Comment le projet de Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) est-il né dans votre territoire ?
A l’origine, en 2012, un médecin s’est inquiété du problème de désertification médicale sur notre territoire. Il a eu l’idée de concerter les professionnels de santé concernés pour trouver une solution. C’est de cette manière qu’est d’abord né un collectif, sur Bergerac, impliquant les médecins, les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes, les pharmaciens et la mairie. L’accès aux soins est un problème qui nous concerne tous. Nous avons réfléchi à la problématique et avons décidé de créer, en 2014, un pôle de santé pour formaliser la démarche. Chacun est donc resté dans sa structure géographique, mais nous avons cherché à tisser des liens avec les partenaires extérieurs pour avoir des idées novatrices et surtout attirer des jeunes professionnels.
Avec la loi de modernisation de notre système de santé de janvier 2016, notre pôle est devenu une CPTS. Nous répondions aux critères du texte de loi car nous avions déjà un projet de santé et un maillage avec les partenaires du territoire. Depuis que nous sommes officiellement une CPTS, nous avons réécrit notre projet de santé et nous avons modifié nos statuts. Nous restons une association loi 1901, et de 40 professionnels de santé au sein du pôle, nous sommes maintenant 110 à l’échelle d’une communauté d’agglomération de 38 communes et d’environ 68 000 habitants.
J’ai été élue à la vice-présidence du pôle de santé à sa création, puis en 2017, présidente. Tous les trois ans, le président change afin que chaque profession puisse accéder à ce poste.
En quoi consiste votre projet de santé ?
Il est assez vaste et concerne des problématiques que connaissent l’ensemble des professionnels de santé à savoir : l’accès aux soins des patients, la lutte contre la désertification médicale, attirer de nouveaux professionnels de santé, réduire l’inégalité d’accès aux soins et travailler sur la coordination ainsi qu’à la collaboration interprofessionnelle pour fluidifier les parcours.
De quelle manière vous êtes-vous impliquée ?
Personnellement, je me suis investie dans le projet car les problèmes de démographie médicale nous impactent directement, notamment parce que notre profession est prescrite. Je voulais réfléchir à des solutions pour assurer l’avenir de mon métier. J’étais également gênée par l’absence de communication interprofessionnelle.
Personnellement, je vais facilement au-devant des gens. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Il était important de créer un réseau de soins au sein duquel les professionnels peuvent apprendre à travailler ensemble. Un simple problème de prescription peut tourner à la catastrophe lorsqu’on est infirmière. Mais lorsqu’on connaît les médecins, cela ouvre de nouvelles perspectives et permet de résoudre les problèmes plus rapidement. C’est un détail qui a son importance. C’est pour cela qu’en lançant la CPTS, nous avons d’abord appris à communiquer entre nous.
L’investissement des infirmiers est-il fondamental pour vous ?
Je pense qu’effectivement les infirmiers doivent s’investir davantage. S’engager dans une CPTS, c’est comme aller voter : quand on n’y va pas, il est difficile de se plaindre. D’autant plus que ne pas être d’accord avec la CPTS n’empêche pas d’y adhérer. Certes, il y a un projet de santé, mais il est tellement vaste que d’après moi chacun peut s’y retrouver. Il faut commencer par informer les étudiants, au sein des Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), de l’existence de cette organisation des soins sur les territoires pour qu’ils puissent ensuite s’y investir. Les médecins sont toujours mieux informés que nous. Nous sommes toujours en recul, j’en ai marre qu’on nous prenne pour des bonnes sœurs. Il faut que cela change.
Propos recueillis par Laure Martin
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