Au CHU de Poitiers, les patients en thérapies orales et ciblées des services d’oncologie-hématologie bénéficient, depuis 2014, d’un accompagnement téléphonique, réalisé par six infirmières de suivi jusqu’à la stabilité de leur traitement. « Ce dispositif a été mis en place car les patients sous thérapies orales prennent leur traitement à domicile, explique Marie-Béatrice, infirmière en oncologie au CHU de Poitiers. C’est pour éviter de les laisser affronter seuls leur traitement, mais aussi parce que ce dernier peut être amené à évoluer en fonction du bilan sanguin, que nous proposons ce suivi. »
En hématologie, le même type de suivi a été mis en place, car « nous recevions des appels de patients perdus dans la prise de leur traitement ou qui ne savaient pas gérer les effets secondaires,indique Lucie, infirmière de consultation en hématologie au CHU de Poitiers. Ce sont les médecins qui nous ont alerté sur cette problématique. »
En ambulatoire, des patients souvent seuls
A l’hôpital Necker, dans le service d’hématologie adulte, le suivi téléphonique a débuté en 2010 avec trois infirmières qui, à tour de rôle, se relaient sur le poste et le reste du temps poursuivent leur activité de soins. « Ce service est proposé aux patients qui suivent une chimiothérapie en ambulatoire,raconte Sophie, infirmière de suivi au sein du service. Après le traitement, ils retournent à leur domicile et se trouvent confronter seuls aux effets secondaires de la chimiothérapie, tels que l’aplasie, les troubles digestifs, la fatigue, la perte des cheveux, les troubles cutanés. C’est pourquoi, nous avons voulu leur offrir un accompagnement tout au long de ce parcours. »Un dispositif d’autant plus nécessaire que la baisse des globules survient huit à dix jours après la chimiothérapie, et c’est à ce moment-là que les patients se sentent fatigués.
Le Centre de lutte contre le cancer Eugène Marquis, situé à Rennes, a créé le poste d’infirmière clinicienne en 2011 au début des thérapies ciblées orales. Ce dispositif a été mis en place pour accompagner les patients, en soutien au suivi médical proposé par les oncologues.« Les praticiens recevaient les patients en consultation d’annonce, pour la mise en place du traitement, puis ces derniers rentraient chez eux, rapporte Amel, infirmière clinicienne. Ensuite, de retour à l’hôpital pour la consultation de suivi, les symptômes et effets secondaires étaient parfois tellement importants que cela obligeait les médecins à interrompre le traitement. »
De plus, en ville, les molécules n’étant pas encore connues des médecins traitants, des pharmaciens et des infirmiers libéraux, les patients se retrouvaient souvent seuls, en dehors de tout parcours sécurisé et continu. Une infirmière a donc commencé à effectuer un suivi téléphonique auprès d’une cohorte de patients dans le cadre d’une expérimentation liée à un mémoire de Diplôme universitaire (DU), avant que celui-ci ne soit financé par l’Agence régionale de santé (ARS).
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Gérer les difficultés et les effets secondaires
Au CHU de Poitiers, le suivi téléphonique est instauré à la suite d’une demande du médecin référent du patient qui détermine la fréquence des appels. « Nous recevons alors le patient en consultation pour lui réexpliquer la thérapie orale et le suivi », explique Marie-Béatrice. Lorsqu’il est de retour à domicile, les infirmières vont ensuite l’appeler pour savoir comme il se sent, faire le point sur son bilan biologique, parler de sa tolérance au traitement et de l’observance. « Si le patient présente des toxicités que nous connaissons, nous savons quelle conduite mettre en place,indique l’IDE. Par exemple, pour un syndrome main-pied, après avoir consulté l’oncologue, nous envoyons l’ordonnance à l’officine pour que le patient aille chercher son traitement. »Si la toxicité est peu connue ou pas forcément en lien avec le traitement, l’infirmière en réfère à l’oncologue et demande au patient d’aller voir son médecin traitant. « Nous travaillons en collaboration avec les praticiens de ville et les infirmières libérales », ajoute Marie-Béatrice.
A l’hôpital Necker, ce suivi téléphonique, au départ organisé de manière informelle, s’est structuré en collaboration avec les médecins. Aujourd’hui les infirmières proposent aux patients traités de façon intensive en ambulatoire, des temps de rencontre systématiques à des moments clés de leur parcours de soins. L’une des trois infirmières de suivi rencontre le patient et sa famille avant sa première sortie pour préparer le retour à domicile, vérifier la compréhension des ordonnances et des consignes à suivre, identifier les ressources et les difficultés environnementales.
Le suivi téléphonique à domicile se met en place deux jours après le début du traitement puis en fonction des besoins des patients, certains patients préférant un lien par mail. Cette écoute à domicile a pour objectif de mobiliser les ressources du patient dans une démarche éducative, de répondre de façon adaptée aux difficultés rencontrées et de l’aider à gérer les effets secondaires ou les symptômes de sa maladie au quotidien afin de limiter les complications.
Depuis deux ans, les infirmières appellent aussi le patient la veille du traitement, après avoir récupéré le bilan sanguin, afin de s’assurer de leur état de santé. « Cela permet de valider leur venue, d’anticiper la préparation des traitements auprès de la pharmacie et ainsi de fluidifier les passages en hôpital de jour »,rapporte Sophie.
