Mathilde Basset : infirmière et lanceuse d’alerte, elle publie un livre sur la situation dans les Ehpad.

Fin 2017, elle exprimait sa grande détresse sur les réseaux sociaux dans une lettre ouverte à Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Infirmière en Ehpad, elle ne pouvait plus travailler dans les conditions qu’on lui imposait. Elle s’inquiétait aussi et surtout pour ses résidents, privés de soins et de dignité. Son message est devenu viral et a même ouvert le débat sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes en France.

Aujourd’hui, Mathilde Basset publie un livre et revient, pour ActuSoins, sur son histoire.

Mathilde Basset : infirmière et lanceuse d’alerte, elle publie un livre sur la situation dans les Ehpad

Mathilde Basset, infirmière © Vincent Magrini

« Ce n’est pas mon métier ça, Madame la ministre ! ». Le 27 décembre 2017, Mathilde Basset, rentre chez elle épuisée, démoralisée. Elle rédige une lettre, qui devient rapidement virale sur les réseaux sociaux. « Ce matin, j’ai craqué. Comme les 20 jours précédents. Je m’arrache les cheveux, au propre comme au figuré []Je suis stressée donc stressante et à mon sens, maltraitante. Je ne souhaite à personne d’être brusqué comme on brusque les résidents. Disponible pour personne, dans l’incapacité de créer le moindre relationnel avec les familles et les usagers, ce qui, vous en conviendrez, est assez paradoxal pour un soi-disant lieu de vie. Je bacle. Je bacle et agis comme un robot en omettant volontairement les transmissions de mes collègues que je considère comme les moins prioritaires pour aller à l’essentiel auprès des 99 vies dont j’ai la responsabilité […] Venez voir, rien qu’une fois. Moi je rends mon uniforme, dégoutée, attristée», explique-t-elle dans cette lettre.

Son exercice auprès des personnes âgées, Mathilde Basset l’avait pourtant choisi. « Pendant mes études, j’avais fait un stage en Ehpad en Bretagne, et cela m’avait vraiment plu. Les soignants avaient décidé de mettre les résidents au cœur du soin et de leur organisation en respectant leurs habitudes. Ils avaient les moyens humains pour le faire. A la sortie du D.E, je souhaitais m’orienter vers un poste semblable, où je pourrais accompagner et suivre des personnes au long-cours. J’apprécie la gériatrie pour cela. Il y a des parcours de vie, des gens qui se racontent. C’est touchant. C’est donc très naturellement que j’ai postulé dans ce même EHPAD. Tout s’est bien passé. Puis je suis partie pour aller travailler dans le centre France», confie-t-elle, un an après la publication de sa lettre.

C’est à ce moment que la situation se corse. « Dans un premier Ehpad, j’ai rencontré mes premières difficultés car la cadre était en arrêt maladie et il fallait la remplacer, sans aucune formation ni pré-requis, au pied-levé. Mais ça allait encore. C’est en Ardèche, dans un troisième Ehpad donc, que j’ai baissé les bras. J’étais seule infirmière pour 99 résidents. Je n’avais pas le temps de m’investir dument dans les soins et ni aucune disponibilité pour investir le champ du relationnel et du contact social non plus, pourtant essentiel dans un lieu de vie », raconte-t-elle.

 Dans ces conditions peu propices, les tensions s’accumulent. Le personnel est agacé. Il commet des erreurs d’appréciation et de jugement. « Je n’avais même pas le temps de communiquer correctement avec les aides-soignantes », regrette Mathilde. « Un jour, je me suis trompée et j’ai inversé deux résidentes, lors de la distribution d’un traitement. Heureusement, l’une des deux s’en est rendu compte ! ».

Alerter ceux qui se sentent concernés par le veillissement

Plus d’une année s’est écoulée. Mathilde Basset, apaisée après l’écriture de son livre, a finalement repris le travail. En psychiatrie extra-hospitalière cette fois.  Avec sa lettre, elle est consciente d’avoir été à l’origine d’un mouvement de réflexion sur la prise en charge des aînés en France. « J’aimerais maintenant que mon livre serve de support pour continuer d’alerter ceux qui se sentent concernés de près ou de loin par le vieillissement ».

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Elle réclame aussi l’action. « Il faut mener une lutte commune. Plus on sera nombreux, plus on pourra donner du sens et du poids pour demander aux pouvoirs publics d’agir ».

Pour elle, les annonces récentes de la ministre sur les Ehpad, représentent « un bon début dans la prise de conscience », mais « sont largement insuffisantes ». « Il faut aller plus vite. Ce n’est pas des primes pour les Aides-soignantes qui résoudront le problème. Il faut revaloriser les professions, augmenter les salaires de tous les paramédicaux. Il faut aussi, et ça ne semble pas démesuré comme demande, établir un ratio de un infirmier pour 40 résidents. C’est ainsi qu’on pourra axer les soins sur les résidents et respecter leurs rythmes. Et ré-humaniser les prises en charge ».

M.S

J’ai rendu mon uniforme, la vraie vie des Ehpad,

 Soignants en burn-out, seniors en souffrance

de Mathilde Basset

Éditions du Rocher

 

 

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