« J’ai l’impression d’être dans le corps d’un robot, et que la télécommande ne fonctionne plus ». Jasmine a été touchée par le Covid au début de la première vague.
Et depuis, elle ne se remet pas de la maladie. Depuis quatre mois, elle est prise en charge dans le service de soins de suite et de réadaptation (SSR) de l’hôpital de la Porte Verte à Versailles (Yvelines). Plusieurs fois par semaine, elle vient suivre son programme de rééducation personnalisé avec des ateliers organisés sur des demi-matinées.
En amont de leur inclusion dans le service, les patients remplissent un questionnaire, souvent avec l’aide de leur médecin traitant, pour mesurer leur anxiété, leur état dépressif, la plainte cognitive, le syndrome d’hyperventilation, etc. Le dossier est ensuite reçu par l’équipe de l’établissement qui, au cours d’un staff, décide de l’inclusion du patient.
L’encadrement infirmier
Lors de leur arrivée au sein de la clinique, ils sont reçus en consultation infirmière par Carole Aziza. « Lors de cette consultation, je leur explique le fonctionnement du service, je prends leurs constantes et évalue leur douleur »,indique l’infirmière. Et de poursuivre : « Le temps de l’accueil est vraiment très important. Je suis à l’écoute des patients car ils ont souvent longtemps attendus avant d’être pris en charge. Je cherche à construire un lien de proximité avec eux afin qu’ils n’hésitent pas à se confier si besoin. »
Au cours de cet échange, Carole Aziza cherche à connaître leurs habitudes de vie avant la maladie, les symptômes et les conséquences sur leur vie actuelle. « Je note toutes les informations dans le dossier informatique du patient pour les partager avec l’ensemble de l’équipe », explique l’infirmière. A l’issue de la consultation, Carole Aziza leur remet leur planning d’activités, défini en amont par l’équipe sur la base du dossier. Puis, ils sont reçus par le médecin du service, spécialiste en médecine physique et de réadaptation, qui confirme le programme de prise en charge.
Les ateliers proposés sont variés : kinésithérapeute, activité physique adaptée (APA), neuropsychologue, psychomotricien, ergothérapeute, orthophoniste, diététicien, psychologue, relaxologue, groupe de parole.
« Être prise en charge au sein de cette structure est une réelle reconnaissance de ma maladie », souligne Jasmine, dans la salle de l’Hospitalisation de jour (HDJ) de la clinique. Comme tous les matins, Carole Aziza, infirmière, lui prend la tension.« Je prends les constantes de tous les patients reçus en HDJ, dont les patients Covid-long, explique-t-elle. Ils sont une dizaine actuellement. C’est l’occasion d’échanger avec chacun d’eux, de savoir comment ils se sentent. »
L’inclusion des patients
Du côté de Rennes, le CHU a ouvert, en septembre 2021, une unité de prise en charge des patients touchés par un Covid long. « Nous avons été l’une des premières unités à ouvrir en Bretagne, à la suite d’un appel à projet de l’Agence régionale de santé (ARS) », précise Claire Le Fresne, infirmière coordinatrice de l’unité.
Ce sont généralement les médecins généralistes qui sollicitent l’unité après avoir reçu le patient en consultation. Ils effectuent des tests qu’ils transmettent à l’unité avec leurs observations. « Ensuite nous contactons les patients, indique Emmanuelle Le Béguec, ergothérapeute et également coordinatrice. Nous remplissons une première fiche détaillée sur la situation du patient afin de l’orienter au mieux au sein de notre unité ou d’autres structures rennaises ou bretonnes. »
Dans le service du CHU, ils bénéficient d’un bilan d’orientation effectué par trois professionnels de santé : le médecin rééducateur, le psychologue et l’éducateur en activité physique adaptée. Le nombre de jours proposés pour la prise en charge dépend ensuite de l’état du patient et de sa fatigue, mais elle est de quatre semaines minimum, ponctuée d’un bilan d’entrée, d’une évaluation intermédiaire pour réadapter le programme, si besoin, et d’un bilan final. « Pour certains, le programme proposé est suffisant mais pour d’autres, il faut poursuivre la prise en charge en HDJ ou auprès de professionnels libéraux », ajoute Claire Le Fresne.
