Infirmières conseillères techniques, actrices clefs de la réussite scolaire

Infirmières conseillères techniques, actrices clefs de la réussite scolaire

 Elles sont une trentaine à occuper cette fonction sur le territoire. Les infirmières conseillères techniques, fonctionnaires de l’Éducation nationale, interviennent auprès du recteur afin de conseiller la mise en œuvre de la politique éducative de santé du rectorat pour une déclinaison dans les territoires.

Cet article a été publié dans le n°43 d’ActuSoins Magazine (décembre-janvier-février 2022). Il est à présent en accès libre. 

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Les infirmières conseillères techniques dans les rectorats participent à la mise en oeuvre de la politique éducative de santé
Les infirmières conseillères techniques dans les rectorats participent à la mise en oeuvre de la politique éducative de santé, laquelle sera ensuite déclinée dans les territoires et appliquée par les infirmières de l’Éducation nationale (IEN) dans les lycées et les collèges. Ici, Roselyne Bogard, IEN en Bretagne, face à une élève. (Photo prise lors d’un reportage sur les Infirmiers de l’Éducation nationale / ActuSoins). © Natacha Soury.

« C’est le ministre de l’Éducation nationale qui impulse une politique éducative et pédagogique, mise ensuite en œuvre par les recteurs d’académie », explique Rozenn de Lavenne, infirmière conseillère technique du recteur de l’académie de Nancy-Metz.

Pour la décliner en tenant compte des besoins des territoires et en définir les lignes fortes, le recteur est entouré de plusieurs conseillers techniques. Concernant les thématiques ayant un lien avec la santé des élèves, ce sont les infirmières conseillères techniques qui remplissent ce rôle, avec le médecin et l’assistant de service social.

La politique actée par le recteur est ensuite déclinée auprès des inspecteurs d’académie, responsables de l’échelon départemental, qui ont notamment à leur côté des infirmières conseillères techniques départementales.

Sans qu’il n’existe de lien hiérarchique entre elles, l’infirmière conseillère technique à l’échelle du rectorat anime le réseau des infirmières conseillères techniques départementales, qui elles-mêmes animent celui des infirmières de l’Éducation nationale exerçant au sein des établissements.

Un poste politique et opérationnel

Les missions des infirmières conseillères techniques sont définies dans une circulaire du 10 novembre 2015. Leur finalité est toujours identique : contribuer à la réussite scolaire des élèves, réduire les inégalités sociales de santé et faciliter les prises de décisions au regard des difficultés observées sur le terrain. Leur travail se décline en différents axes qui varient en fonction des académies.

Le premier, et non des moindres, consiste à collaborer, tous les quatre ans, à la définition du projet académique. « Nous menons un travail d’étude, de conseil, d’analyse, de valorisation et d’éthique, souligne Rozenn de Lavenne. Chacun dans notre champ de compétence, nous allons définir des indicateurs afin de déployer la politique éducative dans les territoires. »

Pour y parvenir, de nombreuses composantes sont à prendre en compte. A titre d’exemple, dans l’académie de Nancy-Metz, le territoire est très hétéroclite, composé à la fois de zones urbaines et de zones rurales, ce qui implique de réfléchir à la déclinaison de la politique académique de la manière la plus équitable possible.

Et les thématiques sont nombreuses, par exemple déployer l’éducation à la sexualité sur l’ensemble du territoire ou faire en sorte que 100% des élèves détiennent la certification de compétences Prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1) à la fin du collège.

Mettre en oeuvre le dépistage obligatoire à douze ans

Rozenn de Lavenne, infirmière conseillère technique du recteur de l'académie de Nancy-Metz
Rozenn de Lavenne, infirmière conseillère technique du recteur de l’académie de Nancy-Metz. © Laure Martin.

Autre exemple : un arrêté du 20 août 2021, relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistages acte l’obligation, pour les infirmières de l’Éducation nationale, de voir en dépistage tous les élèves de douze ans.

