Infirmières thermales : le fil rouge des curistes

Infirmières thermales : le fil rouge des curistes

Présences discrètes dans les instituts de thermalisme, les infirmières assurent une surveillance constante des curistes. Promptes à faire le lien avec les médecins traitants mais aussi à agir en cas d’urgence, elles doivent aussi prêter une oreille attentive à l’état de santé des curistes.

Dans son petit cabinet, Pascale Dubois, seule infirmière de l’institut de thermalisme Thermes Adour, ne se pose pas plus de dix minutes. Installée au cœur de l’institut, à deux pas des piscines, des parcours de marche et des cabines de pulvérisation, au croisement des couloirs amenant aux différents soins que propose l’institut, la très calme quinquagénaire répond au quart de tour aux appels des curistes. Entre deux réponses à nos questions, le téléphone portable calé dans l’une des poches de sa blouse ou celui du téléphone fixe retentit, la petite alarme lumineuse du cabinet s’éclaire ou un timide grattement à la porte se fait entendre. L’infirmière, toute affaire cessante, s’excuse alors poliment pour quitter son cabinet et aller à la rencontre des curistes. « Ce n’est pas calme, les cures thermales », avertit avec flegme l’infirmière qui ne semble pas, pour autant, se laisser submerger.

Les matinées de Pascale Dubois sont rarement des longs fleuves tranquilles. L’affluence des curistes, dans l’institut Thermes Adour comme dans les 110 autres instituts de thermalisme de France, n’y est pas étranger : les Français se sont de plus en plus nombreux à suivre une cure thermale (voire encadré). A l’institut Thermes-Adour, installé à Dax dans les Landes, ils viennent y soigner leurs rhumatismes et notamment leur arthrose ou encore des lombalgies, des fibromyalgies et des troubles de la circulation sanguine.

Le temps d’échange avec les curistes est important pour Pascale Dubois, infirmière aux Thermes Adour à Dax. © Eugénie Baccot

Ce jour-là, plus de  157 curistes suivent des soins à l’institut où travaille Pascale Dubois contre 300 la semaine précédente et 400 en haute saison l’été. Celle qui exerce depuis 31 ans « le métier qu’[elle] a toujours voulu faire », celui d’infirmière, admet que sa carrière a pris un tour inattendu lorsqu’elle a postulé à l’institut de thermalisme, il y a quinze ans. Arrivée dans la région où son mari avait été muté, après une expérience en milieu hospitalier puis en tant qu’infirmière libérale, elle a « fait un break pour se remettre en question ».

Après deux ans d’engagement dans des associations, elle décide de candidater au poste d’infirmière dans l’institut thermal qu’elle fréquentait déjà en tant que curiste. Aujourd’hui, elle ne regrette pas. « C’est un poste agréable, qui n’oblige à travailler que le matin », indique-t-elle.

En effet, les horaires de Pascale Dubois, comme celles de nombreuses infirmières travaillant en institut thermal, se calquent sur ceux des curistes : elles ne travaillent que le matin lorsque ces derniers suivent leurs soins. Pascale Dubois commence ainsi à 5h45 et quitte son cabinet à 13 h, 6 jours par semaine. L’après-midi, elle peut ainsi continuer à vaquer à ses occupations associatives.

La relation au patient avant tout

L’infirmière est parfois appelée pour aider un patient à s’installer dans le bain ou en sortir. © Eugénie Baccot.

Dans une cure thermale, même si les sollicitations des patients sont nombreuses, l’environnement n’a plus rien de commun avec celui d’un hôpital. Cette rupture, les trois infirmières thermales l’ont constatée et l’assument aujourd’hui. « Je suis une technicienne à la base. Avant ce poste, je travaillais dans un service de réanimation, précise Angèle Bazin, infirmière à l’institut thermal de Saujon en Charente maritime, qui accueille des curistes souffrant des affections psychosomatiques.  Mais je ne regrette pas cette nouvelle orientation professionnelle, j’ai connu ici un réel épanouissement. J’ai fait ce métier dans le but d’être en relation avec les patients et j’y ai trouvé mon compte dans l’institut thermal. »

Même constat de la part de Yannick Jacquet, infirmière au sein de celui d’Evian depuis 2001. « Il faut aimer la relation à la personne, considère-t-elle. Ici, il faut développer le savoir-être, il faut savoir prendre soin dans le relationnel. » Avant d’avoir rejoint l’institut d’Evian, elle avait travaillé dans des services hospitaliers mais aussi en tant qu’infirmière libérale.  « Avant ce poste, j’étais frustrée, confie-t-elle. Je faisais toujours les soins en courant, sans satisfaction. En tant qu’infirmière thermale, nous jouissons d’une grande autonomie. »

Pascale Dubois participe à un soin, l’occasion d’échanger avec ses collègues. © Eugénie Baccot.

