Les infirmières de l’Education nationale dans la rue pour plus de reconnaissance

Les infirmières de l’Education nationale sont venues de toute la France à Paris pour revendiquer une meilleure prise en compte de leurs conditions de travail. Déjà surchargées par leur rôle propre et le manque d’effectifs depuis de nombreuses années, la crise sanitaire n’a fait qu’accroître leur mal-être.

Les infirmières de l’Education nationale dans la rue pour plus de reconnaissance

© Laure Martin.

C’est place du président Edouard Herriot, à quelques mètres de l’Assemblée nationale, que les infirmières de l’Education nationale se sont retrouvées le 10 juin pour faire connaître leur colère.

En guise de symbole, un cercueil devant lequel elles étaient invitées à déposer des fleurs fanées car « sur 7500 infirmières de l’Education nationale, 5000 sont en souffrance », rapporte l’air grave, Saphia Guereschi, secrétaire générale du Syndicat national des infirmières conseillères en santé-Fédération syndicale unitaire (SNICS-SFU), alors que les IDE se succèdent devant le cercueil.

Les chiffres du syndicat parlent d’eux-mêmes : 78 % d’entres elles sont exposées à des tensions, 62 % se trouvent en situation d’anxiété, 74 % estiment leurs formations inadaptées, 66 % pensent à une reconversion, 74 % s’estiment sans moyen face à la détresse.

Rôle propre déjà lourd

La colère, c’est le premier sentiment qui ressort chez les infirmières venues battre le pavé. « Aujourd’hui, je suis épuisée, fait savoir Aïcha, infirmière de l’Education nationale depuis 12 ans à Nice, venue spécialement à Paris pour marcher en direction de son ministère de tutelle. J’ai 40 passages d’élèves par jour. Je dois les prendre en charge, m’occuper des enfants en difficultés psychologiques, de plus en plus nombreux depuis la crise sanitaire, sans compter ceux qui se blessent, les jeunes filles enceintes, d’autres victimes d’attouchement. On parle de crise sanitaire, mais il y a une crise sociale aussi. On doit remplir tous les rôles, être infirmière, psychologue et assistante sociale. »

Missions supplémentaires pendant la crise sanitaire

Et avec l’arrivée de la crise, leurs missions n’ont fait que s’accroître.

D’abord, pendant le premier confinement, « nous avons appelé régulièrement les élèves que nous suivions déjà, pour savoir comment ils se sentaient et comment ils vivaient le confinement », indique Françoise, infirmière de l’Education nationale depuis bientôt 30 ans, aujourd’hui à l’académie de Versailles.

Elles devaient aussi appeler ceux qui ne se connectaient pas à la plateforme d’enseignement à distance, pour savoir s’ils allaient bien. « Ce travail, on l’a fait depuis chez nous, avec notre propre matériel, nos ordinateurs, notre consommation internet, notre téléphone », souligne Karine, IDE de l’Education nationale dans l’Essonne.

Certaines ont également répondu présentes à des réquisitions, sur la base du volontariat, pour aller aider leur consœur dans les établissements hospitaliers ou dans les Ehpad. « Mais depuis mars 2020, nous attendons encore d’être payées », dénonce Delphine, également IDE de l’Education nationale dans l’Essonne.

De retour dans les établissements scolaires, la crise a révélé des problématiques intrafamiliales qui pouvaient jusqu’à présent passer inaperçues. « Nous essayons de prendre en charge du mieux possible les élèves en difficulté, estime Anne, venue du Havre. Mais comme ils sont en demi-jauge, nous ne les voyons pas régulièrement. »

Récemment, elle a eu à gérer auprès des élèves, le suicide de l’un d’eux. Il s’est jeté d’une falaise. Un autre a fait une tentative de suicide, et il est aujourd’hui hospitalisé.

Se sont aussi ajoutés à leur mission première les tests de dépistage, le contact-tracing, l’information aux parents avec des protocoles sanitaires en constante évolution, le suivi du corps enseignant, l’envoi des statistiques aux Agences régionales de santé.

« Nous avons été sursollicitées, sans tenir compte de nos missions premières, dénonce Saphia Guereschi. Le ministre de l’Education nationale ne peut plus se cacher derrière le Conseil de Défense pour nous acculer à des missions supplémentaires. »

Forcément, lorsqu’elles ont appris qu’elles ne percevraient pas la prime covid, la colère est montée.

« Nous aussi nous avons géré la crise sanitaire », affirme Françoise. « Nous sommes tout aussi méritantes que nos collègues hospitalières », renchérit Aïcha.

Revendications claires et précises

Aujourd’hui, la profession réclame un plan d’urgence pour l’école qui passe par du recrutement, car « il manque 23 000 infirmières de l’Education nationale, rappelle Saphia Guereschi. Ce sont les chiffres d’avant la crise, ils ne tiennent pas compte de l’augmentation des besoins liée à l’aggravation de l’état de santé des jeunes. » 

Elles revendiquent également une revalorisation salariale puisque le salaire moyen est de 1816 euros. « Aujourd’hui, à ancienneté équivalente, je touche 500 euros en moins par mois hors prime, qu’une infirmière de la fonction publique hospitalière », pointe du doigt Françoise.

« Dans le cadre du Grenelle de l’Education, on nous a proposé une revalorisation de 10 euros par mois, souligne Saphia Guereschi, amère. Nous sommes les oubliées mais aujourd’hui nous n’acceptons plus d’être les infirmières les moins bien payées de France. »

L’accès à une formation statutaire fait également partie des demandes car actuellement, elles ne peuvent bénéficier que de formations d’adaptation à l’emploi, qui ne sont pas uniformisées sur l’ensemble du territoire car dépendantes de chaque académie. Enfin, « nous plaidons pour une reconnaissance de notre spécialité, indique la présidente du SNICS-SFU. Nous travaillons face à un public spécifique, dans le cadre de notre rôle propre, avec des actes spécifiques, en pleine responsabilité, sans coordination, ni délégation. » « Sans compter que nous passons un concours supplémentaire pour exercer notre métier, celui de la fonction publique », rappelle Aïcha.

Le ministère de l’Education nationale semble les soutenir dans leur demande, mais ce n'est pas le cas du ministère de la Santé, estime Sophia Guereschi. « Il ne souhaite pas créer davantage de spécialités infirmières », affirme-t-elle.  

Laure Martin

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Réactions

1 réponse pour “Les infirmières de l’Education nationale dans la rue pour plus de reconnaissance”

  1. Adanc dit :

    Bonjour, alors moi j’ai fait mes 3 année d’étude infirmier, j’ai validé toutes mes épreuves sauf mon stage 6a de 5 semaines, parque je suis tombé dans service d’hepad ou les infirmiers sur place a qui je ne convenait pas. Ils m’ont fait un rapport pendant lequel j’ai été humilier, rabaisse, dénigre et enfin par la suite j’ai été tellement en stress que le dernier stage je n’ai pas pu gérer mes émotions pour vous dire que je n’ai pas eu mon DE. Alors j’ai bien envie de dire des méchancetés mais je ne le ferai pas…

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