Au niveau de l’académie, nous allons donc prendre des orientations pour permettre la réalisation de ce dépistage auprès de tous les élèves concernés, qu’ils soient scolarisés en milieu rural ou urbain, toujours dans l’idée de contribuer à la réussite éducative et de lutter contre les inégalités sociales de santé, fait savoir Rozenn de Lavenne. Nous définissons les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir car nous sommes dans une mission de service public qui se doit d’être identique pour tous les élèves dans une optique d’équité de traitement“. 

Un travail est également mené en ce sens du côté de Strasbourg. “Dans le cadre de cette obligation de dépistage, nous avons contractualisé, avec l’Agence régionale de santé (ARS), l’exploitation épidémiologique des données issues du dépistage de la douzième année des élèves, indique Léone Jung, infirmière conseillère technique de la rectrice de l’académie de Strasbourg. Nous effectuons un travail de saisie informatique dans un logiciel dédié. Les données sont ensuite traités par le service informatique de l’académie de l’Observatoire régional de la santé, pour nous permettre de disposer d’une photographie précise de la situation des élèves.

Les équipes éducatives peuvent ainsi orienter les mesures et mettre l’accent sur des problématiques spécifiques comme la vue, l’indice de masse corporelle, l’hygiène bucco-dentaire, etc.

À Strasbourg, le projet académique en cours se concentre également sur l’école inclusive. “Nous donnons donc des conseils, un éclairage par rapport à la scolarisation des enfants en situation de handicap, rapporte Léone Jung. Notre rôle repose toujours sur l’intérêt de l’enfant, notre objectif étant de faciliter leur quotidien en lien avec le travail des infirmières de l’Éducation nationale.”

Autre thématique : la question du surpoids et de l’obésité chez les élèves. “L’académie détient des analyses épidémiologiques peu favorables à ce sujet, reconnaît Léone Jung. Nous avons donc développé un programme académique de conseil et d’accompagnement pour agir en promotion de la santé en faveur des jeunes (Caaps) et encourager les équipes pédagogiques à effectuer de la prévention primaire auprès des élèves pour promouvoir les habitudes de vie favorables à la santé.

La formation au plus près du terrain

Les infirmières conseillères techniques interviennent par ailleurs dans le domaine de la formation, notamment pour l’accompagnement des nouvelles infirmières. « Au sein de l’Éducation nationale, nous avons un exercice très singulier qui diffère totalement de l’exercice libéral et hospitalier, rappelle Léone Jung. Nous portons donc une attention particulière à l’accompagnement que nous pouvons proposer aux nouveaux arrivants, qui passent souvent d’un exercice en équipe ou avec d’autres professionnels de santé, à un exercice davantage autonome et solitaire. »

Un stage d’adaptation à l’emploi de douze jours, mis en place notamment par les infirmières conseillères techniques est l’occasion pour les infirmières scolaires de prendre conscience des spécificités d’exercice à l’Éducation Nationale.

Le plan académique de formation offre aussi des formations pour professionnaliser les infirmières de l’Éducation nationale, « nécessaire face aux élèves qui représentent un public en constante évolution, estime Léone Jung. Cela nous demande une adaptation permanente et une connexion à ces évolutions pour mieux les accompagner et discerner les difficultés et besoins qui peuvent être les leurs. »

A titre d’exemple, le cyberharcèlement n’existait pas il y a vingt ans. « Aujourd’hui, lorsqu’un enfant se rend chez l’infirmière de l’Éducation nationale avec un mal de ventre, la professionnelle doit être dans une démarche clinique et d’investigation pour déceler un tel phénomène éventuel, souligne-t-elle. Cette dimension mérite, au niveau de nos pratiques professionnelles, d’être accompagnée. » Et de reconnaître : « C’est aussi à nous, conseillère technique, de rester à l’écoute de ces évolutions, d’être attentifs pour discerner des signaux faibles ou nouveaux comme certains jeux dangereux et pour accompagner au mieux les équipes. »

