IFSI pour travailleurs handicapés : une nouvelle chance ?

IFSI pour travailleurs handicapés : une nouvelle chance ?

Au Centre de Rééducation et d’Insertion Professionnelle de Castelnau-le-Lez (34), il existe un IFSI unique en France. Réservé aux personnes reconnues travailleurs handicapés, il prépare, à l’instar de tous les IFSI, au diplôme d’état infirmier. Une formation comme les autres qui pourtant suscite encore quelques malentendus…

IFSI Institut de formation en soins infirmiers pour travailleurs handicapés : une nouvelle chance ?
De gauche à droite : Yannick Ledreux (formateur à l’IFSI), Julie et Albert (étudiants en soins infirmiers) et Patrice Thuaud (directeur du Pôle métiers de la santé UGECAM LR-MP) – DR

Pour beaucoup, être handicapé et soignant reste incompatible. Et paradoxalement, c’est parmi les professionnels de santé que cette idée est la plus coriace…

Un IFSI (presque) comme les autres

Depuis plus de 35 ans, le Crip-UGECAM Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées forme des étudiants en soins infirmiers reconnus handicapés par la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées).

Cette formation rentre dans le dispositif de la réinsertion professionnelle des personnes handicapées (Loi du 11 février 2005).

L’accompagnement pédagogique est conforme au programme national, les élèves font l’objet d’épreuves de sélection, ils effectuent leurs stages et se préparent en 3 ans, comme partout ailleurs. Yannick Ledreux, formateur à l’IFSI, souligne : « Il n’est pas précisé “diplôme d’état d’infirmier handicapé”. Il s’agit du même titre et les étudiants doivent répondre aux mêmes éléments de compétence ».

Seule différence : à l’IFSI de Castelnau, on ne s’arrête pas à la formation. Dans le dispositif, les étudiants bénéficient également d’un accompagnement médico-psycho-social (médecin, infirmière, psychologue, assistante sociale) et d’un “pôle insertion”. Yannick précise : « Nous nous intéressons aux volets humain, individuel et social et au devenir des élèves après leur diplôme ». Une préparatoire santé ciblée sur le projet professionnel et la sélection est également disponible.

Le handicap  doit être compatible avec le métier d’infirmier

L’IFSI accueille 51 étudiants (17 par promotion) en reconversion professionnelle ou en formation initiale. Ils ont été orientés vers le métier d’infirmier par la CDAPH (Commission Départementale pour l’Autonomie des Personnes Handicapées), instance de la MDPH, à partir de données médicales, psychologiques et du projet de formation.

Le type de handicap rencontré à l’IFSI peut être très variable : handicap physique, lombalgies, pathologies chroniques, accidents liés au sport, allergies, maladie invalidante… Patrice Thuaud, Directeur de l’IFSI, explique : « La seule condition est que le handicap soit compatible avec toutes les fonctions du métier d’infirmier ».

Il s’agit souvent d’un handicap qui ne leur permet plus d’exercer leur ancien métier. C’est le cas d’Albert, étudiant en 3ème année. Cet ancien chauffeur routier souffre, depuis un accident, de douleurs lombaires qui l’empêchent de travailler en posture assise et de poursuivre son métier. Reconnu travailleur handicapé, il revient alors à un projet de jeunesse : devenir infirmier. Pour lui, « l’accident avait tout arrêté. Cette reconversion est un nouveau départ ».

De son côté, Julie, en 3ème année, n’a pu poursuivre ses études de biologie en raison de tremblements à un bras. Elle souffrait du regard des autres et ne trouvait pas de soutien dans son projet de formation. Elle confie : « Quand je suis partie de la fac, je me disais que je ne ferais plus rien. Aujourd’hui, j’ai retrouvé confiance en moi, j’ai une autre vision de la vie, des gens, du handicap ».

Une représentation à faire évoluer…

Une fois le diplôme en poche, ces étudiants vont pouvoir exercer comme tout le monde. Enfin presque… Sur le terrain, tout n’est pas si simple. Pas du côté des patients comme on pourrait s’y attendre mais plutôt de celui des équipes de soins ! Après un stage de 10 mois dans un CHU, une kinésithérapeute a conseillé à Albert de ne pas faire état de son handicap à l’embauche.

Cela ne surprend pas Patrice Thuaud qui raconte : « Suite à une étude réalisée sur le devenir des diplômés au-delà d’un an, nous nous sommes aperçus que certains ne disent pas à l’embauche qu’ils sont reconnus travailleurs handicapés ». Et Yannick Ledreux confirme : « la représentation du mot handicap dans le secteur de la santé est très négative ».

Il serait la plupart du temps associé à une incompatibilité à exercer la fonction de soignant. D’ailleurs, lorsque Julie s’est présentée au concours d’un IFSI dans une autre ville, la directrice lui a tout simplement expliqué que ce n’était pas la peine qu’elle compte faire ce métier.

Difficile pour ces infirmiers de faire comprendre qu’ils sont simplement handicapés pour exercer leur ancien métier alors que c’est le fondement même du dispositif de reconversion professionnelle. Un chantier d’ampleur s’annonce pour faire évoluer les mentalités…

Stéphane Desmichelle

Pour aller plus loin :

Ressources sur les métiers de la santé ouverts aux travailleurs reconnus handicapés :

Sur la formation d’infirmier, le site Internet du CRIP-34 : http://www.crip-34.fr/crip/index.php rubrique « formation santé »

Sur la formation d’aide-soignant, le site Internet du CRP les Escaldes-66 : http://www.ugecam-lrmp.com/soins-de-suite-et-de-readaptation-pyrenees-orientales-176.html

Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647&dateTexte

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8 réactions

  1. Je suis très heureuse d’avoir lu votre article sur cet IFSI. Je connais cet IFSI car une de mes collègues de travail a été fromé au CRIP. Il n’y a aucune différence entre elle et les autres personnes de l’équipe. Je m’entend très bien avec elle, cela n’a pas toujours été le cas avec tous mes collègues : au début, certaines infirmières avaient peur de faire le travail à sa place ; mais cela a vite été oublié.
    Je souhaite enfin que cet article soit le moyen de faire connaitre cet IFSI à des personnes handicapées pour s’intéresser à ce beau métier.

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  2. Et dire que j’ai du me battre pour ne pas avoir droit au licenciement pour raison de santé à cause de lombalgie liée à un accident de travail (infirmière en rééducation)…
    J’espère que pour eux çà fonctionnera et que les esprits seront plus ouverts !
    En tout cas, çà fait plaisir de voir que les choses peuvent encore évoluées, il y a encore de l’espoir !

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