Ce matin, elles sont quatre, trois infirmières et une neuropsychologue, face à une douzaine de patients schizophrènes.

«Il s'agit de donner la possibilité aux patients de reprendre le pouvoir sur leur propre vie, qu'ils aient la force, l'envie de décider par eux-mêmes, de faire», explique de Dr Yann Hodé, psychiatre du service.

Il a imaginé cette expérience originale après avoir assisté à une conférence sur l'empowerment, de Marianne Farkas (center of psychiatric rehabilitation, Boston University).

Comme elle, il n'aime pas le terme «patient», qui place d'emblée l'individu dans un rapport asymétrique à l'institution mais il en use quand même, faute d'alternative satisfaisante, écartant «client», «bénéficiaire» ou «usager».

Autonomie

Son service, le pavillon 12, suit une cinquantaine de «patients» donc, tous schizophrènes. «La mission d'un hôpital, même de jour, n'est pas de faire de l'accompagnement et du soutien. Ici, on s'est repositionné clairement sur le soin. Nous les entraînons à acquérir des compétences perdues ou qu'ils ont du mal à apprendre. L'objectif est qu'ils puissent avoir une vie stable, sans hospitalisation, qu'ils deviennent autonomes». I

ls ne fréquentent jamais plus de deux ans le pavillon 12. L'étape suivante c'est le GEM, groupe d'entraide, une association de patients. Là, les malades s'organisent entre eux, élisent un bureau, décident, élaborent un planning d'activités. Les audits d'embauche de l'hôpital font partie de ce processus d'autonomisation.

«On ne peut pas demander aux patients de se prendre en main et en même temps ne leur donner aucun pouvoir», relève le Dr Hodè, qui leur permet ainsi d'accéder à un «pouvoir symbolique» sur les embauches. «Ils ont un avis consultatif, un avis qui ne s'impose pas mais qui a quand même de la valeur, à l'instar de ce qui existe en démocratie, comme le Conseil économique social et environnemental, du Conseil d'Etat», décrit-il.

Après l'échange, les malades sont invités à voter à main levée pour ou contre l'intégration dans l'équipe du professionnel. Concrètement, ils n'ont pas la possibilité de virer le personnel, mais ils ont leur mot à dire. Un premier pas essentiel dans la mesure où le défaut d'initiative, de motivation et l'inaction font partie intégrante de la pathologie.

«Nos patients ont tendance à être passifs et obéissants. Ils n'osent pas. Pour lutter contre cela, il faut les remettre dans une situation où ils doivent se positionner, leur donner le droit d'exprimer un désaccord», argumente le praticien.

Source Libération

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