Infirmiers en milieu psychiatrique : une formation à revoir ?

Faut-il réformer la formation des infirmiers en milieu psychiatrique ? C’est l’une des suggestions du Conseil national de l’Ordre des infirmiers (CNOI) dans un avis rendu public le 31 mars. Le point sur la situation.

Le CNOI souhaite « une refonte de l’exercice infirmier en psychiatrie et en santé mentale ». Un remaniement qui passerait notamment par l’élaboration d’un « nouveau référentiel de compétences et de formation de l’infirmier spécialisé en psychiatrie ». Selon le CNOI, les infirmiers devraient acquérir « des compétences professionnelles, cliniques spécialisées et des connaissances scientifiques actualisées dans les domaines de la santé publique, de la pratique interprofessionnelle, de l’intégration des soins et des services ». Aussi propose-t-il la mise en place de deux années de spécialisation, après les trois années d’études communes en IFSI ; le master 1 serait consacré à une spécialisation clinique et le master 2 aux pratiques avancées. Une proposition bien accueillie par la Coordination nationale infirmière (CNI) : « La spécialisation est une demande ancienne de la CNI, explique Christine Abad, cadre supérieur de santé et vice-présidente du CNI au centre hospitalier de Montperrin à Aix-en-Provence. Car avec le décret de 1992, la spécificité de l’apprentissage des infirmiers psychiatriques a été généralisée. »

Un peu d’histoire

Depuis le décret de 1992, le programme d’études en soins infirmiers incorpore les connaissances en psychiatrie. En 2004, le drame de Pau1 a permis de pointer les carences en matière de gestion de la politique de santé mentale et, à la suite de cet événement, le ministre de la Santé de l’époque, Philippe Douste-Blazy, a décidé de l’élaboration du plan santé mentale 2005-2008. Ce plan a « institué une consolidation des savoirs avec un tutorat pour les infirmiers travaillant dans le secteur psychiatrique », se rappelle Danielle Hengen infirmière en psychiatrie depuis 30 ans et cadre de santé dans un centre hospitalier dans les Bouches-du-Rhône. Toutefois, les subventions n’ont pas été renouvelées en 2009 ; la formation continue des infirmiers en milieu psychiatrique relève désormais essentiellement d’une politique d’établissement.

Une formation incomplète

Une spécialisation est-elle pour autant nécessaire ? Pour Christine Abad, elle est « indispensable, car les étudiants manquent d’une formation complète permettant de répondre à la diversification des soins offerts en psychiatrie ». Idem pour Dominique Giffard, infirmier en milieu psychiatrique. « Proposer une spécialisation est un très grand progrès car c’est reconnaître que la formation n’est pas adéquate et qu’elle ne permet pas aux étudiants d’appréhender les différentes facettes de la psychiatrie ». Formé avant 1992, il estime que les élèves manquent aujourd’hui d’une formation notamment en histoire de la psychiatrie, en psychiatrie comportementale ou en psychiatrie psychanalytique.

Si le manque de formation des infirmiers en milieu psychiatrique semble être admis, la voie de la spécialisation ne fait pas consensus. Un infirmier en milieu psychiatrique depuis 10 ans à Perpignan estime que ce n’est pas la solution car les carences peuvent être comblées par la formation continue. « Les compétences en psychiatrie sont des compétences humaines, cela s’apprend sur le terrain. Aujourd’hui, l’exercice des infirmiers est tellement vaste qu’on ne peut pas d’emblée être efficace à la sortie du diplôme. » De plus, la spécialisation peut avoir un effet pervers. « Si les étudiants en Ifsi potentiellement intéressés par le travail en psychiatrie se voient contraints de valider des années d’études supplémentaires, ils ne le feront pas. Or, il n’y a déjà pas beaucoup de candidats pour ce secteur. »

Les priorités

Avant de mettre en place une spécialisation, il faut d’abord « définir les compétences que l’on veut en psychiatrie pour demain », explique Marie-Dominique Girard, cadre supérieur dans un centre hospitalier psychiatrique à Aix-en-Provence, avant d’ajouter : « Il faut définir le référentiel métier et ensuite déterminer le type de formation qui va correspondre. » Et si une spécialisation est accordée, les revendications salariales vont certainement suivre. Ce dossier n’en est qu’à ses balbutiements et pour le moment, les priorités du Gouvernement semblent plutôt se concentrer sur la réforme LMD et la reconnaissance des compétences des infirmiers.

Laure Martin

Pour aller plus loin

Les propositions complètes du Conseil national de l’Ordre des infirmiers

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Réactions

8 réponses pour “Infirmiers en milieu psychiatrique : une formation à revoir ?”

