A l’Institut Curie, l’ETP Education Thérapeutique des Patients vise les douleurs liées au cancer

A l’Institut Curie, l’ETP Education Thérapeutique des Patients vise les douleurs liées au cancer

Depuis un an, l’Institut Curie (Paris) propose un programme d’éducation thérapeutique sur la douleur chronique liée au cancer. Objectif : améliorer le confort des patients… et l’observance thérapeutique.
Silène Delorme, infirmière en médecine oncologique formée à l’ETP, Stéphanie Astruc, infirmière ressource douleur, et un patient
De face (de gauche à droite) : Silène Delorme, infirmière en médecine oncologique formée à l’ETP, Stéphanie Astruc, infirmière ressource douleur, et un patient. Chaque séquence de cet atelier dédié aux traitements est aussi l’occasion d’un partage d’expériences. © Emilie Lay

 « La douleur peut être évitée, en l’anticipant avant qu’elle ne s’installe. » C’est un des principaux messages de l’atelier sur les traitements, animé par Stéphanie Astruc, infirmière ressource douleur, et Silène Delorme, infirmière dans le service de médecine oncologique à l’Institut Curie (Paris). Face à elles, des patients souffrant d’un cancer prennent des notes. L’ambiance est studieuse.

Cet atelier fait partie du programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) « DéCLIC » : « douleur chronique liée au cancer ». Mis en place par le département des soins de support de Curie en 2016, il a déjà bénéficié à une cinquantaine de personnes. Des malades adultes, suivis en ambulatoire et souffrant de douleurs persistant depuis plus de trois mois. Autre critère d’inclusion, une prise en charge médicale de la douleur initiée. « On ne peut rien faire si elle n’a pas été identifiée »et traitée, insiste Vérène Praud, infirmière coordinatrice de DéCLiC. A défaut, cette dernière propose une consultation douleur préalable aux ateliers.

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« Des douleurs spécifiques »

La préoccupation est ancienne en oncologie. En 1995, une étude avait révélé un syndrome douloureux chez environ la moitié des patients (1). Avec des résultats similaires dans l’enquête réalisée par l’Inca (Institut national du cancer) quinze ans après (2). « Et ce en dépit des plans cancer et de tous les progrès médicaux et de la prise en charge. Cela nous a interpelés », se souvient la docteure Evelyne Renault Tessier, spécialiste douleur et soins palliatifs, et chef de projet de DéCLIC.

Les équipes de Curie se sont donc tournées vers l’ETP. En 2015, Vérène Praud a d’abord sondé les patients de la consultation douleur : ils témoignaient « ne rien comprendre au charabia médical », avoir besoin « d’aide pour sortir de l’isolement, savoir comment bouger »… Déjà éprouvée en douleur non cancéreuse, « il a aussi fallu adapter l’ETP au cancer, qui engendre des douleurs très spécifiques dues à la maladie et aux traitements », souligne Evelyne Renault Tessier. On retrouve des neuropathies périphériques induites par les chimiothérapies ou par la chirurgie, des arthralgies causées par l’hormonothérapie et des douleurs osseuses métastatiques.« Il faut des professionnels qui connaissent cette maladie. »

Programme personnalisé

Silène Delorme, infirmière en médecine oncologique formée à l’ETP éducation thérapeutique du patient classe les traitements selon les indications des patients
Silène Delorme classe les traitements selon les indications des patients. « Animer cet atelier sur les traitements de la douleur nécessite des connaissances nombreuses et fines sur le sujet », souligne-t-elle. © Emilie Lay

En pratique, un bilan initial aboutit à l’élaboration d’un programme personnalisé avec le patient. « Nous faisons le point sur ce qu’il sait de sa maladie et de ses traitements, comment il explique sa douleur, ce qu’il fait dans la vie… », détaille Vérène Praud. Cet entretien « permet de faire émerger »les besoins et les objectifs des malades. « Nous les aidons à choisir ce qui leur sera utile », complète Evelyne Renault Tessier. Le but est de les placer d’emblée dans une démarche active.

Collectifs, les ateliers sont animés par un binôme infirmière-infirmière ou kinésithérapeute ou psychologue, dont l’un des membres est formé à la douleur. Les patients participent systématiquement à l’atelier « Comprendre », qui aborde le fonctionnement de la douleur, avec des éléments de physiopathologie. Le programme se décline ensuite sur un mois, avec six thèmes facultatifs : « Traitements », « Bouger », « Parler de sa douleur », « Approches psychocorporelles » (autohypnose, sophrologie…), et neurostimulation électrique transcutanée en séance individuelle. Ils doivent être complétés l’an prochain par de la balnéothérapie, ainsi que deux ateliers pour lever les freins à la reprise du travail d’une part et gérer les douleurs osseuses.

Apprentissage mutuel

Traitement de fond ou de crise, interdoses, évolution de la douleur, effets secondaires… Au fil de l’atelier « Traitements », les infirmières approfondissent progressivement ces thèmes, avec un quizz, des schémas et même l’étude d’un cas clinique. « Nous amenons les patients à trouver leurs propres réponses, pour qu’ils deviennent autonomes dans la gestion de leur douleur au quotidien et même qu’ils puissent prendre des initiatives », explique Stéphanie Astruc.

DéCLIC donne lieu à un apprentissage mutuel à trois niveaux. Les patients y acquièrent ou renouvellent des connaissances. Leurs commentaires et suggestions en fin de séance, puis lors d’un bilan final réalisé un mois après, aident les soignants à ajuster le contenu du programme sur le fond et la forme. « Enfin, cela nous permet d’en évaluer l’impact médico-économique. Le patient a-t-il débarqué dans une pharmacie parce qu’il était perdu avec ses traitements ou aux urgences car il avait mal pris son traitement de secours pour la douleur ? On le sait en débriefant avec eux, indique Vérène Praud. Pour que ce programme continue et soit remboursé par la Sécurité sociale, il faut en objectiver et en quantifier », les bénéfices.

Emilie Lay

Healico application

(1) Larue F, Colleau SM, Brasseur L, Cleeland CS.Multicentre study of cancer pain and its treatment in France, BMJ.1995

(2) Enquête nationale sur la prise en charge de la douleur chez des patients adultes atteints de cancer

Isabelle*, participante à l’atelier « Traitements »

« J’ai extrêmement mal depuis le début, avec un cancer très inflammatoire. Mais j’ai mis longtemps à le dire. J’ai aujourd’hui des médicaments pour les douleurs neuropathiques, mais je ne sais pas ce que cela signifie. C’est très dur de comprendre quoi prendre, entre la morphine, les antalgiques, les anti inflammatoires… Je ne parviens pas à me doser toute seule et je ne sais pas à qui demander conseil. Et personne ne me répond exactement sur les effets secondaires à long terme des anti inflammatoires. J’ai peur que cela n’entraîne une cirrhose ou un cancer du foie : j’imagine le pire ! On est très seuls sur ces prises de médicaments. »

* Le prénom a été changé

Actusoins magazine pour infirmier infirmière hospitalière et libéraleCet article est paru dans le numéro 26 ActuSoins magazine 
(Sept/Oct/Nov 2017).

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