Ebola : MSF dénonce une réaction défaillante de plusieurs institutions

Avec au moins 24 000 cas et  plus de 10 000 morts, l'épidémie d'Ebola en cours en Afrique de l'Ouest est la plus importante jamais enregistrée depuis l'identification de la maladie, en 1976. Avec un rapport dénonçant des "réactions défaillantes des institutions" , l'ONG Médecins sans Frontières s'insurge contre la prise en charge de l'épidémie. 

Ebola : MSF dénonce une réaction défaillante de plusieurs institutions

© Delphine Bauer

Alors que l'épidémie sévit depuis 1 an, l'ONG Médecins Sans Frontières a publié un rapport, qui repose sur des entretiens réalisés avec des dizaines de membres du personnel qui ont été impliqués dans la gestion de l'épidémie sur le terrain.

Le rapport décrit entre autres, les toutes premières mises en garde de l'ONG, il y a juste un an, quand l'épidémie se répandait dans toute la Guinée. Il dénonce le "déni" des gouvernements des pays touchés alors que l'épidémie s'étendait progressivement à toute la région, mais aussi le "déni" de l'OMS face aux multitudes d'alertes lancées par l'ONG.

Pour Christopher Stockes, directeur général de MSF, l'épidémie ne serait pas seulement liée à un ensemble de circonstances défavorables. "C'est une explication bien trop facile. L'ampleur de l'épidémie est aussi due aux défaillances de nombreuses institutions. Cet échec a eu des conséquences tragiques, qui auraient pu être évitées".

Comment l'épidémie a-t-elle pu devenir si incontrôlable? Pourquoi la communauté internationale a-t-elle tant tardé à prendre conscience de la gravité de la situation et à réagir?... Beaucoup de questions mais peu de réponses simples, explique le rapport.

"Personne n'était préparé à la propagation ni à l'ampleur cauchemardesques de l'épidémie d'Ebola. Sa nature exceptionnelle a montré l'inefficacité et la lenteur des systèmes de santé et de l'aide humanitaire dans leur réponse aux urgences. Sous les yeux du monde entier, les pratiques habituelles ont vite révélé leur insuffisance, une inadéquation de moyens qui s'est soldée par des milliers de morts. Quelles leçons pourrons-nous tirer de ces erreurs?" interroge MSF.

L'OMS pointé du doigt

Alors que fin mars 2014, MSF faisait état d'une "épidémie sans précédent", en raison de la dissemination géographique des cas, l'OMS, selon MSF, remettait en cause cette affirmation.

"L'OMS joue un rôle de premier plan dans la protection de la santé publique mondiale. Il est notoire que son expertise réside dans son travil normatif et dans les conseils techniques qu'elle dispense aux pays du monde entier. En revanche, elle arrive difficilement à répondre aux urgences et aux épidémies car elle manque de ressources humaines et des capacités de prépartion nécessaires pour pouvoir se déployer rapidement sur le terrain et porter assistance aux patients" explique le rapport de MSF.

"Aujourd'hui, décrire l'épidémie comme un événement sans précédent revient à énoncer une évidence mais, pendant des mois, MSF a été la seule à arriver à cette conclusion. Malgré cela, MSF n'était pas préparée à faire face à une situation aussi inédite, à la fois en termes d'ampleur de l'épidémie et du rôle de premier plan dans la lutte contre Ebola qu'elle serait appelée à jouer"

"Le 21 juin 2014, nous avons à nouveau tiré la sonnette d'alarme en déclarant publiquement que l'épidémie était hors de contôle et que, seuls, nous ne pouvions pas gérer le grand nombre de nouveaux cas et de foyers d'infection" se rappelle le Dr Bart Janssens, directeur général des opérations à MSF. "Nous demandions le déploiement de personnel médical qualifié, l'organisation de formatioons et l'intensification des mesures de sensibilisation et de suivi des contacts. Malheureusement, rien de tout cela ne s'est concrétisé après notre appel à l'aide. Nous avions l'impression de prêcher dans le désert".

"A la fin, nous ne savions plus quels mots utiliser pour secouer le monde et lui faire comprendre à quel point l'épidémie échappait réellement à notre contôle" se souvient le Dr Janssens.

Une auto-critique aussi

"MSF aurait dû mobiliser plus rapidement l'ensemble de ses capacités pour répondre à l'épidémie. La plupart des organisations humanitaires se sont montrées très réticentes face au risque perçu de travailler dans le cadre de l'épidémie d'Ebola, car elles craignaient de ne pas être capables de protéger leur personnel. MSF ne fait pas exception" admet le rapport.

MSF reconnaît aussi que ses équipes ont été contraintes à de nombreuses reprises de renvoyer chez elles des personnes visiblement malades, faute de place, "tout en sachant qu'elles seraient de nouveaux vecteurs de propagation du virus en rentrant dans leurs communautés". Et de regretter : "Nous ne pouvions offrir que des soins palliatifs très basiques et il y avait tellement de patients et si peu de personnel que le personnel n'avait en moyenne qu'une minute par patient. C'est une horreur indescriptible".

Une épidémie loin d'être sous contrôle

Le rapport rappelle qu'aujourd'hui, l'épidémie n'est pas sous contrôle. Elle se propage en Guinée et s'atténue visiblement du Libéria. Il rappelle aussi que 500 professionnels de santé sont décédés après avoir contracté le virus l'année dernière, dont 14 membres de l'ONG.

 

Rédaction ActuSoins (avec MSF et JIM)

 

 

 

 

 

 

 

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