La réforme de la profession d’aide-soignant se concrétise

La réforme de la profession d’aide-soignant se concrétise

L’arrêté donnant corps à la réingénierie du diplôme d’aide-soignant a été publié au journal officiel la semaine dernière. Un texte dont se félicite la profession, mais qui fait tousser certains infirmiers.
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« C’est l’aboutissement d’un travail de six ans. » Arlette Schuhler, secrétaire de la Fédération nationale des associations d’aide-soignant (Fnaas), ne cache pas son soulagement en voyant que l’arrêté relatif à la formation conduisant au diplôme d’Etat d’aide-soignant a été publié le 10 juin dernier, et que les référentiels d’activités, de compétences et de formation qui régiront la profession dès septembre sont enfin connus de tous.

Il faut dire que la responsable associative travaille sur le dossier depuis… 2015. Alors même si, elle en convient, elle « aurait aimé obtenir davantage », elle estime qu’à « moyen ou long terme, les choses évolueront dans le bon sens » pour sa profession.

Concrètement, qu’est-ce qui change avec l’arrêté du 10 juin ? Tout d’abord la durée de la formation d’aide-soignant qui, comme indiqué précédemment, passe à 44 semaines, soit trois semaines supplémentaires.

Mais ce n’est pas tout : formation théorique et pratique sont également rééquilibrées. « Avant, on avait 24 semaines de clinique et seulement 17 de théorie, alors que maintenant, c’est 22 semaines de clinique et 22 semaines de théorie », souligne Florence Girard, présidente de l’Association nationale des directeurs d’école paramédicale (Andep) qui a participé au groupe de travail national ayant abouti aux nouveaux référentiels.

Valorisation du métier

Une évolution qui souligne, selon la responsable de formation, la volonté de « valoriser ce métier ». Et Florence Girard de prendre l’exemple de l’article 4 du décret, qui liste parmi les missions de l’aide-soignant celle de « contribuer à la prévention des risques et au raisonnement clinique interprofessionnel ». « On n’est pas sur une liste d’actes, ce qui serait une vision très pauvre du métier, argumente-t-elle. On est vraiment dans une logique d’acquisition de compétences, d’après un référentiel d’activités. »

Reste que des actes, on en trouve dans le référentiel de formation annexé au décret. Et certains avaient déjà défrayé la chronique au cours des multiples rebondissements qui ont accompagné les travaux sur la réingénierie.

C’est ainsi que le module 3, intitulé « évaluation clinique d’une personne », prévoit que les futurs aides-soignants seront formés au « recueil de glycémie par captation capillaire ou par lecture instantanée transdermique ». Le module 4, intitulé « mise en œuvre des soins adaptés, évaluation et réajustement », évoque quant à lui le « montage et entretien du matériel » ainsi que la « surveillance du patient » dans le cadre d’une oxygénothérapie, ou encore « l’application de crème et de pommade ».

Inquiétude chez certains libéraux

Arlette Schuhler salue ces avancées, même si elle tient à en limiter la portée. « Ce sont des actes que nous faisons déjà, du moins dans le médico-social où il n’y a pas toujours une infirmière avec nous, souligne-t-elle. Dans un certain sens, on ne fait donc que légaliser l’existant. » Mais certains représentants du monde infirmier, à commencer par Convergence infirmière (CI), ne l’entendent pas de cette oreille.

Ce syndicat d’Idels voit en effet dans la réingénierie du métier d’aide-soignant « un pur scandale », et une menace pour le rôle propre infirmier, ainsi qu’il le dénonce dans un communiqué diffusé le jour même de la publication de l’arrêté. Menace selon lui d’autant plus grande que se prépare dans les prochains jours la publication d’un autre texte prévoyant de son côté que « l’aide-soignant […] peut réaliser, de sa propre initiative, les soins de la vie quotidienne définis par arrêté ». Voilà qui, selon CI, ouvre la voie au statut libéral pour les aides-soignants.

Mais cette perspective semble en l’état exagérée aux yeux de bien des observateurs. La Fédération nationale des infirmiers (FNI), principal syndicat d’Idels, estime ainsi sur Facebook que le communiqué de CI est « une agitation de chiffon rouge pleine d’amalgames ». Le juriste et infirmier Vincent Lautard souligne quant à lui que si le projet de décret octroie bien une plus grande autonomie aux aides-soignants, il ne change rien au fait que l’aide-soignant travaille sous la responsabilité de l’infirmier. « L’aide-soignant n’a toujours pas de rôle propre, donc pas de possibilité d’une pratique libérale autonome », explique-t-il.

Prudent, il remarque toutefois que le projet de décret fait référence à un futur arrêté devant préciser les soins réalisés de manière autonome par les aides-soignants… Le feuilleton n’est donc pas terminé.

Adrien Renaud