  1. sylvie dit :

    pendant mes 18 mis de formation pour l’obtention du diplome d’état en soins généraux,je ne suis pas rémunérée!!!!!’
    je suis infirmière de secteur psychiatrique de 1985!!!

    et pour me payer ma spécialisation en tant qu’ide en soins généraux,je fais des missions d’intérim!!!
    je travaille mes cours seule ou sur forum pour « assurer »mes divers stages(médecine,chir,urgences,ehpad,réa,soins intensifs….)
    je peux vous assurer que c’est pire que mes 3 années d’études en tant qu’infirmier de secteur psychiatrique (j’ai « tout » a revoir!!!)
    les lieux de stages ou je suis affectée ont quelques difficultés a comprendre ce que je fais et je ne suis pas particulièrement bien vue!!!une isp qui veut devenir ide!!!
    ce sont hélas les diverses réformes de 1992 et 1994 qui font que je serais ide au bout de 5 années d’études!!!3 années de psy et 18 mois de DE pour enfin devenir UNE INFIRMIERE.

    et comme je veux devenir infirmière puéricultrice,(si d’ici la une nouvelle réforme n’est pas rajoutée!)je deviendrais enfin INFIRMIERE PURICULTRICE.ouf!!!
    bientot,je pourrais me reposer si mes stages ne m’auront pas épuisée avant!!!lol

  2. sylvie dit :

    je suis infirmière de secteur psychiatrique depuis 1985 et j’ai donc fait 3 années d’études .
    et pour avoir l’obtention du diplome d’état en soins généraux,la direction régionale jeunesse sport et cohésion sociale(anciennement drass)m’ordonne de refaire 18 mois de stages en soins généraux,ce que je fais actuellement.
    A chacun ,sa spécificité,ses compétences et je m’y soumets.

  3. tantine dit :

    J’ai subi cet acte violent qu’est l’internement psychiatrique H.O. sur des écrits mensonges d’un O.P.J. et une femme S.O.S. médecin.
    Après 144 h d’attente, 14 juillet oblige! j’ai vu un  » assistant » psy et que lui! pas de véritable entretien, il allait  » me soigner » !!!
    Pour éviter que des actres criminels tels que ceux que j’ai subi ce 10 juillet 2002, ne continuent de perduer, il faut UN DEBAT CONTRADICTOIRE, entre les accusateurs et l’accusé, qui dans 80 % des cas est INNOCENT des accusations portées contre lui.
    Mais si ça se fait un jour, moins d’infirmières, moins de psys, moins d’emplois, alors il vaut mieux fermer les yeux et continuer de mettre des innocent dans ces camps de concentrations que sont les hôpitaux psychiatriques.
    Cette loi du 6 juillet 2011 répressive, contraire aux Droits de l »Homme et du Citoyen, ainsi que de la chartre du patient qui dit :  » le patient à le droit de refuser les soins » !! il y a bien viol de la constitution des Droits de l »Homme.
    Qui sera courageux pour remettre de l’ordre dans cette taupinière de psys et de labos ??
    Pour la première fois de ma vie d’électrice, je pense à ne plus y aller, ils veulent tous la place, moi la prévention de la santé des Français.
    Mme Guillard France.
    Tel: 02 49 52 21 20 et 06 77 98 81 37
    e-mail:  » franceguillard@sfr.fr« 

  4. melodrey dit :

    formé a la psychiatrie a l’epoque ou la formation existait encore j’ai appris mon metier ensuite ,dans une équipe de pro tous psy .aujourd’hui une formation basique de 3mois sur 3 ans par des « moniteurs » qui ne sont jamais entres dans un HP qui se retouvent ensuite encadres par d’autres infirmiers qui n’en savent souvent pas plus qu’eux . la dessus un manque de psychiatre aussi rares que le bon vin
    maintenant lorsque j’encadre un etudiant ,un futur collegue en fin de 3eme annee je suis tres content de moi si a la fin de son stage il est capable de reconnaitre la symtomatologie d’ une psychose et celle d’une nevrose

    • tantine dit :

      Ce qui est important en psychiatrie est qu’il ne faudrait pas que certains psys continuent de se tromper dans leur verdict, je sais de quoi je parle, j’ai subi le 10/07/2002, vous pouvez lire mon témoignage sur 2 sites:  » cnvp84  » Mme Guillard France, et  » mensongepsys.
      La psychiatrie Science subjective, spécialité criminelle puisque trop de gens de tous âges y laissent leur vie, pourquoi ? les dosage abusifs ( 5 à 20 fois/jour), le VIDAL ouvrage de référence et le SERMENT D’HIPOCRATE qui n’est plus lu? font que tout part à la dérive, l’appât du gain facile pour psys et labos, les abus de tous genres sont faits contre des gens INNOCENTS.
      La prise de ZYPREXA avec RIVOTRIL ( je l’ai eu !!) TUENT les gens !!! paralysie des membres inférieurs et supérieurs! prise de 25 kg en 3 mois! j’ai eu !
      l’article 4124-2 ! une protection pour eux, ils ne sont plus justiciable !!! et celle tout répréssif du 6 juillet 2011 qui va provoquer encore plus de dérives.
      Si un débat contradictoire était mis en place lorsqu’il y a des accusations graves contre une personne, que d’erreurs de jugement psys en moins.
      Si vous désirez en débattre:
      Tel: 20 49 52 21 20 et 06 77 98 81 37 , e-mail:  » franceguillard@sfr.fr » merci.

