L'IGAS publie un rapport sévère sur les hôpitaux marseillais

«L’inertie qui a caractérisé l’établissement pendant des années et la prégnance du poids politique et d’organisations syndicales fortes sont des freins réels à la restauration d’un fonctionnement normal», résument les auteurs de ce rapport.

«La bonne distance entre la mairie et les instances de l’AP-HM n’est toujours pas trouvée», selon le rapport commandé en mars 2013 par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, et resté au placard pendant plusieurs mois.

D'où un certain écart entre le bilan de l'IGAS et la réalité actuelle, affirme le nouveau patron de l'AP-HM, Jean-Jacques Romatet.

«Il doit être mis un terme au système clientéliste qui a longtemps prévalu», intime l’Igas, qui développe : «Un grand nombre de recrutements de personnels non qualifiés est intervenu pendant de nombreuses années sur recommandation d’élus. Un certain nombre de ces agents, qui se considèrent "protégés" posent des problèmes en raison de leur comportement irrespectueux voire menaçant vis-à-vis des cadres de proximité dont certains sont découragés.» 

La mission de l’Igas s’étonne, en outre, que les réunions du conseil de surveillance «aient toujours lieu à la mairie de Marseille» et recommande qu’elles se tiennent désormais au sein de l’établissement.

L’Igas cible également les «privilèges» accordés au syndicat majoritaire Force ouvrière : «Il convient de mettre fin à la situation réservée à une organisation syndicale [...] fût-elle majoritaire, et de la considérer comme les autres, sans privilège d’information et en évitant de lui laisser son rôle traditionnel de "conseil" en recrutement.»

Investissements excessifs

Par ailleurs, l’Igas juge «inquiétante» la situation financière de l’AP-HM, «très fortement endettée» à cause notamment «d’une politique d’investissement ambitieuse et coûteuse».

La dette de l’AP-HM a atteint un milliard d’euros fin 2012 et «l’objectif de retour à l’équilibre est toujours repoussé» et «n’est actuellement prévu qu’en 2014», déplore l’Igas.

«Les efforts pour y parvenir sont encore insuffisants», estime l’Inspection, alors que c’est un enjeu «fondamental pour assurer l’avenir de l’AP-HM». Outre la réduction de la dette, l’Igas prône donc la mise en œuvre «sans délai d’un plan d’actions pour assurer la fiabilité et la sincérité des comptes».

Le rapport est aussi cinglant concernant l’organisation. «Des activités sont gérées de manière archaïque», assène l’Igas, qui cite notamment la gestion «sous forme papier» des archives «sans cohérence entre les différents sites» de l’AP-HM.

Autre point noir : la situation «toujours préoccupante» de l’informatique. En février 2012, un rapport de la Cour des comptes constatait l’échec de l’informatisation du dossier-patient, qui avait engendré une dépense «largement voire totalement inutile» d'«au moins 14 millions d’euros».

«L’ARS Paca doit exercer, plus qu’elle ne l’a fait au cours des dernières années, ses missions de contrôle, d’évaluation et de suivi de la gestion et de l’évolution de l’AP-HM», conclut le corps de contrôle interministériel du secteur social.

"Constats du passé"

«La période analysée dans ce rapport se termine fin 2012. Un certain nombre de constats sont pour moi des constats du passé», a réagi le directeur général de l'AP-HM, Jean-Jacques Romatet, lors d’une conférence de presse.

«La gestion des ressources humaines a été repensée de la cave au plafond. Aujourd’hui, les recrutements sont faits comme dans tous les autres hôpitaux de France, avec une équipe dont je réponds comme de moi-même, il ne peut y avoir de critique sur ce point», a affirmé Jean-Jacques Romatet, qui a pris ses fonctions en janvier 2013.

Et de marteler : «Je ne fais pas de recrutement sur des raisons autres que professionnelles». «Aucune personne n’est protégée à l’AP-HM, c’est clair !», a-t-il aussi lancé.

Le secrétaire FO à l’AP-HM Marc Katramados,a dénoncé de son côté «un rapport qui ne sert à rien», où «tout est faux». «Il y a toujours des jaloux... Rien ne m’inquiète, ça me fait même rire ! Le clientélisme, c’est des conneries», a-t-il poursuivi, considérant que ce rapport qui «ressemble à un règlement de comptes»ne vise qu’à «casser l’image de l’AP-HM et sa nouvelle équipe de direction».

Celle-ci a présenté le 28 octobre au ministère de la Santé le plan de «redressement» sur 5 ans de l’AP-HM. «Il y un temps pour semer, un temps pour récolter, et je peux vous dire qu’on recoltera», a conclu Jean-Jacques Romatet, insistant sur la mise en place d’une «nouvelle organisation».

L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), troisième CHU de France, emploie environ 15 000 agents sur quatre sites.

Rédaction ActuSoins, avec AFP

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