la délégation de tâches reste une pratique marginale en médecine de ville. Seul un tiers des généralistes y serait malgré tout favorable. En fonction des possibles modes de rémunération et des types de tâches, les réponses divergent.
Une récente étude réalisée auprès d’un panel de médecins généralistes libéraux sous la houlette de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), des Observatoires régionaux de santé (ORS) et trois Union régionale des professions de santé (URPS), fait un bilan de la perception du transfert d’actes de soins du médecin de ville vers l’infirmier.
Cette enquête, réalisée auprès des généralistes de trois URPS (Pays-de-Loire, Bourgogne et PACA), se base sur les réponses de 1136 médecins.
Ces pratiques de délégation des tâches sont très peu répandues, “en raison notamment des possibilités de rémunération jusqu’à présent très restreinte“, souligne la DREES. La clef de la réussite de telles pratiques serait, selon les exemples étrangers, l’instauration de modes de paiement sur une base collective, “pouvant se traduire, dans le cas de professionnels libéraux, par des rémunérations forfaitaires versées aux paramédicaux pour l’ensemble de l’activité qui leur serait déléguée”, estiment les auteurs de l’étude.
De fait la coopération est nettement plus acceptée (60 %) dans un scénario où l’auxiliaire médical serait entièrement rémunéré par un forfait extérieur. En revanche, si le médecin doit payer lui-même l’infirmier, à peine un praticien sur cinq (18%) dit banco. Si la rémunération est assurée à la fois par eux et par la Sécu, ils seraient alors un gros quart (26,4%) à se laisser convaincre.
Les deux tiers des médecins craignent également la difficulté à “trouver une infirmière disponible et le risque de voir leur responsabilité légale engagée”.
Côté avantages potentiels, “six médecins sur dix considèrent que l’intervention d’une infirmière améliorerait la qualité des soins prodigués au patient, 53 % qu’elle leur permettrait de revoir le contenu de leur consultation pour une meilleure prise en charge et 40 % qu’ils pourraient utiliser le temps gagné pour leur développement personnel”, indiquent les résultats de l’étude.
L’éducation thérapeutique, oui… les frottis, non
Les tâches qui relèvent des compétences réglementaires du médecin telles que les prescriptions seraient moins volontiers déléguées à un infirmier, contrairement aux actes d’éducation thérapeutique ou de surveillance de la tension artérielle.
“La moitié seulement des praticiens seraient prêts à déléguer la prescription de HbA1c pour un patient diabétique et 35 % à déléguer la réalisation d’un frottis cervical”, indique l’étude. Plus de 7 praticiens sur 10 seraient en revanche prêts à déléguer la réalisation de tests de diagnostic rapide ou la vaccination.
Autre élément discriminant : le volume d’activité du généraliste. Plus celui-ci est élevé, plus il est favorable à une délégation de tâche. A volume d’activité égal, plus la densité de médecins dans la zone d’exercice
est élevée, plus il devient réticent. “On peut penser à un effet de concurrence”, conclut l’étude.
Une autre vision de la prise en charge
Pour les sénateurs Catherine Génisson et Milon qui ont récemment coordonné un rapport sur le sujet, “confier de nouvelles tâches à un professionnel de santé n’a de sens en termes de qualité des soins que si l’acte pourra être effectué dans de meilleures conditions, notamment de manière plus approfondie qu’il ne l’était auparavant”.
Il s’agirait d’apporter “des innovations en matière de prise en charge impliquant la création de nouveaux actes ou de nouvelles formes de prise en charge. Ces coopérations ne sont en aucun cas simplement un moyen d’obtenir une meilleure allocation du temps médical, même si cela peut-être un de leurs objectifs”, assurent le deux s sénateurs qui ajoutent qu’il s’agit de répondre à “une évolution notable des besoins des malades vers une prise en charge plus globale et de plus grande proximité”.
Ces derniers notent un nombre important de freins dont la complexité de ” l’élaboration de dossiers susceptibles d’être acceptés par la Haute autorité de santé”. Ils suggèrent ainsi que la HAS se cantonne à “la rédaction de cahiers des charges” et non à l’examen de chaque protocole.
Autre critique : l’adhésion qui s’effectue “sur une base individuelle”, ce qui ôte aux protocoles toute pérennité. Ils suggèrent ainsi la possibilité d’autoriser “la mise en oeuvre d’une coopération par une équipe, indépendamment des personnes qui la composent”.
Cyrienne Clerc
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