Développement durable : quand les soignants s’impliquent

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Tri des déchets, recyclage, utilisation de produits non toxiques… Les infirmiers représentent une véritable force de proposition en termes d’amélioration des pratiques « durables » dans les établissements de santé. Même s’ils ne sont pas toujours écoutés... il y a du progrès !

©DR Dans le groupe d'Ehpad E4, à Montpellier, les chariots de soin sont dotés de trois poubelles de tri.

©DR Dans le groupe d'Ehpad E4,
à Montpellier, les chariots
de soin sont dotés de
trois poubelles de tri.

« Lorsque j’ai évoqué ce qui me semblait être un gros problème de déchets dans notre service, ma cadre m’a simplement répondu que ce n’était pas une priorité et que de toute façon, faire autrement coûterait trop cher à l’établissement ».

Christelle est infirmière depuis deux ans. Très vite, et déjà pendant ses stages, elle a été confrontée à ce qu’elle appelle des « incohérences » dans le milieu hospitalier.

« Le matériel jeté, les repas jetés, les contenants en verre jetés dans les déchets de soins, les filières de tri basiques inexistantes, le circuit de stérilisation non utilisé parce que soit disant trop compliqué… A chaque fois que j’osais parler de tout cela, on me rétorquait, presque en riant, que ce n’était pas à l’ordre du jour », explique la jeune femme, interloquée. Pourtant, s’il y a bien une institution qui doit prendre en compte ces paramètres, c’est l’hôpital .  Du coup, je n’en parle plus, mais je m’y intéresse. Peut-être qu’un jour, j’arriverai à faire changer les mentalités ».

Changer les mentalités ? Depuis une dizaine d’années, une grande partie des établissements de santé s’impliquent dans des démarches de développement durable.

« La prise de conscience des enjeux par les directions a évolué depuis 2009. Elles sont beaucoup plus à l’écoute. Maintenant, c’est l’heure de la mise en place des actions », explique Olivier Toma, président du C2DS (Comité pour le développement durable en santé)*. Avoir des directions à l’écoute : voilà ce qui pourrait changer la donne côté soignant.

« Pour le personnel soignant, il est tout à fait implicite qu’avant de soigner, il ne faut pas nuire. Avant, quand un soignant voulait lancer un travail spécifique sur ces sujets, c’était compliqué, car il avait pour mission d’expliquer les enjeux à son supérieur hiérarchique. Maintenant, comme les enjeux sont connus, les demandes sont mieux reçues », ajoute Olivier Toma.

Le soignant a un rôle majeur

Pour le président du C2DS, les soignants ont un rôle majeur dans la mise en lumière des incohérences : « les infirmiers font remonter des dysfonctionnements, qu’ils sont seuls à voir finalement. Par exemple, c’est eux qui connaissent le nombre de consommables nécessaires pour effectuer un soin. S’ils n’ont besoin que d’une pince, ils peuvent dire que les sets de trois pinces ne servent à rien et que systématiquement, ils en jettent deux. Si les flacons de savon liquide utilisés en pré-opératoire contiennent 125 ml alors qu’ils sont à usage unique et que les patients n’utilisent en général pas plus de 35 ml, les soignants sont les premiers à constater le gaspillage. Ce sont de véritables acteurs et leur témoignage peut influer sur les fabricants ».

Grâce à des initiatives soignantes, plusieurs actions ont été mises en place. C’est le cas dans le groupe E4, un groupe d’EHPAD à Montpellier. Alors que la direction montrait sa volonté de s’impliquer davantage dans le développement durable, des soignants ont fait des propositions, qui ont été retenues. Depuis, les espaces verts sont arrosés grâce à des récupérateurs d’eau de pluie, le chariot de soins s’est doté de trois poubelles de tri sélectif, la désinfection des sols et des surfaces se fait par électrolyse, sans produit chimique… Tous les trimestres, dans ces EHPAD, un comité de développement durable composé par le personnel se réunit pour parler des nouvelles actions à mettre en place et faire le point sur ce qui est en cours.

