Maroc : le rôle clef des infirmiers en néphrologie

Au CHU de Fès, au Maroc, le service de néphrologie propose une prise en charge complète aux patients atteints de problèmes rénaux. Une offre pour laquelle les infirmiers sont en première ligne.

Cet article a été publié dans n°45 d'ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2022).

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L'infirmière pratique une ponction de fistule pour la dialyse du patient. © Ayoub Benkarroum.

« Le service de néphrologie a été créé en 2009 au CHU de Fès », explique le Pr Tarik Sqalli Houssaïni, chef du service de néphrologie. Les soignants de ce service, qui couvre un bassin de population de quatre millions de personnes, proposent une consultation quotidienne, le diagnostic des maladies rénales, une activité d’exploration fonctionnelle rénale, la réalisation de biopsies, la pose de cathéters temporaires et permanents pour l’hémodialyse, une activité de dialyse péritonéale, de la transplantation rénale et participent à une unité de néphrologie pédiatrique.

Aujourd’hui douze IDE exercent en néphrologie clinique, seize en hémodialyse et un infirmier est spécialisé en dialyse péritonéale. En service d’hospitalisation, ils assurent des soins variés, allant des pansements à l’administration d’immunosuppresseurs ou de chimiothérapies, et participent à la sensibilisation des malades. En unité d’hémodialyse, ils sont responsables de la partie technique de la machine.

Éducation thérapeutique du patient

L'Éducation thérapeutique du patient (ETP) est l'un des rôles phares des infirmiers, et ce, aux différentes étapes du parcours de soins.

Tout d’abord, lorsque le patient arrive au stade terminal de son insuffisance rénale et qu’il doit choisir une suppléance, l’infirmier, le diététicien et le médecin l’aident dans son choix (hémodialyse, dialyse péritonéale ou greffe). « Il peut y avoir des contre-indications à l’une ou l’autre technique mais nous tenons compte des besoins du patient et de son désir », rapporte le Pr Sqalli Houssaïni.

Lorsque le patient opte pour la dialyse péritonéale, l’infirmier détient un rôle majeur car, après la pose du cathéter, c’est lui qui reçoit le patient pour lui expliquer le fonctionnement de ce type de dialyse, avant l’envoi du matériel à son domicile.

Cette ETP « est fondamentale pour que le patient apprenne les bases de l’hygiène », souligne Ismaïl, longtemps infirmier en hémodialyse, désormais en charge de l’ETP en dialyse péritonéale. Au moment de la dialyse, le patient doit respecter, chez lui, un protocole : fermer les fenêtres et les portes pour éviter la poussière, désinfecter la table sur laquelle il va poser le matériel, se laver les mains. « Le strict respect des règles d’hygiène permet d’éviter une péritonite », précise-t-il.

Lorsque la dialyse est automatisée, il forme également le patient à la connexion et à la déconnexion au cycleur. « L’ETP est de durée variable en fonction de chaque patient, indique-t-il. C’est uniquement lorsque je suis certain qu’il est bien formé que j’autorise la livraison du matériel à son domicile. » Ismaïl effectue aussi le suivi téléphonique des patients à domicile, afin de s’assurer qu’ils ne sont pas confrontés à des problèmes avec la dialyse ou avec le cycleur.

D’ailleurs, la société qui fournit les cycleurs a développé une offre de télémédecine permettant le suivi les paramètres à distance et donc la modification de la prescription. « Le patient n’a qu’à appuyer sur une touche pour accepter le nouveau protocole, précise le Pr Sqalli Houssaïni. Ce système permet d’espacer les consultations et d’éviter les situations d’urgence non décelées. »

L’ETP est également fondamentale chez les enfants. Khalid Zouggari, infirmier au sein du service, s’est porté volontaire pour intervenir dans l’unité pédiatrique. « L’objectif est d’accompagner les enfants dans leur maladie et dans la mise en place de la dialyse, explique-t-il. Là aussi le travail de sensibilisation est très important sur l’hygiène alimentaire, l’hygiène de vie et l’hygiène corporelle. Les enfants et leur famille ont besoin d’être accompagnés et formés pour qu’ils puissent le reproduire correctement chez eux. »

Faciliter l’accès aux soins

L'infirmier explique au patient les gestes à adopter à domicile pour la mise en place de la dialyse péritonéale et ainsi éviter les infections. © Ayoub Benkarroum.

