Après un break, l’heure du retour pour les infirmières

L'art infirmier, ce n'est pas complètement comme le vélo. Certes, on n'oublie pas tout mais au bout d'un certain temps, sans pratiquer ni renouveler ses connaissances, il peut être difficile de se remettre en selle. Sauf si des formations de remise à niveau dignes de ce nom voient enfin le jour.

Après un break, l’heure du retour pour les infirmières

©iStock/AngiePhotos

Pas facile de revenir exercer en établissement après une longue interruption. Celles qui en font l'expérience témoignent, pour certaines, d'une perte de repères, de craintes de ne pas savoir faire, de conviction que leurs connaissances ne sont plus à jour...

Celles, car même si aucune statistique sur le sujet n'existe, les interruptions de carrière, notamment pour cause de congé parental, concernent quasi-exclusivement les femmes. De même que ce sont plus les femmes qui suivent leur conjoint en cas de mutation que l'inverse...

La durée de l'interruption joue naturellement sur la capacité à reprendre facilement le cours interrompu de la carrière professionnelle. Treize mois d’absence pour Mélisa, le temps d’un congé maternité et d’un congé parental, avant de retourner à la maison de retraite où elle travaillait auparavant.

Sur le plan technique, elle ne s'est pas sentie perdue : « c'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas », remarque-t-elle. En revanche, « j'ai eu l'impression d'avoir tout oublié du métier, de la théorie, d'avoir perdu des neurones ! », poursuit-elle.

Retrouver ses repères…

Dès le premier jour, elle a repris comme si de rien n'était, comme si elle revenait de week-end alors que beaucoup de choses avaient changé. Les résidents mais aussi les infirmières de l'équipe et, surtout, le rythme et l’organisation. « J'avais perdu tous mes repères, explique Mélisa, et j'ai eu du mal à retrouver ma place », notamment celle d'infirmière référente qu'elle occupait avant son départ. L'organisation et les mesures qu'elle avait mises en places n’étaient plus les mêmes...

Quand on revient, « on se souvient de comment c'était avant, on voudrait que ce soit comme avant mais ce n'est pas comme avant, résume-t-elle. Il aurait peut-être fallu que je sois doublée pendant quelques jours pour me remettre dans le bain, qu'on m'explique la nouvelle organisation... ». Au bout d'un an et après une sérieuse baisse de moral, elle a « recommencé à zéro » et tente, aujourd'hui, l'aventure du libéral.

…quand tout a changé

En congé parental depuis deux ans, Marjolaine repousse encore le moment de reprendre le travail. La situation de son service d'origine a radicalement changé. « Revenir, comme remplaçante au sein du pool de suppléance, avec un planning qui change tout le temps, bouleversé à la dernière minute... C'est compliqué à concilier avec une vie de famille », explique-t-elle.

La reprise en elle-même, sur les plans techniques et théoriques, ne l'inquiète pas outre mesure. Elle s'est déjà arrêtée plusieurs mois lors de la naissance de son premier enfant. « Je m'étais fait une montagne de la reprise, des gestes techniques alors qu'une semaine après, j’avais repris le rythme, se souvient Marjolaine. Le plus compliqué, cela a été de s'adapter aux habitudes des médecins, aux cadres et à l'organisation qui avaient changés... » Autant alors bien se préparer en amont, en reprenant par exemple contact avec ses anciens collègues.

Les choses se corsent quand l'interruption s'étend sur une plus longue période. Comme pour Linda, qui a arrêté de travailler quinze ans après la naissance de son premier enfant.  « Nous vivions au Canada où mes diplômes d'infirmière et de sage-femme, obtenus en Belgique, n'étaient pas reconnus, raconte-t-elle. J'ai fait de l'accompagnement à la naissance, pendant cinq ans. »

Reprendre confiance

A son retour en France, en 2009, elle obtient l'équivalence de ses diplômes avec ceux délivrés en France - « une formalité » - et s'apprête à retravailler. Avec beaucoup de doutes. Elle essaye d'exercer comme sage-femme dans une maternité, après un stage de remise à niveau, « mais cela s'est très mal passé, notamment avec l'équipe ».

Déstabilisée, elle s'inscrit à Pôle emploi puis intègre une maison de retraite. « J'aimais le contact avec les patients, la dimension psychologique du travail. Les actes techniques étant assez limités, je me suis dit que cela allait m'aider à reprendre confiance en moi. »

Grâce à la compréhension de ses collègues, souligne-t-elle, sa reprise s'est cette fois plutôt bien passée.  Elle a découvert les nouveaux médicaments, les nouveaux pansements, les nouveaux protocoles... Aujourd'hui, elle travaille dans le service de médecine et soin palliatifs d'une clinique. « J'ai beaucoup appréhendé mais ils m'ont dit de poser toutes les questions que je voulais, qu'ils m'aideraient. Ils avaient confiance en moi », observe Linda.

Encore aujourd'hui, elle s'informe « tout le temps » sur internet sur les soins, les protocoles, etc. « On n'a pas étudié les cathéters implantables durant mes études, remarque-t-elle. Je l'ai fait une fois mais j'ai demandé à une collègue de me superviser. » Elle saisit aussi toutes les opportunités pour renforcer sa formation : elle a suivi un DU sur la douleur et suit en ce moment un DU en soins palliatifs.

Peu de formations de remise à niveau

Avec le recul, elle regrette l'absence d'outils techniques ou de formations pour se remettre à niveau ou en situation. Un dispositif national de remise a niveau à été créé puis abandonné. L'Appel médical du Vaucluse et une association de formation professionnelle ont aussi tenté d'en mettre un en place mais il n'a pas vu le jour.

À Lorient, l’expérience s’est concrétisée. L'IFSI a créé en 2010 un module de remise à niveau destiné aux infirmières qui se sont éloignées longtemps de leur métier. Il comprend cinq sessions de trois jours sur les connaissances théoriques, les pratiques infirmières, l'analyse des pratiques, l'AFGSU 2 (attestation de formation aux gestes et soins d'urgence) et l'appropriation des nouvelles connaissances. Il prévoit aussi des temps de travail entre les sessions et se complète par un stage de quinze jours en établissement.

« Pôle emploi en a entendu parler et est devenu partenaire du projet », indique Yves Mongin, responsable de la formation continue de l'IFSI. Les infirmières inscrites au chômage et considérée comme éligibles à cette formation bénéficient ainsi d’un financement. Un dispositif qui pourrait faire des petits ou se décliner de manière plus ou moins approfondie en fonction des besoins.

 Olivia Dujardin

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