
L’arrivée dans les services débordés par l’affluence de patients Covid pendant le pic de la crise sanitaire du printemps s’est déroulée dans la précipitation, parfois dans l’improvisation et globalement dans un certain désordre.
Un désordre qui met du temps à se résorber. Plusieurs mois plus tard, certains des soignants venus prêter main forte aux équipes submergées disent rencontrer des difficultés concernant leur rémunération… Le tweet d’un infirmier libéral, Maxime Le Gall, a exposé le problème en septembre.
Son tweet transmet en effet le message téléphonique que lui a laissé une personne de la DRH d’un établissement de l’AP-HP en réponse à ses relances pour être payé le montant prévu. Dans ce message, elle le remercie d’être venu aider les équipes, lui propose d’échanger sur les modalités de rémunération et ajoute espérer que ce n’était pas cela qui l’avait motivé à venir en renfort pendant le pic de la crise.
Relances
Avant d’indigner de nombreux soignants de la twittosphère, le message téléphonique a tout d’abord suscité la colère de celui qui l’a reçu. Le métier d’infirmier a beau contenir une dimension altruiste importante, explique Maxime Le Gall en substance, il s’agit d’une activité professionnelle.
Réclamer d’être rémunéré ne devrait pas être considéré comme anormal. Même s’il est parti aussi « pour aider les consoeurs et les confrères, qui ont vraiment souffert et, évidemment, pour les patients », la question de la rémunération était importante pour lui, parce qu’il en avait besoin.
La rémunération annoncée pour une vacation, 16€ l’heure selon Maxime Le Gall, l’avait convaincu de partir en renfort à Paris, loin de chez lui. Mais à la fin du premier mois, le compte n’y est pas : « j’ai constaté que j’avais été payé l’équivalent de 12€ de l’heure. J’ai donc pris contact avec la DRH, j’ai laissé des messages et on m’a laissé ce message ».
Au cours des échanges qui ont suivi, « on m’a dit que les fériés avaient été oubliés, soit l’équivalent de 300€, poursuit-il. Parce que j’ai insisté, ils ont ajouté 200€ mais on n’était toujours pas aux 16€ annoncés. On m’a aussi dit que ce taux correspondait à la rémunération des vacations de moins de 15 heures et que je n’y étais pas éligible car j’avais travaillé en CDD » alors qu’il avait bien eu un contrat de vacation…
Retards et réclamations
Une avalanche de témoignages de la même veine a suivi sur Twitter. Véronique*, infirmière libérale sur la Côte d’Azur, a travaillé 10 jours non-stop, en avril, dans un hôpital du Grand Est au nom de la Réserve sanitaire.
Elle a bien touché le montant prévu… mais elle n’a été payée que début octobre, soit six mois plus tard. Elle a plusieurs fois relancé la Réserve sanitaire. « J’avais toujours la même réponse, raconte-t-elle. Mon dossier était complet mais tout avait pris du retard... » Elle comptait pourtant sur cette rémunération pour financer une formation.
En renfort trois nuits en avril, Colin, lui, a été payé par l’AP-HP à la fin du mois travaillé, et le montant prévu, mais n’a reçu sa fiche de paie qu’en septembre…
L’AP-HP, un des établissements mis en cause par certains – mais pas le seul, souligne que « l’afflux massif de renforts sur une très courte période, (avec parfois des personnes qui ne sont restées que quelques jours) » a pu générer « des difficultés pour rédiger les contrats et les transmettre aux renforts pendant leur temps de présence », en particulier pour ceux qu’elle a dû rémunérer directement.
Aussi, selon la DRH certains de ces infirmiers n’auraient pas compris ou su que leurs heures supplémentaires étaient payées à mois +2.
Et les établissements qui ont mis des infirmiers à disposition de l’AP-HP (et qui leur ont donc versé leur salaire), ont pu aussi être informés avec retard des heures supplémentaires réalisées, ce qui a retardé leur paiement, ajoute la DRH.
Elle indique toutefois prendre en compte toutes les réclamations et les transmettre aux DRH des hôpitaux concernés « pour expertise des situations individuelles et résolution des problèmes éventuels ».
La CGT, entre autres, est intervenue localement sur ces sujets de délais de paiement, indique Patrick Bourdillon, secrétaire fédéral de la CGT Santé et action sociale. Pour autant, il ne souhaite pas jeter la pierre aux DRH des établissements concernés, qui étaient alors en surchauffe et que le télétravail a pu désorganiser.
Dans les conditions exceptionnellement complexes du printemps, « on peut comprendre qu’ils aient été dans l’impossibilité d’assurer les éléments variables des salaires (comme les heures supplémentaires, NDLR). Ils ont bossé comme des fous, observe-t-il. On comprend mais on n’accepte pas. ».
Certains infirmiers concernés, eux, à Paris ou ailleurs, sont parfois moins compréhensifs et se demandent, comme Maxime Le Gall, s’ils considéreront la possibilité de partir de nouveau travailler en renfort loin de chez eux en cas de besoin.
Fortes de l’expérience du printemps, les DRH seront peut-être mieux préparées.
Géraldine Langlois
*certains prénoms ont été modifiés











Vous devez être connecté pour poster un commentaire.