Assistants médicaux : des missions encore très floues qui pourraient entraîner des dérives

Le 14 août 2019, un arrêté a approuvé « l’avenant n°7 à la convention nationale, organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie ». Cet avenant donne, entre autres, des indications sur les missions des futurs assistants médicaux ainsi que sur leur profil et leur formation. ActuSoins a demandé à son juriste de l'analyser. Voici son retour. 

Assistants médicaux : des missions encore très floues qui pourraient entraîner des dérivesPar Vincent Lautard, infirmier et juriste en droit de la santé.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces articles sont loin d’être clairs juridiquement.

De larges missions laissées à l’appréciation du médecin ?

L’article 9-1 dispose que les missions confiées à l’assistant médical peuvent relever de trois domaines d’intervention :

  • Des tâches de nature administrative
  • Des missions en lien avec la préparation et le déroulement de la consultation (prise de constantes, préparation et aide à la réalisation d’actes techniques …)
  • Des missions d’organisation et de coordination

Mais l’article rajoute en suivant : « Ces grandes thématiques d’intervention ne constituent cependant pas un périmètre limitatif ; elles dessinent un éventail de possibilités en termes de contenu de fonction. Les missions que les médecins confient à l’assistant médical sont laissées à leur appréciation en fonction de leurs besoins et de leurs modes d’organisation, et selon le profil soignant et / ou administratif des personnes recrutées dans le cadre du référentiel métier. »

Voilà une tournure de phrase qui peut vraiment interroger car elle est pleine de contradictions. Le médecin pourrait donc à sa guise attribuer des missions à l’assistant médical sur un périmètre qui n’est pas limité aux trois domaines cités ci-dessus ? En fait, pas vraiment car il devra respecter le profil de compétences de la personne recrutée en lien avec le référentiel métier de l’assistant médical (qui n’est pas encore connu à ce jour).

On apprend plus loin dans l’article 9-2 sur « les profils et formation de l’assistant médical » que l’assistant médical devra être titulaire d’un certificat de qualification professionnelle (CQP).

Il est stipulé que le contenu et la durée de la formation pour obtenir ce certificat intégrant une éventuelle VAE (Validation des Acquis de l’Expérience), seront déterminés dans le cadre de la convention collective des personnels des cabinets libéraux.  Les médecins pourront recruter des personnes qui n’ont pas ce certificat mais qui devront l’obtenir dans les 3 ans maximum suivant leur recrutement en rentrant dans un cursus de formation.

Mais aujourd’hui, il n’y a pour l’instant aucun référentiel métier qui définit clairement les missions de l’assistant médical. Donc en septembre, des médecins (éligibles à l’aide à l’embauche d’un assistant médical) pourraient recruter un assistant médical sans formation et alors qu’aucun référentiel métier n’existe, on sera alors dans un grand flou artistique car l’assistant médical ne pourrait pas se former à un certificat qui n’existe pas encore.

Et quelles seront les missions attribuées à cet assistant médical ? Sans référentiel métier et sans formation, pour l’instant, le médecin devra donc respecter le « profil » de la personne recrutée. Si la personne recrutée a un profil administratif, il sera donc impossible de lui attribuer des missions telles que la « prise de constantes » ou la « préparation et aide à la réalisation d’actes techniques » qui sont du rôle d’un soignant.

L’assistant médical, un métier à part entière, différent d’une secrétaire médicale ou d’un infirmier ?

Dans l’article 9-1 sur les missions de l’assistant médical, on peut lire : « Afin que le déploiement de cette nouvelle catégorie de personnel dans les cabinets médicaux prenne tout son sens et produise les effets attendus, les fonctions exercées par l’assistant médical, qui sont des missions propres, doivent se distinguer de celles relevant des autres catégories de métiers. A titre d’exemple, si les missions d’un assistant médical peuvent inclure une dimension administrative, elles ne sauraient se limiter à une fonction correspondant à des fonctions de secrétariat médical. De même, s’il est possible qu’un infirmier se voit confier la fonction d’assistant médical et, à ce titre, puisse réaliser un acte relevant de son champ de compétences, cela ne peut s’envisager que ponctuellement et dans le cadre d’une consultation médicale, sans qu’il s’agisse de développer ainsi une activité courante de soin infirmier qui relèverait d’un exercice professionnel propre. »

Donc on comprend bien que l’assistant médical aura des compétences propres. Cependant il est bien stipulé qu’un assistant médical ayant un diplôme d’infirmier pourra réaliser des actes infirmiers « ponctuellement et dans le cadre d’une consultation médicale » sans qu’il puisse développer une activité qui correspond aux infirmiers libéraux.

Mais là aussi cela reste ambigu : ou est le curseur, ou est la limite ? Le terme « ponctuellement » ne veut pas dire grand-chose, d’autant qu’une grande partie du travail de certains médecins libéraux reste « la consultation médicale ». Sans cadre précis, le « ponctuellement » pourra vite se transformer en « quotidiennement ».

Il est donc essentiel que le référentiel métier des assistants médicaux soit publié rapidement pour permettre de sécuriser juridiquement ce métier et éviter les dérives qui pourraient être délétères pour le patient. De plus la place des soignants (aide-soignant, infirmier) dans ce nouveau métier devra être mieux explicité et mieux encadré.

 Vincent Lautard

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