Des infirmiers exposés aux cytotoxiques. Quelles solutions ?

Des infirmiers exposés aux cytotoxiques. Quelles solutions ?

Selon la Direction générale du travail (1), 8,2% des personnels soignants seraient exposés aux médicaments cytotoxiques que sont les anticancéreux. Avec des contaminations préoccupantes malgré les mesures de protection. Des dispositifs médicaux innovants permettent de diminuer ce risque.
© Inllusion - Fotolia
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La contamination peut se produire à chaque étape de la manipulation. L’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) recommande donc « des mesures de prévention tout au long de la progression du médicament dans le service. »

En effet, ces cytotoxiques sont classés comme potentiellement mutagènes, tératogènes (néfastes pour les femmes enceintes) et cancérogènes.

Outre l’utilisation d’équipements de protection individuels (gants, lunettes, surblouse), il est recommandé de préparer ces produits en poste de sécurité microbiologique vertical ou sous isolateur.

« Cependant, il ne doit plus y avoir de reconstitution en service de soin », rappelle Sophie Ndaw, chargée d’étude à l’INRS. Enfin, le décret du 1er février 2001 prévoit que les femmes enceintes ou allaitant ne soient pas affectées à ces tâches.

Dispositif sécurisant

Malgré ces précautions, une étude de l’INRS (2) en 2013, révèle une contamination dans plus de la moitié des urines des soignants testés. Pour réduire davantage les risques d’exposition aux cytotoxiques, le service d’hématologie pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré (Paris) utilise depuis 2011 des dispositifs sécurisant leur administration, dont le PhaSeal®, fabriqué par Becton Dickinson.

La pharmacie de l’hôpital conditionne les traitements dans des poches équipées « d’une tubulure purgée par un solvant neutre et d’un injecteur. Les infirmières peuvent administrer cette chimiothérapie en raccordant directement la tubulure à la perfusion, puis de nouveau au solvant neutre avant de retirer la voie », détaille le docteur Victor Massot, assistant spécialiste en pharmacie.

Tous les soignants du service ont été formés à son utilisation. Une infirmière d’hématologie prend le relais, au cours des semaines d’encadrement des nouveaux venus.

Surveillance des toxicités

 Ce système ne supprime pas totalement les risques. Renforcer la vigilance nécessite une formation initiale et continue complète sur ces produits. Or, l’organisation de formations en oncologie par les hôpitaux n’est pas uniforme.

« Et en Ifsi, on n’aborde que des généralités. De plus, nous devons parfois rappeler aux soignants qu’il faut porter des gants pour changer les couches par exemple », constate Emilie-Marie Sumereau, infirmière référente en soins en hématologie pédiatrique.

Par ailleurs, après un accident d’exposition, la surveillance du soignant par la médecine du travail est systématique : les cytotoxiques peuvent provoquer des brûlures cutanées, une perte de cheveux…

Mais la surveillance des toxicités tout au long de la carrière reste défaillante. Il n’existe à l’heure actuelle aucun suivi spécifique aux anticancéreux. « Même si l’on retrouve des cytotoxiques dans les urines, nous ignorons où se situe le seuil critique d’exposition et même la réaction à adopter », regrette Victor Massot.

Emilie Lay

(1) Enquête Sumer (surveillance médicale des expositions aux risques) 2002-2003

(2) « Médicaments cytotoxiques et exposition professionnelle. Bilan de l’étude réalisée auprès de 13 établissements hospitaliers et environ 300 personnels soignants en France », Sophie Ndaw, INRS

L’élargissement du suivi médical post professionnel aux agents de l’Etat exposés à une substance cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR) est détaillé dans une circulaire du ministère de la décentralisation et de la fonction publique mise en ligne le 24 août 2015.

 

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