer leurs modalités de financement“, résume la Cour. 

Dans un précédent rapport datant de 2014, la Cour faisait déjà le constat d’une augmentation continue du recours aux services d’urgence hospitaliers, portant essentiellement sur les passages non suivis d’hospitalisation.

Elle soulignait leur rôle dans la prise en charge des soins non programmés, “faute notamment de réponse suffisante de la part de la médecine de ville“. Elle relevait également “des failles en termes de tensions hospitalières, d’inadéquation des prises en charge et de faiblesse du recueil de données, cette situation faisant obstacle à des analyses fines des caractéristiques des patients venant aux urgences.

Des passages “évitables”

En se fondant sur la classification cliniques des malades aux urgences (CCMU), renseignée en France par l’urgentiste après la prise en charge du patient, la Cour estime, “de manière sommaire“, que “les 10 à 20% des patients n’ayant besoin d’aucun acte complémentaire d’imagerie ou biologie médicale (CCMU 1) auraient pu donner lieu à une prise en charge en ville en médecine générale“. 

A contrario, une telle prise en charge paraît exclue pour les patients classés en CCMU 3 (instables médicalement), et 4 et 5 (mise en jeu du pronostic vital et réalisation de gestes de réanimation), constate la Cour. La catégorie intermédiaire, la plus nombreuse (60 à 70 % des passages) est constituée par les patients CCMU 2 dont l’état est stable, mais qui ont besoin d’examens complémentaires et ne pourraient être pris en charge en dehors de l’hôpital “qu’à condition d’avoir accès à des plages de consultation et d’examens complémentaires non programmés ou à des structures pratiquant la petite traumatologie“. 

Il est ainsi permis de considérer qu’environ 20% des patients actuels des urgences hospitalières ne devraient pas fréquenter ces structures, et qu’une médecine de ville mieux organisée et dotée des outils idoines devrait pouvoir accueillir une proportion plus importante de ces patients“, explique la Cour. 

Sous-effectif médical

“L‘articulation entre la ville et l’hôpital est délicate, en raison d’une tarification peu adaptée et de l’insuffisance de l’offre de soins non programmés en médecine de ville“, notent les magistrats. 

Par ailleurs, notent-ils, les urgences souffrent d’un sous-effectif médical. Si le nombre de médecins travaillant au sein de services d’urgence a augmenté depuis 2013 (9500 médecins au 31 décembre 2016), cette hausse est “légèrement inférieure à celle de la progression de l’activité (15% pour la même période)”. 

Cette augmentation est de surcroît un trompe-l’oeil, car dans le même temps la part de médecins à temps partiel est passé de 46% à 77%. 

Six recommandations pour soulager les urgences

Les magistrats de la cour des Comptes estiment que les mesures présentées lors du plan “Ma Santé 2022” constituent une perspective d’amélioration. Ils citent notamment le développement des CPTS (Communautés professionnelles territoriales de santé) ou encore l’expérimentation sur trois ans, “d’une incitation financière aux structures d’urgence s’efforçant de réorienter vers la ville les patients nécessitant qu’une consultation simple“. 

Ils préconisent des évolutions complémentaires, afin de “réduire le recours aux urgences et mieux assurer la permanence des soins“.

Développer les alternatives aux urgences de ville, en favorisant les coopérations ville-hôpital sur les territoires et en développant la prise en charge des soins non programmés en ville. “Pour répondre à des situations nécessitant davantage d’examens et pour la petite traumatologie, un autre schéma est en train d’émerger, sur le modèle des “walk in centers” qui existent notamment au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou en Australie. Ces structures, qui auraient accès à un petit plateau technique (in situ ou à proximité), pourraient être hébergées par des MSP ou par les 500 à 600 hôpitaux de proximité comportant des plateaux techniques (imagerie, biologie, exploration).”

– Réorganiser les prises en charge hospitalières, en organisant les parcours des usagers fréquents et en assurant la promotion de délégations de tâches aux urgences. ” Le développement de la fonction d’accueil et d’orientation dans la plupart des sites d’urgence constitue une évolution organisationnelle importante, qui doit s’accompagner, pour gagner en efficacité, de la mise en oeuvre de délégations de tâches au sein de ces services“, assurent les magistrats, mentionnant pour exemple les services dans lesquels les infirmières pratiquent la dispensation d’antalgiques, des prescriptions de radiographies, et de l’orientation. 

La définition récente du cadre juridique des pratiques avancées des infirmier(e)s devrait permettre de progresser dans ce domaine, “pour autant que leur champ de compétence soit élargi et adapté au contexte spécifique des urgences“. 

Par ailleurs, la Cour propose aussi de réformer la tarification pour en faire un levier de rééquilibrage entre l’hôpital et la ville

M.S

Lien utile pour aller plus loin : Rapport de la cour des Comptes

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