« De façon générale, nous avons assez peu de données sur les aides-soignants. Cela en dit long sur l’intérêt qu’on leur porte ». Si les propos de Guillaume Gontard, le président de la FNAAS (Fédération nationale des associations d’aides-soignants), semblent légèrement teintés d’amertume, il n’est pas le seul à faire ce constat. Dans sa grande enquête de 2012, la sociologue Anne-Marie Arborio parlait déjà de « profession invisible », en mettant en avant un métier très féminisé chargé « des tâches intermédiaires entre le ménage et le soin ».
Un déficit d’image que le président déplore. « On croit souvent que ce métier, nous le faisons parce que nous n’avons rien pu faire d’autre en termes d’études ou de métier alors que la plupart d’entre nous l’ont choisi », rectifie-t-il. En somme, ce métier, « il est méconnu, poursuit- il. Les gens sont davantage concentrés sur la profession infirmière ».
Un métier trop méconnu
Et pourtant, les aides-soignants travaillent en binôme avec les infirmiers et infirmières. « Nous ne sommes pas seulement en charge de l’hygiène et de la sécurité. Nous faisons aussi des choses que personne ne voit, comme encourager l’autonomie des patients, avec qui nous prenons le temps de discuter. Nous favorisons l’engagement dans les soins, avec les kinés ou les psychologues, par exemple », explique Guillaume Gontard, qui regrette les images véhiculées dans la société. Informer, accueillir les patients, dispenser des soins d’hygiène et de confort, mais aussi écouter et rassurer les patients, ce sont autant de missions réalisées au quotidien.
Des missions que prend justement très à coeur Adrien Schaeffer, 20 ans, élève aide-soignant mosellan, qui devrait être diplômé en janvier prochain. Ce vingtenaire a toujours aimé s’occuper de personnes âgées, ses grands-parents en premier lieu. Alors les remarques qu’il peut parfois entendre – « tu vas essuyer des culs toute la journée ? », il n’en a cure. « Cela pourrait être nos grands-parents, nos parents. Chacun a droit à des soins de confort et de la dignité », assène-t-il.
L’année dernière, alors que la crise sanitaire plombait les Ehpad, Adrien, avec la fougue de sa jeunesse, a travaillé à temps plein à l’Ehpad de Delme et enchaîné l’après-midi ses cours en visio pour valider son bac. Cette plongée dans le coeur de la crise lui a permis « de voir beaucoup de choses ».
Pour Noël dernier, l’étudiant a même organisé une collecte d’objets (fleurs, boîtes de chocolat…) pour « compenser le manque d’animation » et la solitude des résidents au moment des fêtes de fin d’année.
Parfois, c’est sur le tard que le goût pour ce métier vient. Ainsi Aby Diop, ancienne conseillère en prêt-à-porter, a réalisé, après la perte d’un proche, qu’elle voulait exercer un métier plus humain et « sauver des vies ». Même son de cloche pour Véronique Mbaye, 53 ans, qui s’est reconvertie en aide-soignante. Autrefois lingère dans une maison de retraite, elle était témoin « de la relation privilégiée que nouaient les aides-soignantes avec des patients au quotidien. »
Alors, dans son coin, elle s’est armée de détermination, a repris des cours et validé son examen après avoir bûché pendant dix mois. Vêtue de sa blouse de soignante qui lui permet de prendre de la distance émotionnelle avec des situations humaines pas toujours simples, elle est fière du rôle qu’elle a dans son Ehpad, notamment auprès des infirmières.
“Les yeux et les oreilles des infirmières”
« Bien sûr, notre relation avec elles dépend des affinités que l’on ressent », reconnaît Véronique, mais la plupart du temps, cela se passe bien. Après tout, « nous sommes les yeux et les oreilles des infirmières. Quand nous voyons quelque chose, nous les prévenons. Nous sommes tout aussi importantes qu’elles. C’est une chaîne, nous faisons partie d’une équipe », analyse-t-elle.
Cependant, elle est rattrapée par la dégradation des conditions de travail qu’elle constate après neuf ans de pratique comme aide-soignante. « Dans notre Ehpad, la moitié des infirmières sont parties. Elles courent toute la journée. Au niveau de la relève, il y a des informations qui se perdent, elles n’en peuvent plus. Sur Facebook, la direction a indiqué qu’elle cherchait des infirmières dynamiques. Elle n’a pas trouvé ».
Le sentiment est plus mitigé pour Aby, qui voit parfois se développer une position hiérarchique entre les aides-soignantes et les infirmières. « Je vois certaines infirmières qui pensent que le travail en collaboration signifie être à leur ordre ou qui ne voient pas l’intérêt du travail en équipe. Dommage car une prise en charge réussie doit se faire dans une cohésion d’équipe par respect du patient et ses familles, estime-t-elle.