Quand Yannick Jacquet rejoint l’équipe de l’institut, c’est alors pour gérer la crèche de l’institut. « Mais dès qu’un curiste avait un malaise, j’étais appelée, je lâchais mes collègues avec dix bébés. Je ne connaissais pas le patient, ce n’était pas confortable. » Finalement, huit ans après son arrivée, un poste d’infirmière thermale est créé et confié à Yannick Jacquet.

Une certaine autonomie est requise car, bien souvent dans les instituts, il n’y a pas de médecin sur place. Celui-ci ne se déplace qu’au début des cures, pour prescrire les traitements suivis. L’infirmière reste en lien avec lui pour toute modification du soin. « Nous sommes les mains du médecin thermal, résume Pascale Dubois. Lui seul peut modifier ou arrêter un soin. »

Retour à Dax où la matinée de travail de Pascale Dubois se poursuit. Aujourd’hui nous ne sommes pas un lundi, la matinée la plus chargée pour Pascale Dubois. En effet, la semaine de l’infirmière thermale débute sur les chapeaux de roue. Au début d’une semaine de cure, elle doit recevoir les nouveaux curistes, un à un, établir avec eux leur planning des traitements et identifier leurs besoins, selon qu’ils présentent ou non une mobilité réduite, des problèmes visuels ou des troubles cognitifs. « Dans ces cas-là, l’accompagnant suit souvent la cure en même temps, l’infirmière prend le relais pour accompagner la personne au soin suivant. », explique Pascale Dubois avant qu’une curiste ne toque discrètement à la porte du cabinet pour une prise de tension. Avec un sourire, elle l’accueille.

Dans son cabinet, l’infirmière s’assure de l’état des curistes. © Eugénie Baccot

C’est aussi cela le rôle de l’infirmière : prévenir les malaises vagaux, réagir rapidement en cas de malaise cardiaque. « Il faut s’assurer que les plus fragiles, comme les diabétiques, supportent la cure », ajoute Yannick Jacquet. « On pratique aussi un peu la bobologie », observe modestement Pascale Dubois qui ne dispose que d’une petite armoire à pharmacie contenant de quoi soigner de simples blessures. Elle reconnaît ainsi ne réaliser aujourd’hui que de petits actes comme des petits pansements pour protéger un petit bouton, une plaie ou une excoriation.

Un œil partout

Aussitôt la curiste repartie à ses soins, Pascale Dubois nous invite à la suivre dans les couloirs de l’Institut. La moitié de son temps, en dehors de ses permanences affichées sur la porte du cabinet, elle déambule dans les couloirs de l’institut, l’œil en alerte. « Ce ne sont pas forcément les curistes qui viennent à l’infirmerie qui ont le plus besoin de mon aide », observe Pascale Dubois.

« Il faut aller au-devant des personnes qui ont peur de déranger, surenchérit Yannick Jacquet qui consacre également la moitié de son temps à arpenter l’institut thermal d’Evian. « Cela les rassure de voir mon passage fréquent », précise-t-elle. Un visage anormalement rougi, un curiste essoufflé et l’infirmière vient s’assurer que le soin lui convient bien, prête à prendre rapidement contact avec le médecin thermaliste, en cas de nécessité.

La remise en forme et l’exercice physique font partie intégrante de nombreuses cures. © Eugénie Baccot.

Souvent, c’est le moment de prendre le temps d’échanger avec les curistes. « Au bout des trois semaines de cure, je finis par les connaître tous », affirme Pascale Dubois avec une lueur de fierté dans les yeux. Aux thermes de Saujon, spécialisés dans le traitement des maladies nerveuses (dépression, anxiété, burn out, entre autres) où travaille Angèle Bazin, la présence rassurante de l’infirmière participe à l’efficacité de la cure. « L’objectif de leur séjour est de leur permettre de réduire le nombre de leur médicaments. Il faut les rassurer, les écouter et, en cas de burn out, leur apprendre à lâcher les horaires », détaille l’infirmière.

Lors de ces tours hors de leur cabinet, les infirmières sont appelées pour aider un patient à s’installer dans le bain ou en sortir. L’occasion de croiser les collègues paramédicaux avec qui l’infirmière échange : kinésithérapeutes, agents thermalistes qui prodiguent les soins, professeurs de fitness quand l’institut propose des séances de remise en forme, psychologues dans le cas des thermes de Saujon où travaille Angèle Bazin. « Je rencontre des profils de tous les âges, du professeur de fitness au jeune stagiaire de 17 ans. Cela rend l’expérience d’autant plus riche », s’enthousiasme Yannick Jacquet.

Une expérience de l’autonomie

De cette orientation professionnelle et de ce poste en institut thermal, les trois infirmières interrogées louent la tranquillité, la sérénité et le rapport privilégié qu’elles entretiennent avec les patients. Mais pour autant, elles déconseillent aux jeunes postulantes de commencer leur carrière dans un institut thermal. « En sortant de l’école d’infirmière, il faut avoir une expérience professionnelle en hôpital, acquérir diverses expériences dans divers services », considère Pascale Dubois. « Quand on sort de l’école, on n’est pas assez à l’écoute, trop jeune, on n’a pas forcément beaucoup d’expérience de vie », ajoute Angèle Bazin.

