Saint-Denis : une exposition met les soignantes à l’honneur

Coordinatrice infirmière et cheffe de service adjointe « offre de soins » à la direction de la santé de la municipalité de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Laure Duchet est également photographe. Les femmes inspirent fortement son travail artistique. Et pour sa nouvelle exposition Les corps soignantes, ce sont les soignantes qui sont à l’honneur.  

Une soignante photographiée pour l'exposition. © Laure Duchet.

« J’ai un parcours professionnel atypique », lance Laure Duchet en guise d’introduction.

Et c’est peu de le dire. Après avoir suivi, post-baccalauréat, des études en soins infirmiers, elle exerce le métier tout en étant actrice, metteuse en scène et photographe. « J’ai toujours navigué entre le milieu du soin et le milieu artistique », explique-t-elle.

Aujourd’hui, la rencontre entre ces deux mondes donne lieu à une exposition, qui se déroulera le 29 novembre à la mairie de Saint-Denis.

Entre neuf et dix infirmières exerçant dans des centres municipaux de santé, des centres de santé communautaires, des Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) et des infirmières en pratique avancée (IPA), se sont prêtées au jeu de la photographe.

« Mon objectif est de les mettre en lumière et de poser leurs mots sur leur définition du soin, du prendre soin, de la façon dont elles prennent soin d’elle, sur le rapport qu’elles entretiennent avec leur corps », explique la photographe.

Outre des portraits photographiques, Laure Duchet les a interviewées et enregistrées. Une création sonore sera à écouter en parallèle de la découverte des portraits.

Prendre soins des femmes

« Cette exposition est le fruit d’un cheminement, raconte Laure Duchet. J’ai débuté la photographie en 2012 et dès 2016, j’ai fait une exposition ″Louves″ autour des femmes. »

Et de poursuivre : « J’ai pris de nombreuses séries de photos liées aux corps féminins et à la lutte contre les assignations. Mon objectif était de prendre en photos des femmes enceintes ou venant d’accoucher, de les mettre en valeur, et de montrer une autre image de la grossesse et de la féminité. Je souhaitais également faire accepter la possibilité de parler du tabou lié aux difficultés du post-partum pour donner une visibilité à ce passage de la vie d’une femme. »

La pratique de sa photographie s’ancre à ce moment de sa vie dans le féminisme. Des femmes, d’âges et de milieux sociaux différents, viennent ensuite à elle, pour être prises en photo. « J’ai constaté que toutes, affichaient un regard dur sur leur corps, partage-t-elle. J’ai alors souhaité, en les prenant en photo, les aider à s’aimer. J’ai endossé une dimension de soin en les prenant en photo car selon moi, le regard est une autre façon de prendre soin des autres. »

Servir de lien

En parallèle, dans le cadre de son exercice infirmier, Laure Ducret découvre, en arrivant au sein du centre municipal de santé Le Cygne, de Saint-Denis en décembre 2019, une grande liberté d’action et une collaboration avec les médecins.

« Je n’étais plus considérée comme une simple exécutante, et j’ai trouvé cela passionnant, d’autant plus que les questions liées à la santé des femmes sont mises au premier plan », souligne-t-elle.

Puis, il y a eu le Covid. « Personnellement, comme j’avais des projets photos en parallèle et donc un équilibre, je n’ai pas mal vécu la période, se souvient-elle. En revanche, j’ai vu la souffrance de mes collègues, et à partir de ce moment-là, je me suis demandée qui prenait soin des soignantes. Que faisons-nous pour elles ? »

A la fin de la crise sanitaire, au cours de différentes réunions pluridisciplinaires, elle constate que le lien et la communication sont rompus entre la direction et les soignants. « Je me sentais entre les deux, confie-t-elle. C’est pour cette raison que j’ai postulé au poste de coordinatrice à la direction de la santé de la ville.  Je voulais prendre soin des soignantes, aider la direction à comprendre les problématiques de terrain et créer des espaces de réflexion pour penser le soin. »

L’impact sur le corps

C’est dans le cadre de sa fonction de coordinatrice qu’elle a décidé d’organiser cette exposition photo pour mettre les soignantes à l’honneur, « les mettre en lumière et évoquer leur rapport aux corps, précise-t-elle. Les photos portraits en noir et blanc, prises en studio traduisent le rapport des soignantes à leur corps. Je les ai interviewées sur le sujet, puis leur ai demandé d’incarner ce qu’elles m’ont raconté, en faisant des mouvements pour se sentir bien, se soulager, pour montrer les endroits de tension, d’impossibilité. »

 Et de poursuivre : « Le métier d’infirmière impacte notre corps. Le fait de soigner un autre corps, d’avoir un contact physique avec une autre personne n’est pas anodin et influence nécessairement la façon dont on se sent physiquement. Il est selon moi intéressant de s’interroger sur cet impact, de mettre des mots sur sa définition. »

Pour certaines soignantes, l’exercice a été difficile. Mais elles ont toutes « eu soif » de cet espace ouvert uniquement pour elles, et au sein duquel elles n’étaient pas dans l’action.

L’exposition, financée par la municipalité, la Fondation de France, et la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) La maison de la santé, pourrait avoir lieu dans plusieurs lieux de Saint-Denis, car la photographe « aimerait qu’elle soit mobile et visible pour de nombreux soignants », conclut-elle.

 

Laure Martin

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Lieu – Mairie de Saint-Denis – 2 place du Caquet, 93200 Saint-Denis. Le 29 novembre.

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