« Il y a un peu plus de trois ans, avec des infirmiers libéraux de trois cabinets, nous nous sommes posés des questions sur l’organisation de la continuité des soins la nuit, explique Sébastien Barbier, infirmier libéral et président de l’association Urgences infirmières 14. N’étant pas organisés dans le domaine, nous trouvions dommage de nous déplacer, chacun de notre côté, pour prendre en charge des patients à 2h ou à 4h du matin, de manière épisodique. »
Parallèlement à ce défaut d’organisation, il leur paraît important de répondre aux besoins des patients, certains n’osant pas appeler leur infirmier la nuit, afin de ne pas le déranger.
Conséquence : le lendemain, les Idel constatent, en arrivant au domicile, une poche de stomie endommagée, une perfusion percée. Il arrive aussi que les Idel ne décrochent pas leur téléphone la nuit, alors même que la loi impose une continuité des soins 24 heures sur 24.
Dernier point : « Nous étions dans un contexte concurrentiel avec la présence d’un centre de soins infirmiers, qui lui, répond aux demandes la nuit », pointe du doigt Sébastien Barbier.
Face à ces constats, le groupe d’infirmiers a organisé fin 2019, une première réunion publique, à l’issue de laquelle l’association est créée avec une vingtaine de personnes. Rapidement, les adhérents sont passés à 30 puis 60 pour atteindre une centaine aujourd’hui.
Des actions concrètes
Avec la crise sanitaire, les premières actions de l’association se concentrent sur cette urgence. « Etant un groupe de professionnels identifiables, nous avons été sollicités pour ouvrir un centre de dépistage puis des drives et des centres de vaccination », indique le président de l’association, précisant avoir des liens avec l’Agence régionale de santé (ARS), l’Union régionale des professionnels de santé (URPS), la mairie ou encore la préfecture.
En parallèle, les infirmiers libéraux de l’association commencent à s’organiser pour des prises en charge de nuit. Ils mettent en place un planning d’astreinte de garde la nuit pour créer des permanences de soins entre les infirmiers adhérents volontaires.
« Nous avons acheté un logiciel téléphonique, permettant la mise en place d’un numéro unique avec un transfert de ligne sur le téléphone portable de l’infirmier de nuit », fait savoir Sébastien Barbier.
Les Idel adhérents à l’association – et même au-delà -, peuvent communiquer le numéro à leurs patients.
« Il s’agit souvent de patients chroniques techniqués à domicile, rapporte-t-il. Ils sont rassurés de disposer d’un numéro d’appel pour la nuit et de savoir qu’un Idel se déplace. Nous le constatons, nous sommes toujours bien accueillis. » Lors des interventions la nuit, l’Idel facture l’acte en son nom.
Manque de volontaires
Néanmoins, tous les infirmiers de l’association ne souhaitent pas participer aux gardes de nuit. La grande problématique est donc de trouver des ressources humaines pour les assurer.
Avec la centaine d’Idel adhérents, cela aurait conduit à trois gardes par personne par an. Mais ils ne sont finalement qu’une vingtaine à être volontaires. « Nous avons des difficultés à mobiliser les collègues », regrette Sébastien Barbier.
Les raisons sont nombreuses et plus ou moins considérées comme légitimes. Parmi elles, la garde des enfants ou des raisons de sécurité. « Des Idel sont stressés à l’idée d’intervenir la nuit dans des secteurs difficiles, mais certains le font quand même, en binôme », indique-t-il.
Pour d’autres, n’habitant pas Caen, la distance est trop loin pour intervenir la nuit. « Enfin, certains ne sont tout simplement pas intéressés, souligne-t-il. C’est une raison que je comprends moins en raison de notre obligation légale de continuité des soins. Ne pas apporter de solution aux patients n’est pas normal. Certaines Idel se sont installées dans un confort en laissant l’Hospitalisation à domicile (HAD), les Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou encore des prestataires s’en occuper, mais ce n’est pas la solution. »
Et de poursuivre : « Maintenant que nous sommes plus connus, nous allons nous imposer différemment notamment pour les Idel extérieurs à l’association. C’est donnant-donnant. On leur rend service mais ils doivent donner. Cela commencera certainement par une adhésion à l’association à 50 euros par an. »
L’association a été approchée par l’HAD de la Croix Rouge, et ce sont désormais les Idel d’Urgences Infirmières 14 qui assurent les gardes de nuit de cet HAD. « Nous avons aussi été contactés par le Samu de Caen, qui souhaite mettre en place un partenariat pour la gestion des sorties d’hospitalisation non urgentes », se félicite l’infirmier, satisfait également du lien confraternel qui unit maintenant les cabinets libéraux de la ville.
Laure Martin
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