C’est le cas aussi à l’hôpital Nord Parisien de Sarcelles. L’équipe soignante de la salle de naissance a contribué à une réflexion sur le recyclage des objets métalliques, issus des soins. « L’équipe m’a fait part d’une aberration : elle jetait des outils métalliques à la poubelle parce qu’il n’y avait pas de filière de tri pour ces objets », explique Frank Paule, gestionnaire des risques à l’hôpital privé Nord Parisien. Alors, l’hôpital a pesé ces déchets, et puisque le gisement n’est pas assez important pour bénéficier d’un prestataire sans que le coût soit exorbitant, il a intégré un réseau d’établissements dans la même situation pour les mutualiser.  L’équipe de radiologie de ce même hôpital a aussi pris l’initiative de conserver les clichés radiologiques, plutôt que de les jeter. « Nous avons donc créé une filière de tri particulière », ajoute Frank Paule.

Construire une meilleure qualité des soins

À l’image de l’hôpital Nord Parisien, où tous les soignants sont formés dès leur arrivée à la gestion des risques, à l’hygiène et au développement durable, pour, selon Frank Paule, « apprendre à rester responsable au quotidien et à travailler aussi pour les générations futures », l’hôpital de Tarascon sensibilise soignants et médecins à l’impact environnemental des médicaments.

Cette idée, c’est Catherine Taillefer, pharmacienne au sein de l’établissement, qui l’a eue. « On est tous supposés faire bon usage du médicament. Je me suis donc interrogée sur nos pratiques et j’ai mené une réflexion sur le cycle de vie des médicaments, de leur prescription et leur administration, jusqu’aux déchets qui en résultent ».

Catherine Taillefer est notamment l’une des premières à avoir intégré l’indice PBT des médicaments dans les livrets thérapeutiques, puis à avoir formé les soignants à la lecture de cet indice. « L’indice PBT évalue le danger du médicament quand il est déversé dans le milieu aquatique. Il y a quelques années, la Suède a affecté à chaque molécule un indice PBT, qu’elle a mis à disposition des médecins pour qu’ils prennent en compte l’impact environnemental lors de la prescription. J’ai fait la même chose ici, en reprenant les indices suédois. Pourquoi prescrire un médicament, s’il en existe un autre, qui a exactement les mêmes propriétés, mais qui est moins néfaste pour l’environnement ? », s’interroge la pharmacienne. « C’est une révolution de faire entendre ce critère aux médecins et aux soignants, mais ici ils ont été très ouverts ».

Malika Surbled

Article paru dans le n°17 d'ActuSoins. Pour s'abonner au magazine ActuSoins (trimestriel), c'est ICI

 

*Le C2DS est une association à but non lucratif, créée en 2006, par des professionnels de santé mobilisés par le développement durable. Son objectif : sensibiliser les acteurs de la santé aux avantages des bonnes pratiques du développement durable afin de mieux maîtriser l’impact humain, environnemental et économique sur leur activité. Plus d’informations sur www.c2ds.eu.

 

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Réactions

6 réponses pour “Développement durable : quand les soignants s’impliquent”

  1. Ça fait plaisir de voir que je ne suis pas seule à penser au tri sélectif au boulot !

  2. Si le cadre ne vous entend pas, il faut pousser la porte du service qualité.

  3. Idem ..
    Pourtant à Rennes ils ne jettent plus les lames de laryngoscope à usage unique ni les bistouris électriques jetables .. Ils revendent pour donner les bénéfices à une association pour enfants hospitalisés …
    Ici ça n’intéresse pas la direction …

  4. Mehdi Amir dit :

    les cadres c’est quand ça les arrange qu’il faut faire dans les règles

  5. Stormy Ide dit :

    Oh ben exactement ce que je disait à ma cadre la dernière fois …

  6. Blanche Ca dit :

    Bonami Emilie le petit ours polaire

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