Covid-19 dans le médico-social  : « cette épreuve nous aura permis de développer notre capacité d’adaptation »

Directrice des foyers Le Toulois et Emile Cibulka, établissements médicalisés et lieux de vie permanents pour personnes en situation de handicap mental situés en Meurthe et Moselle, Cécile Kaiser a géré la crise sanitaire avec pour objectif de protéger les résidents et le personnel de ces deux structures. 

© DR. Créé en décembre 2009, Le Foyer de Vie et Foyer d’Accueil Médicalisé Le Toulois accompagne des personnes en situation de handicap intellectuel. L’établissement dispense des prestations sociales, éducatives et de soins dans le respect des besoins, des capacités et des attentes des personnes. L’accueil est mixte, les personnes sont orientées par la CDAPH.

Comment avez-vous appréhendé la crise sanitaire et le confinement ?

Lorsque la crise sanitaire a été annoncée, la direction générale de l’association Adultes et Enfants Inadaptés mentaux (AEIM)(1) a mobilisé l’ensemble de ses collaborateurs pour transmettre les informations sanitaires relatives à la pandémie, et penser une organisation permettant à chaque acteur de terrain, de mettre en œuvre les actions essentielles à la protection de tous.

L’idée de la démarche : mettre en place un soutien global aux établissements, les préparer à cette pandémie, et accompagner les structures dont la configuration architecturale le permettait, afin de déterminer des zones dédiées à l’isolement et aux soins des résidents potentiellement malades du COVID.

Me concernant, j’ai pu déterminer un espace de cinq studios pour le foyer Emile Cibulka, spécialisé dans l’accompagnement de personnes handicapées et vieillissantes.

Comment vous êtes-vous organisés au sein des deux foyers ?

Le 12 mars j’ai décidé de « fermer » mes établissements et de mettre en place les mesures barrières de base : gestion des circulations, suivi des températures, registre des entrants, désinfection des mains, report des consultations dites non essentielles selon les préconisations des médecins coordonnateurs de chaque structure, annulation des sorties et actions collectives. 

Dès le 13 mars, nous avons contacté les familles des résidents du foyer Le Toulois (dont la moyenne d’âge est de 36 ans), pour envisager un retour de leur enfant. Huit familles ont répondu positivement, il est alors resté seize résidents dans cette structure.

Concernant le foyer Emile Cibulka, les 40 résidents étant plus âgés (moyenne d’âge à 66 ans), le principe du retour en famille est impossible. Le virus est malheureusement entré au sein de ce foyer, dont la population, du fait de l’âge, du handicap et des pathologies, est la plus fragile. J’avais l’impression qu’une « bombe virale » était en train de nous tomber dessus. Cette maladie a emporté quatre d’entre eux. 

Avez-vous bénéficié du matériel nécessaire pour vous protéger ?

Au niveau médiatique, le port du masque était en question pour ne pas dire en polémique.

Les ruptures de stocks au niveau national sur cette protection, ainsi que pour les surblouses, les gants, les produits de désinfection auraient pu nous mettre en réelles difficultés.

Ne pas protéger le personnel revenait à ne pas protéger nos résidents. Connaissant le haut risque pour les plus fragiles, l’AEIM, ainsi que chacune des forces vives internes se sont mobilisées pour trouver du matériel en conséquence, pour pallier les manques éventuels.

Je ne partageais pas mon angoisse de manquer de matériel de protection avec mes collaborateurs mais elle était réelle et quotidienne. Sans cette haute protection pour chacun de nous, la « bombe virale » eût été probablement plus agressive encore.

Qu’en est-il du renfort en termes de personnel ?

Il a fallu penser de manière impérative un renfort en personnel pour le foyer Emile Cibulka. Cet établissement touché par le Covid est à la base en difficulté pour assurer la permanence des soins avec seulement 1.5 équivalent temps plein d’infirmière.

Les écoles spécialisées de l’association étant fermées durant la crise sanitaire, nous avons pu mettre en œuvre un système de mise à disposition de personnel éducatif et soignant venu en soutien pour assumer cette tâche d’une intensité sans nom.

Comment la situation a-t-elle été vécue par vos équipes ?

Nous avons tous ressenti le besoin d’être en soutien les uns aux autres. Nous avons vécu la crise comme une situation hors du temps. Nous ne nous sommes pas posés de questions sur ce que nous avons vécu.

Nous avons simplement retenu que nous devions le vivre. C’est un sentiment étrange mélangé d’espoir et de moments d’inquiétudes, de tristesse.

Cette épreuve nous aura permis de développer nos compétences et notre capacité d’adaptation au-delà de ce que nous aurions pu l’imaginer avant cette crise.

Avez-vous mis en place un soutien psychologique pour les résidents et le personnel ?

Une cellule de soutien psychologique composée de deux psychologues a été créée et a démontré sa nécessité d’intervention.

Eloignement, confinement, rupture des liens directs, inquiétude de voir un résident ou un proche-aidant familial tomber malade, sont autant de points abordés et pour lesquels un soutien est indispensable.  La cellule de soutien psychologique a travaillé en harmonie avec les directions pour une meilleure communication entre les familles, les équipes et les résidents.

Aujourd’hui, post-confinement, quelles sont les problématiques que vous avez à gérer ?

Le foyer Le Toulois, épargné, reprend progressivement une activité et une vie « normale ». En revanche, nous ne sommes pas totalement déconfinés au foyer Emile Cibulka. Les résidents touchés par le Covid ont gardé des séquelles qui ont impacté gravement leur santé. Nombre de résidents se sont affaiblis en conséquence à cette période de confinement bien que le suivi médical fût intense. 

La période post-covid  est complexe à gérer alors que la situation sanitaire n’est pas encore clémente sur le territoire.

Les renforts en personnel sont terminés. Sans le rééquipement impératif de notre plateau technique par un minima de trois postes infirmiers, je crains que nos appels au Samu ne deviennent encore plus fréquents. Pouvoir assurer une permanence du soin, c’est éviter autant que possible les allers-retours aux urgences, en courant le risque d’être contaminé par ce virus persistant et délétère lorsqu’il s’attaque aux plus fragiles.

Propos recueillis par Laure Martin

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(1) Les deux structures font partie de l’association Adultes et Enfants Inadaptés mentaux (AEIM) de Meurthe-et-Moselle, membre de l’Union Nationale des Associations de Parents, de Personnes Handicapées Mentales et de leurs Amis, anciennement Union Nationale des Associations de Parents d’Enfants Inadaptés, (Unapei).

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