  5. @pleo dit :

    Il suffit juste d’observer où en est arrivé la psychiatrie aujourd’hui pour comprendre qu’une spécialisation est nécessaire.
    Les compétences en relation humaine sont beaucoup plus difficiles à acquérir que l’apprentissage d’un soin technique.
    Bonne fin de journée.

  6. IADE 78 dit :

    le ministère s’apercoit de son erreur aprés un peu plus de 15 ans…. les IDE Psy ont disparu en 92/93, sauf erreur, et aujourd’hui, on se demande si il ne faut pas remettre en place une formation spécifique…. on marche comme d’habitude sur la téte… en même temps c’est peu être un espoir pour les IADE…. dont la profession est morte le 1 juin, après l’adoption du protocole Bachelot par le sénat….
    courage en attendant 2025….

  7. julienp dit :

    Le dispositif de tutorat et la généralisation de la formation intitulée « consolidation des savoirs infirmiers spécifiques en psychiatrie » prévus par le P.P.S.M. (plan psychiatrie et santé mentale) 2005-2008 ne furent un progrès que partiel.
    Le P.P.S.M. prévoyait aussi un renforcement de la sécurité et c’est cet axe qui a été développé en premier lieu par les établissements. Des investissements lourds ont été réalisé pour s’équiper d’alarmes et de vidéo surveillance, mais nous sommes forcés de constater que le développement des compétences a été moins visibles sur le terrain. Une caméra ou un P.T.I. (poste travailleur isolé = boitier portatif d’alarme anti-agression) ne remplace pourtant pas la compétence d’un infirmier qui saura démêler les situations les plus complexes telles qu’on les connaît en psychiatrie.
    Le projet de tutorat et la généralisation de la formation intitulée « consolidation des savoirs infirmiers spécifiques en psychiatrie » n’a pas vu le jour dans certains établissements qui ne sont pas parvenus à franchir les nombreux obstacles. Notamment des hôpitaux généraux, alors même qu’ils sont les plus confrontés aux difficultés de recrutement, de fidélisation, et de gestion des compétences en psychiatrie, n’ont pas toujours mis en place ce dispositif pourtant obligatoire :
    Qui dit tuteur, dit expérience et compétence. Comment transmettre ce que l’on ne maitrise déjà pas soi même ?
    Tout particulièrement en Ile de France avec une démographie de la profession infirmière très défavorable, un rajeunissement de la population infirmière et un turn-over important le recrutement des tuteurs a parfois été un problème. C’est pourtant dans ces services composés d’infirmières novices que l’on est le plus confronté à une rupture dans la transmission des savoirs en psychiatrie. Ce dispositif était arrivé trop tard. Sur un plan technique, il aurait été très compliqué d’importer des compétences en faisant intervenir des professionnels expérimentés venant d’autres établissements pour assurer la fonction de tuteur. Le manque de valorisation de cette fonction de tuteur a pu aussi être un obstacle.
    L’absence de volonté ou la méconnaissance du dispositif de la part de la hiérarchie est un triste reflet de la situation. En me rendant en 2007 dans plusieurs établissements j’ai pu constater que parfois, les cadres de santé ne semblaient pas connaître le dispositif prévu par le P.P.S.M.. Dans ces mêmes services de psychiatrie, j’ai eu l’impression que la politique de développement des compétences était en panne. Les rares infirmiers les plus expérimentés ne s’estimaient pas plus compétents que les novices alors que c’était le cas dans d’autres établissements.
    Autre écueil constaté dans ce dispositif ; le tutorat et la consolidation des savoirs spécifiques en psychiatrie étaient initialement prévu pour tout infirmier nouvellement affecté en psychiatrie, mais j’ai constaté que dans les faits, les infirmiers de diplôme ancien, pouvaient être exclus du dispositif même si ils étaient nouvellement affectés en psychiatrie.
    Définir les compétences infirmières en psychiatrie est un exercice extrêmement compliqué. Cela nécessite en effet de s’interroger sur « quel est mon travail, que dois je savoir faire ? ». Dans les services les plus en proie à la rupture de transmission des savoirs spécifiques, là où les infirmiers disent qu’il y a une absence de culture psychiatrique, souvent à l’hôpital général, les équipes n’ont pas toujours pu franchir l’obstacle de la définition des compétences à acquérir et n’ont donc pas toujours pu mettre en place un programme de formation continue adapté d’autant que la psychiatrie reste toujours scindée par les différents courants qui la compose.
    L’idée selon laquelle la spécialisation serait un frein au recrutement en psychiatrie n’est pas logique. Les infirmiers anesthésistes spécialisés exercent souvent dans des secteurs où ils côtoient des infirmiers non spécialisés, et il en est de même pour les infirmières puéricultrices.
    Certes la spécialisation soulève bon nombre de questions (contenu, salaires…), mais je m’interroge aussi sur l’accès à la promotion professionnelle. Combien d’IDE parviendrons à faire financer leur spécialisation en psychiatrie par leur employeur ?

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