Entre les infirmières libérales et les services d’hospitalisation à domicile, la saine complémentarité sur un territoire s’avère difficile. En pratique, les premières se plaignent plutôt d’un chevauchement… De quoi engendrer de réelles crispations.
« Elles ont senti le vent du boulet » : le développement qu’a connu l’HAD Hospitalisation à Domicile en région Languedoc-Roussillon depuis 2010 a eu un vrai impact sur le ressenti des infirmières libérales, selon Jean-François Bouscarain, président de l’URPS (Union régionale des professions de santé) infirmier.
Pour apaiser le climat, l’URPS a lancé une enquête auprès des infirmières de la région. En mars dernier, l’organisation rendait un rapport assorti de propositions d’action concrètes. Principaux points litigieux : des critères d’inclusion en HAD pas toujours justifiés et une concurrence déloyale.
L’ampleur des difficultés recensées par l’URPS est certes spécifique au Languedoc-Roussillon, une région où le développement de l’HAD n’a réellement démarré qu’en 2010, devenant dès lors rapide et intense. Cette dynamique brutale a provoqué de véritables remous dans l’organisation locale des soins…
Sur la nature du constat, en revanche, « les mêmes difficultés nous sont remontées régulièrement », assure Armand Desvignes de l’URPS infirmier Nord Pas-de-Calais. De même, en Aquitaine, son homologue a lancé une enquête sur ce thème.
Détournement de clientèle ?
Au premier rang des plaintes : le biais dans les indications de la HAD. Les infirmières libérales interrogées assurent que l’HAD est parfois prescrite pour des indications qui n’en relèvent pas, comme des pansements simples associés à du nursing. « L’Assurance Maladie a fait des contrôles dans la région qui vont dans ce sens », assure Jean-François Bouscarain.
Le docteur Elisabeth Hubert, présidente de la FNEHAD, ne renie pas le constat : « il y a probablement des dérives en termes d’indications, mais c’est surtout parce que les critères d’inclusion définis dans les textes sont flous. Ce n’est pas faute d’avoir insisté auprès des tutelles pour faire évoluer cela ».
La Fédération a d’ailleurs commencé à travailler en ce sens avec la Haute Autorité de Santé. Les choses devraient donc évoluer. « Mais la plupart des difficultés tiennent en réalité à des méconnaissances réciproques, estime Elisabeth Hubert. Cela s’arrange dans le temps. La meilleure preuve étant que ce sont parfois les infirmières libérales qui désormais font appel à l’HAD ».
« Certains patients se voient proposer la HAD comme une suite normale de l’hospitalisation », rapporte Patrick Experton, président de l’URPS Infirmiers Aquitaine. « Il n’est pas rare que les médecins traitants ne soient pas informés, alors que leur accord préalable est indispensable », assure Armand Desvignes. A leur décharge, « il est beaucoup plus facile pour les services hospitaliers de passer le relais à l’HAD que d’organiser la sortie en ambulatoire », selon Patrick Experton.
Mais le détournement en sortie d’hospitalisation, associé à la possibilité pour la HAD de communiquer sur leurs services (au contraire des libérales) ravive le ressentiment.
Il n’y a pas de systématisme, reconnaît ce dernier : « la qualité des relations entre HAD et libéraux est vraiment différente d’un service à l’autre, en fonction de la direction du service ou de celle de son établissement ».
Mais quelque soit le mode de fonctionnement des HAD, les libérales de terrain perçoivent un détournement de clientèle : « lorsque les services de HAD ont des infirmières salariées, le recours au libéral est moins important » constate Armand Desvignes. A l’inverse, « lorsqu’ils recourent ponctuellement à des libérales, il y a parfois un détournement vers quelques cabinets privilégiés au détriment des autres », assure Jean-François Bouscarain.
Des accusations qui, pour la présidente de la FNEHAD, ne sont justifiées qu’à la marge. « Il est toujours facile de s’appesantir sur des histoires de chasse et d’occulter les réussites de coopération qui sont aujourd’hui la majorité, même si nous aussi nous déplorons régulièrement des manquements chez certains IDEL : absence de traçabilité, facturations excessives. Mais nous ne faisons pas de ces comportement une généralité ».
D’autres rechignent à travailler pour le compte d’une HAD parce qu’elles y perdent leur indépendance. Sans compter que « beaucoup d’HAD ont des difficultés à trouver des infirmières libérales d’astreinte de nuit ou le week-end ». Les torts seraient partagés.
Mieux se connaître
Aucune cellule de concertation ne vient apaiser les dissensions. Quelques services d’HAD ont mis en place des commissions internes. Certaines ARS – comme la Bourgogne- ont installé un comité régional de l’offre en HAD. Mais d’une manière générale, rares sont les instances locales ou territoriales qui permettent aux deux parties d’échanger et de se concerter pour résoudre les les sources de conflits.
Parmi les sujets qui fâchent : la rémunération des actes de coordination. « En pratique, les infirmières libérales qui interviennent pour le compte de la HAD font des actes de coordination avec le médecin traitant, la famille, pour la gestion du matériel. Activité que les services de HAD ne considèrent pas comme telle », explique Jean-François Bouscarain, et ne rémunèrent pas.
Pour Elisabeth Hubert, le problème est sémantique : « les deux parties utilisent le même terme, mais la coordination qu’assure l’infirmière au chevet du patient n’a rien à voir avec celle de l’infirmière coordinatrice de la HAD. On parle là d’une coordination organisationnelle, entre médical, paramédical et social ». Confortées par des injonctions ministérielles, les services de HAD refusent de verser la MCI (majoration de coordination infirmière), alors que les libérales la revendiquent.
Cependant, « travailler avec les HAD reste toutefois attractif pour les libéraux qui bénéficient de tarifs non dégressifs en cas d’actes multiples. Un intérêt financier que nombre d’IDEL reconnaissent », insiste Elisabeth Hubert.
Cette disposition est justement remise en question par certaines HAD. « Beaucoup de choses ont changé depuis que nous avons signé le premier modèle de convention avec les syndicats infirmiers il y a cinq ans. La pression économique est forte sur certains établissements d’HAD qui veulent faire évoluer ce document de référence », indique Elisabeth Hubert.
Elle vient ainsi d’inviter les représentants professionnels à renégocier cet accord-cadre. L’occasion, probablement, d’évoquer les autres difficultés et de faire évoluer leurs relations.
Caroline Guignot
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Je pense comme Julian, au moins en collaboration avec l’HAD, les cotations sont pleines, pas de demi-tarif et encore moins d’actes gratuits puisque eux-mêmes peuvent coter à plein tarif tous leurs actes.
Bien à vous.