Les infirmières apprécient également l’autonomie que requiert ce poste. « Je suis seule et responsable d’un grand nombre de personnes », résume Pascale Dubois. « J’ai dû me former seule, apprendre sur le tas, en me documentant en parlant avec les médecins thermalistes », se souvient Yannick Jacquet. Et c’est aussi ce qui peut peser sur le quotidien. « Nous ne disposons pas des informations, comme les infirmières en milieu hospitalier. Nous pouvons être un peu isolées, estime-t-elle. Je trouve que nous manquons parfois de lien avec le milieu médical qui ne reconnaît pas les vertus de la cure thermale. C’est à nous de faire l’effort pour nous former. »

Cette autonomie, une fois acquise peut-être un atout pour d’autres horizons professionnels. Mais un retour vers un poste technique semble difficilement imaginable. « J’ai pleinement conscience de ne pas pouvoir revenir à l’hôpital, admet sans regret Pascale Dubois. Car les techniques évoluent vite. »

Pour Yannick Jacquet, cette expérience lui a laissé en entrevoir d’autres. « Je pourrais travailler en tant qu’infirmière en entreprise. Ce poste [d’infirmière thermale, NDLR] pourrait aussi se rapprocher de celui d’infirmière en milieu scolaire. Nous ne sommes alors plus dans le soin technique mais dans l’écoute… des enfants et des adolescents, dans ce cas de figure. » En tout cas, aucune des trois infirmières interrogées ne souhaite changer. « Au début, je pensais ne rester que cinq ans à ce poste, et aujourd’hui cela fera 16 ans que j’y travaille », souligne-t-elle.

Ariane Puccini

Cet article est initialement paru dans le n°25 (juin 2017) d’ ActuSoins Magazine.

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Les Français de plus en plus adeptes des cures thermales 

En sept ans, selon le Conseil national des établissements thermaux, le nombre de curistes en France a progressé de 18 %. Ils étaient ainsi 587 000 en 2016 à se rendre, dans le cadre d’une convention avec la Sécurité sociale, dans l’un des 110 établissements de thermalisme du pays, soit une progression de 3,9 % par rapport à 2015. Les curistes ont en moyenne 63 ans et sont, pour les deux tiers d’entre eux, des femmes. Depuis un accord avec la sécurité sociale, en 2003, le secteur doit démontrer le « bénéfice médical rendu » et réaliser des études scientifiques. Une dizaine d’études ont déjà été publiées. La France est aussi un acteur important à l’échelle européenne : l’hexagone comptabilise ainsi 770 sources, soit 20 % du patrimoine thermal européen. Le secteur emploie aujourd’hui 110 000 personnes.

En cure, des pathologies variées

Si les cures thermales françaises spécialisées en rhumatologie accueillent une large majorité des curistes (78 % des assurés sociaux reçus en 2016)*, d’autres proposent des soins afin de soigner d’autres affections parmi les onze répertoriées par la sécurité sociale. Ainsi, après les voies respiratoires (7,60 %) et la phlébologie (3,36 %), suivent les troubles digestifs (3,24 %), les maladies neurologiques (1,2 %), celles touchant l’appareil urinaire (1,27 %) ou les affections gynécologiques (0,08%). Les maladies psychosomatiques (1,66 %), les affections bucco-linguales (0,02 %) ou encore les troubles du développement chez l’enfant (0,01 %) y sont également pris en charge.

*Chiffres de 2016 fournis par le Conseil National des Etablissements Thermaux

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33 réactions

  1. Ça existe ça !?

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  2. Yelena Claire la planque

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  3. Aude Payan voilà ce qu’on devrait faire

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  4. Lp Clarisse

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  5. Camille Barbier et si on devenait infirmière thermale ?

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  6. Tu m’étonnes ! !zéro stress

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  7. Le job de rêve pour les IDE

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  8. Virginie Catherinaud, c sa vocation à notre Bergeraquoise

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  9. Voilà un super job hein Sarah Picard

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  10. Marilyne Brbnd voilaaaa j’vais faire ça, comme je serai bien dans ma piscine mdrrr

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  11. Christelle, Doro Thée, Céline, la voilà la solution !!! Infirmière thermale !!!

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  12. Christelle, Doro Thée, Céline, la voilà la solution !!! Infirmière thermale !!!

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  13. Alizé Lbrs

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  14. Lauriane

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  15. Charlotte JG j ai trouvé mon job!!!

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  16. Delphiine c’est ça qu’on devrait faire

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  17. Alice Louis Lamalice

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  18. Anne-Claire Vbt Marie Terrée c’est pour nous !

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