Assurer un lien
Au Centre Eugène Marquis, c’est l’oncologue qui, après l’instauration du traitement, adresse le patient à l’IDE clinicienne. « Nous assurons le lien avec l’ensemble du dispositif des soins de support et interrogeons le patient pour savoir s’il a par exemple besoin d’une consultation avec une psychologue ou une diététicienne afin de l’accompagner de manière personnalisée en proposant des mesures autour de la qualité de vie. Cela permet de favoriser l’adhésion au traitement anticancéreux permettant de contenir la maladie », explique Amel.
Les infirmières cliniciennes l’appellent toutes les semaines pendant deux mois, « durée décisive pour une première évaluation de l’efficacité du traitement,rapporte l’IDE. C’est aussi pendant cette période que les effets indésirables peuvent apparaître. »Lors de l’appel, les infirmières ont une grille répertoriant les toxicités possibles. « Nous posons les questions en adoptant un langage commun avec les oncologues afin d’évaluer l’importance de toute toxicité», souligne Amel avant d’ajouter : « L’avantage de ce suivi, c’est qu’en cas de problème avec le traitement, nous pouvons intervenir en anticipation dès le début des symptômes. Nous n’attendons pas que le patient soit hospitalisé. »
Satisfaction de tous
« Nous avons des bons retours, les patients sont satisfaits de garder ce lien avec l’hôpital,indique Sophie à Necker. Ils sont rassurés, moins anxieux et apprécient cet accompagnement ». Au Centre Eugène Marquis, les enquêtes de satisfaction auprès des oncologues et des patients, font également état de la satisfaction des deux parties. La présence des infirmières cliniciennes sécurise.
« C’est anxiogène pour un patient de rentrer chez lui avec toutes ces ordonnances, souligne Amel. Avec notre présence, il n’est pas seul, son référent est identifié. » Le patient revient aussi plusieurs fois par an à l’hôpital pour son suivi. Les infirmières peuvent alors effectuer de visu, le suivi qu’elles assurent généralement par téléphone : grading de la toxicité mais aussi dispense de soins si besoin. « Nous analysons ce qui s’est passé les trois derniers mois pour en rendre compte à l’oncologue qui lui se concentre sur l’efficacité du traitement, les résultats d’imagerie et les effets indésirables les plus pertinents à traiter »,rapporte Amel. Et de conclure : « Nos médecins sont très satisfaits et réclament plus de temps infirmier. »
Laure Martin
Cet article est paru dans le n°30 d’ActuSoins Magazine (septembre 2018).
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Institut Curie : un suivi téléphonique pour le parcours global du patient
A l’Institut Curie, une cellule de coordination a été créée il y a trois ans avec deux infirmières de coordination pour le site de Saint-Cloud et deux autres pour le site de Paris, en présence d’assistantes sociales. « Le but principal de cette cellule est de fluidifier l’hospitalisation et d’organiser la sortie au sein des différents services », explique Johanna, infirmière principale de coordination sur le site de Saint-Cloud.
Avant ce dispositif, certaines hospitalisations s’éternisaient au vue du contexte social du patient (âge, isolement social) ou des pathologies qui présentent des risques de complications. Les infirmières de la cellule ont donc pour rôle de repérer les patients ayant des critères de fragilité pouvant compliquer leur sortie d’hospitalisation ou entraîner un retour à l’hôpital fréquent.
Avec l’assistante sociale, elles portent un regard social et paramédical sur les patients, afin d’anticiper les situations complexes et organiser les retours à domicile avec des soins si nécessaire. « Nous essayons de voir les patients le plus tôt possible,rapporte Solène, infirmière de coordination sur le site de Paris. Soit lors d’une venue avant l’hospitalisation, soit avant les traitements en hôpital de jour (radiothérapie, chimiothérapie), ou au plus tard le jour de l’hospitalisation afin de faire connaissance et repérer les atouts et fragilités du domicile. »
L’ensemble des intervenants du patient à savoir l’infirmière, le médecin ou les autres paramédicaux, peuvent faire appel aux infirmières de coordination pour la mise en place de ce suivi. « Nous appelons le patient 48 heures après la sortie, puis une semaine après et enfin tous les quinze jours au besoin,indique Johanna. Lors de ces appels, nous évaluons le retour à domicile, ce qui permet d’éviter les hospitalisations inutiles ou en urgence. »
L’équipe d’infirmières a identifié les problèmes que pourraient rencontrer les patients à leur domicile et élaboré des actions-types pour y répondre. « Nous faisons de l’évaluation des actions mises en place et allons au-delà,explique Xuxa, infirmière de coordination sur le site de Paris. Nous n’interrogeons pas seulement le patient sur sa douleur depuis le retour à domicile mais aussi sur les possibles difficultés rencontrées et faisons un point sur l’ensemble de son parcours. L’espace d’échange est ouvert. »
Par exemple, si le patient est sorti d’hospitalisation avec une nutrition parentérale, les infirmières de suivi vont s’assurer que le prestataire et l’infirmière libérale sont bien venus à domicile et qu’aucun autre problème ne s’est greffé lors du retour à domicile. Sinon, elles veillent à régler le problème. Qu’en est-il de l’observance ?« Cela peut être l’une de nos missions, mais indirectement car dans ces cas-là nous allons mettre en place une action avec une infirmière libérale au domicile du patient », fait savoir Solène.
Les infirmières ont un numéro dédié, les patients peuvent donc eux-aussi appeler si besoin tout comme les professionnels de ville. « Dans l’ensemble, les patients sont satisfaits et demandeurs de ce type de suivi car nous sommes un interlocuteur privilégié, rapporte Johanna. La plupart du temps, les médecins ne sont pas aussi joignables que nous. »
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