L’impact de la crise sanitaire
Au cœur de leur métier : le bien-être du patient. Mais Véronique ne peut que constater que ses conditions de travail se détériorent. « Nous avons de moins en moins de temps avec eux, nous travaillons à la chaîne et les résidents, à cause du coût des Ehpad, arrivent dans un état plus en plus dégradé, certains atteints de démence. Là-dessus, nous ne sommes pas formées ». Une déception d’autant plus grande pour cette aide-soignante qui « adore son métier », et garde de nombreux souvenirs touchants de moments avec des résidents.
« Lors du premier confinement, une résidente était en syndrome de glissement. Nous l’avons stimulée, et elle a repris goût à la vie », se souvient-elle. Cela donne du sens à son métier. Aby Diop reconnaît elle aussi une « charge de travail et des plannings plus compliqués, ainsi que des difficultés de récupération selon la situation familiale » et voit de plus en plus de soignants en arrêt.
« Avec le temps, on s’organise mieux. Avec la vaccination qui se renforce et la prise en charge du soin, on s’affole beaucoup moins », analyse Guillaume Gontard. Adrien Schaeffer aussi a vécu une période ambivalente : « Sur le terrain, les équipes étaient bouleversées. La situation était éprouvante. Mais ce que j’ai trouvé chouette, c’est la mobilisation de tout le monde, même de bénévoles qui nous faisaient des masques ».
Le gros de la crise étant derrière nous – espérons-le – et le Ségur de la santé étant passé par là (pour rappel, 183 euros nets d’augmentation et 45 euros au titre de la revalorisation en catégorie B pour les aides-soignantes, N.D.L.R.), la question financière semble moins épidermique qu’au sein de la profession infirmière, qui se bat dans la rue et dans les ministères depuis des années pour une revalorisation en profondeur des salaires.
« Nous avons de bons salaires, mais ce sont beaucoup de primes, donc cela ne comptera pas pour notre retraite, déplore cependant Véronique. 180 euros, c’est pas mal. Mais cela n’empêche pas les difficultés au quotidien. Si c’est pour se tuer au travail, je préfère gagner un peu moins ».
Adrien Schaeffer a pu bénéficier des 1 500 euros d’aide à la crise Covid, « mais en tant qu’élèves infirmiers ou aides-soignants, nous avons été un peu les oubliés », souligne-t-il. Pour le président de la FNAAS, « le Ségur de la santé, c’est une bonne chose, une augmentation méritée. Mais la solution n’est pas que financière ». La preuve : le 11 mai dernier, les soignants des services de réanimation, dont les aides-soignants, sont descendus à nouveau dans la rue. « Eux n’ont pas vu la baisse de fréquentation des services de réanimation. Ils restent constamment sollicités », remarque-t-il.
Un manque d’attractivité
Le métier manque encore d’attractivité. Il est encore souvent associé à une grande pénibilité, comme en témoigne Véronique : « J’aime vraiment la relation avec les personnes âgées, mais à la fin de la journée, je finis sur les rotules. On a mal de partout. Je souffre d’une tendinite à l’épaule depuis deux ans, qui revient chroniquement. Ce n’est pas reconnu en maladie professionnelle mais tout est déclaré à la médecine du travail. L’une de mes collègues de 40 ans, en revanche, qui a commencé à travailler à 18 ans, n’a jamais pu reprendre le travail ».
Elle témoigne aussi de la situation dans son Ehpad. Par manque d’attractivité, « de nombreuses collègues ont abandonné ou sont parties en retraite et la direction a du mal à recruter ». Résultat : l’arrivée de nombreuses faisant-fonction. « Elles sont formées seulement deux matins et deux soirs. On constate que certains patients peuvent être mal installés dans le lit, les protections mal mises », souligne-t-elle. Parfois, plus grave encore, les patients subissent de vraies mises en danger, estime Véronique. Elle pense à celles qui, pensant bien faire, apportent un gâteau à des résidents, contraints à de la nourriture mixée ou gélifiée, et qui risquent de faire une fausse route.
« C’est dégradant pour nous, qui avons travaillé dur. La formation, je la trouve indispensable ». L’année dernière, une proposition de la DGOS – former les aides-soignants en deux semaines pour faire face aux besoins urgents liés à la crise de la Covid – avait été violemment retoquée par le Cefiec (Comité d’entente des formations infirmières et cadres).
« Pour moi, il est temps que le métier d’aide-soignant soit reconnu à part entière comme un métier indépendant avec une place de soignant dans l’équipe paramédicale. On pourrait aussi permettre d’ouvrir des formations complémentaires diplômantes selon l’ancienneté pour se spécialiser avec des options : par exemple, aide-soignante en dialyse, en réanimation, en maison médicalisée, à domicile ou chez les enfants de 6 à 16 ans », propose Aby Diop. Un beau métier, qui mérite un autre regard, plus positif.