Khalid Zouggari intervient aussi au sein d’une caravane médicale, qui se rend dans les campagnes dépister les patients malades.

Cette initiative est organisée par l’association Initiative santé et aide au développement (ISAAD), dont le Pr Sqalli Houssaïni est le président. « En milieu urbain, les patients peuvent avoir accès à un suivi médical et à des centres de dialyse mais ce n’est pas le cas à la campagne où certains ne savent même pas qu’ils sont malades », regrette Khalid Zouggari. Avec une vingtaine de professionnels de santé de huit spécialités médicales, il part sur les routes du Maroc faire du dépistage en cardiologie, pédiatrie, gynécologie ou encore néphrologie.

« Nous apportons avec nous des médicaments que les patients peuvent ensuite retrouver dans des antennes du service public de santé pour se réapprovisionner », précise l’infirmier. L’équipe met également en place un listing des patients pour assurer leur suivi et, si les patients ont besoin de dialyse, l’infirmier les oriente, dans la mesure du possible, vers la dialyse péritonéale réalisable à domicile.

Vers la reconnaissance d’une spécialité

Face à toutes ces compétences infirmières, le Pr Sqalli Houssaïni souhaiterait que la néphrologie soit reconnue comme une spécialité infirmière à part entière au Maroc.

Il y travaille au travers de la Société marocaine de néphrologie, qu’il préside. Depuis six ans, cette société savante œuvre à la mise en place d’une formation complémentaire, déjà dispensée au sein d’une école privée. « Elle permet aux infirmiers d’obtenir un diplôme complémentaire en dialyse,rapporte le Pr Sqalli Houssaïni. Cette formation me semble indispensable car il y a beaucoup de technicité en néphrologie. »

Les infirmiers doivent ainsi faire preuve d’une bonne maîtrise des appareils de dialyse et de l’utilisation des abords vasculaires.

Pendant la formation, ils apprennent la prise en charge globale des maladies rénales et les subtilités concernant le choix de la technique de suppléance rénale. Les formateurs enseignent également les techniques d’ETP. « Nous insistons sur la gestion de la maladie, l’accompagnement des patient, l’administration des traitements, la reconnaissance des complications ainsi que sur les aspects psychologiques de la maladie », énumère le professeur.

Actuellement, la moitié des étudiants inscrits à la formation sont des infirmiers exerçant déjà en néphrologie mais, pour le moment, il ne s’agit pas encore d’une formation publique de l’Etat. « C’est ce que nous cherchons à instaurer, tout comme cinq ou six autres disciplines infirmières qui demandent également une reconnaissance en tant que spécialité », signale le Pr Sqalli Houssaïni.

Dernier projet en date : la mise en place d’une délégation de tâches permettant aux infirmiers d’effectuer l’exploration de la fistule artérioveineuse. « Nous voulons que l’abord vasculaire soit viable le plus longtemps possible, il est donc impératif de déceler de façon précoce les complications, notamment les sténoses, indique le Pr Sqalli Houssaini. Comme en hémodialyse, les infirmiers piquent la fistule trois fois par semaine, ils sont les mieux placés pour repérer les complications. »

Laure Martin

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Une prise en charge récente

Historiquement, la prise en charge de la maladie rénale n’était pas couverte au Maroc.

À la création du registre des maladies rénales en 2004, 4800 personnes en hémodialyse chronique étaient recensées, aujourd’hui, elles sont plus de 35 000.

Entre temps, le Maroc a décidé de prendre en charge les maladies rénales, avec l’hémodialyse comme technique de référence et 440 centres ont ouvert leur porte sur l’ensemble du territoire.

En revanche, « nous avons pris du retard dans le domaine de la transplantation rénale alors que cette technique est plus efficace en termes de pronostic vital, de qualité de vie et de coût, car l’accent a été mis sur l’hémodialyse, souligne le Pr Sqalli Houssaïni. Nous travaillons aujourd’hui à ne plus considérer l’hémodialyse comme la seule technique à généraliser. »

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