Infirmiers libéraux : pourquoi y a-t-il des négociations conventionnelles plutôt que rien ?

Trois négociations conventionnelles sont actuellement en cours entre les syndicats de différentes professions de santé libérales (dont les infirmiers libéraux) et l’Assurance maladie. Ces discussions focalisent l’attention des professionnels, car elles déterminent une bonne part de leurs conditions d’exercice. Une bonne occasion de revenir sur leur histoire.

Infirmiers libéraux : pourquoi y a-t-il des négociations conventionnelles plutôt que rien ?

Périodiquement, les représentants des professions de santé libérales s’enferment pendant de longues séries de réunions avec le directeur de l’Assurance maladie pour renégocier la convention qui les lie à la Sécu. Le dernier cycle s’est achevé pour les médecins en août 2016, pour les kinés en novembre 2017, et pour les dentistes en juin 2018.

Le calendrier conventionnel est d’ailleurs en ce moment particulièrement chargé : Nicolas Revel, le patron de l’Assurance maladie, mène actuellement de front des négociations à rebondissements avec les Infirmiers libéraux, des négociations sur les assistants médicaux avec les médecins, et des négociations impliquant 48 syndicats et 16 professions à propos des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Souvent difficiles à comprendre, toujours techniques, les négociations conventionnelles sont toutefois des moments importants de la vie d’une profession : dans un secteur de la santé où la Sécurité sociale se trouve au centre du jeu, nul (ou presque) ne peut se passer d’une convention avec l’Assurance maladie. Les patients des professionnels de santé non conventionnés ne sont en effet pas remboursés. Voilà qui constitue une sérieuse incitation à rester dans le cadre conventionnel !

Il n’en a cependant pas toujours été ainsi, comme le rappelle Patrick Hassenteufel, professeur de sciences politiques à l’université de Versailles-Saint-Quentin. « A la création de la Sécurité sociale, les conventions médicales étaient départementales », explique ce spécialiste des relations entre les médecins et l’Assurance maladie. « Ainsi, au début des années 1950, seulement la moitié des départements avaient une convention. »

Une situation que le chercheur explique notamment par « la forte opposition que nourrissaient certains médecins envers l’Assurance maladie. » Il faut dire que celle-ci entrait en contradiction avec un principe alors fondamental pour la médecine libérale : la libre entente entre le patient et le praticien concernant le montant des honoraires.

Extension du domaine de la convention

Rapidement, cependant, les médecins ont réalisé que l’Assurance maladie leur apportait une patientèle solvable, raconte Patrick Hassenteufel : les conventions départementales se sont donc généralisées et la première convention nationale a été signée en 1971. D’autres professions ont suivi : en 1972, par exemple, ce sont les infirmiers libéraux qui ont signé leur convention.

Des textes qui ont progressivement revêtu une importance de plus en plus grande pour les professionnels. « Les premières conventions étaient centrées sur la question des tarifs », explique l’universitaire. « Peu à peu, elles ont intégré d’autres éléments liés à l’organisation des soins, et elles sont aujourd’hui un outil de régulation de l’ensemble du secteur ambulatoire. »

Une évolution parfaitement retracée par Nadine Hesnard, ancienne présidente de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), qui suit le sujet depuis 1975. « J’ai connu des négociations tranquilles. Les tarifs des actes étaient augmentés tous les ans de 30 centimes en mars et de 20 centimes en septembre. Les revalorisations étaient systématiquement accordées »,  racontait-elle en juin 2017 dans Avenir et Santé, le magazine de FNI. « Puis, j’ai vu arriver les véritables négociations difficiles à partir de 1986, négociations corrélées avec l’explosion de la démographie infirmière. »

La militante explique qu’en plus de se durcir, les discussions se sont mises à toucher des sujets aussi variés que la réforme des retraites ou les soins aux personnes handicapées. Et pour se convaincre aujourd’hui de l’étendue du domaine conventionnel, il suffit de regarder la variété des thèmes balayés par les négociations en cours entre les syndicats d’infirmiers libéraux et l’Assurance maladie : démographie de la profession, création de nouveaux actes, télémédecine… Il y en a pour tous les goûts !

Progressivement, des règles du jeu se sont mises en place pour ces négociations : les syndicats hégémoniques (Confédération des syndicats médicaux français pour les médecins, FNI pour les infirmiers libéraux) ont dû accepter la concurrence de nouvelles confédérations, et les places autour de la table des discussions ont été attribuées par le ministère de la Santé au terme des fameuses « enquêtes de représentativité ».

Quand les syndicats et l’Assurance maladie n’arrivaient pas à se mettre d’accord, l’habitude a été prise de s’en remettre à un arbitre extérieur. Mais en dépit de ces évolutions, il est une règle qui est restée immuable : l’enveloppe que l’Assurance maladie destine aux professionnels est toujours trop restreinte à leurs yeux !

Adrien Renaud

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