Un travail de recherche

Léone Jung, infirmière conseillère technique de la rectrice de l'académie de Strasbourg
Léone Jung, infirmière conseillère technique de la rectrice de l’académie de Strasbourg. © DR

Dans le domaine de la formation continue, les infirmières conseillères techniques départementales et de l’académie, peuvent mener des travaux de recherche par exemple sur le management, l’animation, la coordination et la communication. « Depuis cinq ans, nous travaillons avec 360 infirmières organisées en 14 groupes de réflexion répartis dans les quatre départements du rectorat, sur la définition de la dimension du soin infirmier au sein de l’Éducation nationale, rapporte Rozenn de Lavenne. Nous produisons ensuite, dans le cadre d’une approche de bas en haut (bottom-up), un contenu formalisé et consensuel pour une mise en œuvre harmonisée dans toutes les écoles et établissements du second degré ».

Elles peuvent également mettre en œuvre des programmes de recherches/actions, et organiser des groupes de travail de dimension nationale, approuvés le recteur. Par exemple, au sein de l’académie de Nancy-Metz, elles travaillent depuis dix ans avec des chercheurs de l’Institut national supérieur du professorat et de l’éducation (INSPE) de Lorraine, notamment autour de la mise en œuvre d’ateliers d’analyse des pratiques professionnelles animés par des pairs professionnels formés. 

« Les infirmières conseillères techniques sont de plus en plus nombreuses à être titulaires d’un master car selon nous, plus nous allons être professionnalisées et agir en faveur de la professionnalisation de nos collègues, plus cela aura des répercussions sur les élèves, affirme Rozenn de Lavenne. Certains de nos territoires n’ont plus de médecin traitant, et elles peuvent donc être des professionnels de santé de premier recours pour les élèves et leurs familles. Nous sommes un interlocuteur incontournable et nous devons réfléchir à notre rôle car nous sommes l’un des derniers bastions du service public dans les territoires. »

 

Les autres missions

Si l’axe le plus important du travail de l’infirmière conseillère technique du recteur repose sur la mise en œuvre de la politique académique, d’autres missions s’exercent aussi en parallèle, notamment dans le domaine de la gestion des ressources humaines.

Au niveau de l’académie, « nous donnons des conseils techniques sur la carte des emplois afin de permettre la juste répartition des infirmières de l’Éducation nationale fonctionnaires et contractuelles pour une mise à disposition des élèves sur l’ensemble de l’académie en tenant compte de la politique du recteur », indique Rozenn de Lavenne.

Toujours dans ce domaine, les infirmières conseillères techniques du rectorat s’appuient sur l’expertise des infirmières techniques départementales, “qui disposent des remontées de terrain des infirmières scolaires, afin d’être à l’écoute de leurs difficultés pour ensuite réfléchir à la façon de décliner le travail“, fait savoir Léone Jung.

Et d’ajouter : “Mon travail consiste à caractériser une situation afin de pouvoir indiquer au recteur ce qui se passe et la réponse que nous pouvons y apporter. Mes collègues départementales vont ensuite décliner la réponse d’un point de vue opérationnel dans les établissements.

Elles sont d’ailleurs également amenées à collaborer avec les services de l’État et les partenaires. « Nous contribuons à la mise en œuvre des politiques du ministère de la Santé par exemple le plan ministériel ″Bien-être et santé des jeunes″, explique Rozenn de Lavenne. Cela implique une réflexion commune avec tous nos partenaires dont les ARS qui mènent des projets de promotion et de prévention de la santé. »

Notre fonction demande des ajustements permanents aux contextes, aux problèmes exprimés et aux politiques, en raison des évolutions des équipes et de la gouvernance, conclut Léone Jung. L’art étant de trouver un équilibre entre les besoins exprimés par les enfants ainsi que les adolescents et les réponses que l’Institution peut leur apporter pour les accompagner sur le chemin du bien-être et de la réussite scolaire.”

Laure Martin

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