Delphine BAUER
Auxiliaire de puériculture : le pendant pédiatrique de l’aide soignante
Elles ont presque les mêmes missions. Parfois, elles ont même la double casquette, mais leur public est différent. Les auxiliaires de puériculture s’occupent, dans différents types de structures (crèches, PMI ou hôpital) d’enfants sains ou malades, de 0 à 18 ans. C’est la variété des missions qui plaît à Isabelle Réby, 49 ans, qui exerce aux urgences pédiatriques de l’hôpital de Villeneuve. Elle apprécie aussi tout particulièrement le lien très humain avec les enfants qu’elle suit, mais aussi avec les parents qu’elle accompagne dans leur parentalité.
« Nous fonctionnons en binôme avec les infirmières ou les puéricultrices, mais elles sont parfois absorbées par l’aspect technique de soins. Nous nous attachons donc à éviter les soins douloureux à tout prix », explique-t-elle. Le fait de travailler en binôme, toujours avec les mêmes personnes, « permet, en un regard, de se comprendre ».
La crise passée n’a pas épargné les auxiliaires de puériculture. Isabelle Réby vu les urgences pédiatriques fermer du jour au lendemain – une vision apocalyptique – et est montée deux fois en service adultes. Pourtant habituée à des situations dramatiques, comme les annonces de maladies graves, elle en garde un souvenir poignant. Trop dur, trop de détresse… Elle a aussi vu des enfants gravement atteints de Covid.
Pour Isabelle Réby, ce métier est une vraie passion. A l’avenir, elle espère pour son métier trop méconnu plus de reconnaissance. « Normalement les aides-soignantes auront une revalorisation en catégorie B en octobre. Nous espérons que ce sera aussi le cas pour nous car nous avons toujours été au même niveau qu’elles. Il faut que cela continue ».
Cet article est paru dans le n°41 d’ActuSoins Magazine (juin 2021).
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On ne pourra pas éternellement avoir des IFSI remplis à craquer par des jeunes et moins jeunes qui n’aspirent qu’à se lancer en libéral pour devenir IDEL (faites des études, vous verrez, les stats seraient édifiants, beaucoup de formateurs l’ont remarqué) et de l’autre des IFAS qui ont le plus grand mal à se remplir.
On risque à terme d’avoir ce que l’on appelle dans le langage de l’encadrement la sclérose des compétences.
Au delà du renforcement de la rémunération, des conditions de travail qui sont des enjeux prioritaires, le moment est également venu de favoriser les passerelles pour les aides-soignants, les auxiliaires de puéricultrice voire d’ASH expérimentés.
Faut arrêter de prioriser le recrutement de jeunes (17-20 ans) qui veulent devenir IDE et se barrent pour devenir IDEL dès l’âge de 23 ans. Place aux AS/Aux qui ont pour beaucoup 10 ans de bouteille et rencontrent le plus grand mal à suivre la formation en IFSI faute de financements.
Mettre en œuvre des centres de formation en interne des hôpitaux en partenariat avec des médecins/des urgentistes/des infirmiers à destination des AS/AP/ASH….est nécessaire. Ces derniers pourront évoluer dans le cadre du régime de l’alternance, c’est largement faisable et nécessaire !
Pour les hôpitaux & établissements de santé, c’est pouvoir :
– réduire le turn-over ;
– avoir du personnel qui connaît le fonctionnement des établissements, et croyez-moi, dans la prise en charge du patient ça fait la différence ;
– avoir du personnel motivé +++++
– valoriser le métier d’AS/AP par la reconnaissance des acquis professionnels. Si cela existe pour des techniciens qui évoluent pour devenir ingénieur (rien que ça !), je ne vois pas pourquoi on ne pourra le mettre en place pour des AS/AP se destinant au métier d’IDE.
En amont de la formation, financé par les établissements de santé, on peut envisager des formations à distance de remise à niveau en mathématiques, en biologie, c’est largement faisable en 2022 pour côtoyer des ingénieurs en e-formation le temps d’intégrer le canal de la formation continue AS-AP se destinant au métier d’IDE.
Le système actuel est trop rigide et élimine bons nombres d’AS & AP talentueux, expérimentés et ayant travaillé dans de nombreux services en faisant preuve de professionnalisme et en respectant leur rôle. Ce sont eux qui méritent de devenir IDE en priorité.
Pour conclure, la COVID a prouvé que la mise en œuvre d’un véritable canal de promotion professionnelle est plus que nécessaire. Elle est indispensable.
Aide-soignante depuis 12 ans à domicile SSIAD,pas de reconnaissance de mon métier.
Aujourd’hui je n’ai pas eu les 183 euros Ségur rien de rien .
Nous sommes les oubliés…
Aide soignante depuis 20 ans en gériatrie. Quand l’humain déshumanise par profit, que tout le monde porte des œillères, ne reste que le cœur des aide soignants pour donner un soupçon d’humanité,de dignité…
Bonsoir je suis aide soignant je travaille en FAM aucune formation proposé avec les artistes normal