Des ateliers personnalisés
Ce matin à Versailles, Agnès, prise en charge depuis plusieurs semaines, commence sa rééducation sur le plateau technique des kinésithérapeutes. « Auparavant, j’étais une grande sportive, maintenant, je suis obligée de réfléchir pour respirer car ma respiration n’est plus innée », témoigne-t-elle. Comme Jasmine, elle a été touchée par la Covid lors de la première vague, et ne s’en est jamais remise depuis deux ans.
Après un bilan, les kinésithérapeutes lui ont élaboré un programme à la carte avec de la rééducation respiratoire afin de l’aider à retrouver une respiration abdominale et non plus thoracique. « Elle est en permanence en syndrome d’hyperventilation », explique Magali Badin, kinésithérapeute. Agnès a aussi perdu 6 kilos de muscles, générant des problèmes d’équilibre. Les kinésithérapeutes lui proposent également des exercices dédiés pour y remédier.
« Notre prise en charge est vraiment pluridisciplinaire, insiste Magali Badin. En parallèle de notre travail, le psychomotricien va par exemple agir sur l’oppression liée aux problèmes respiratoires, tandis que les Enseignants en activité physique adaptée (EAPA) vont intervenir sur le renforcement musculaire, le réentrainement à l’effort et la réadaptation cardiaque. »
Agnès est ensuite reçue par Alexandra Klups, orthophoniste. « Les patients touchés par un Covid long vivent généralement une fatigue intense avec des troubles mnésiques lié à des troubles attentionnels, explique-t-elle. Dans le cadre de cet atelier, nous visons la réhabilitation des fonctions cognitives globales, en travaillant sur la mémoire et l’attention. »
Assise au bureau, devant Alexandra Klups, Agnès débute la séance en retenant cinq mots qu’elle devra citer de nouveau en fin de séance. Elle « joue » ensuite aux jeux des erreurs sur des cartes, retient des lettres qu’elle doit ensuite dire à haute voix en les remettant dans l’ordre alphabétique : un atelier qui lui demande énormément de concentration.
Pendant ce temps, les EAPA prennent en charge Jasmine, qui pédale sur un vélo d’intérieur. « J’ai eu beaucoup de difficultés à ce qu’on reconnaisse que je sois touchée par le Covid, puis par le Covid long, raconte-t-elle. J’ai eu des symptômes mais mon médecin généraliste pensait qu’il s’agissait des conséquences de mon diabète et de ma dépression. Je savais bien que c’était autre chose. J’ai décidé de remplir le questionnaire. »
« Le plus difficile, ajoute-t-elle, ce sont les problèmes de mémoire, la confusion, ce qui m’a d’ailleurs fait commettre des erreurs au travail. Et sans parler de toutes les problématiques associées notamment les difficultés pour faire les courses, pour se faire à manger. » Fonctionnaire, Jasmine est désormais en arrêt de travail depuis un an et passe donc en demi-traitement. « Je perds la moitié de mon salaire, regrette-t-elle. Je suis en train de faire la démarche pour être reconnue en Affection longue durée (ALD). »
Des résultats prometteurs
A l’issue de quatre semaines de prise en charge, les résultats sur les patients Covid long sont plutôt encourageants. Les évaluations et la recherche indiquent une réduction de la plainte, de la fatigue, de l’essoufflement à l’effort, des douleurs, des troubles du sommeil, des problèmes d’attention, de l’anxiété, de la dépression, ainsi qu’une amélioration de la vitesse de marche et une qualité de vie meilleure.
« Mais nous n’avons pas encore de retour sur le long terme », précise Claire Le Fresne.
« Je vois des nettes améliorations, confie Jasmine. Je mange mieux, je n’ai plus les idées noires et je trouve une vie sociale. »
D’après les données du ministère de la Santé, une personne sur dix fera un Covid long, avec des symptômes au-delà de douze semaines.
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