Vidéos de patients : quand les professionnels de santé dérapent sur les réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux (TikTok, Instagram, Snapchat...), des vidéos de patients ou de résidents d’Ehpad circulent librement. Les professionnels qui les tournent et les mettent en ligne le font de façon totalement illégale.
Cet article a été rédigé par un juriste en droit de la santé, pour ActuSoins.com.
Les professionnels qui mettent en ligne ce genre de vidéos cherchent à faire le buzz et à accumuler les « likes » et des partages. Ils montrent des patients ou des résidents, parfois dans des situations dégradantes.
Des discussions d’ordre privé, entre professionnels ou avec les patients peuvent aussi être aussi entendues.
Dans certains EHPAD, des professionnels vont jusqu’à se filmer et à filmer le résident dans sa chambre, dans sa sphère intime.
Ces vidéos sont vues par des centaines de milliers de personnes et relayées en très grand nombre.
Non-respect de la vie privée et du secret professionnel
Il ne faut pas oublier que souvent, les patients ou résidents concernés ont des troubles cognitifs et sont vulnérables : ils n’ont jamais donné leur accord pour être filmés.
Par ailleurs, le respect de la vie privée est une base majeure qui régit les relations entre les personnes (article 9 du code civil). De plus, le professionnel porte atteinte au respect du droit à l’image du patient. Pire, certaines vidéos peuvent être dégradantes pour le malade et donc porter atteinte à sa dignité.
Comme le dispose l’article L1110-4 du code de la santé publique : « Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d’exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social […] a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.»
Dans le secteur de la santé et du social, en plus du respect de la vie privée, de l’intimité et de la dignité du patient, se rajoute ainsi le respect du secret professionnel.
En filmant un patient sans son accord et en diffusant la vidéo sur les réseaux sociaux, le professionnel porte atteinte au respect de ce secret professionnel car des personnes extérieures à l’établissement peuvent avoir accès à des informations sur l’identité du patient, sur des éléments médicaux ou intimes de ce dernier.
Excepté dans les cas de dérogations expressément prévues par la loi, « ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »
Le code de l’action sociale et des familles dispose également à son article L311-3 : « L’exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés : le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité, de sa sécurité et de son droit à aller et venir librement. »
Non-respect du secret professionnel, de la vie privée, du droit à l’image, atteinte à la dignité… Concrètement, les risques encourus sont multiples.
Responsabilité pénale
En filmant puis en mettant en ligne une vidéo de ce type, un professionnel peut être condamné, au pénal, pour non-respect de la vie privée et du droit à l’image.
Il encourt, selon l’article 226-1 du code pénal, d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour avoir,« au moyen d’un procédé quelconque, volontairement » porté « atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de [son] auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel », ou en « fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé. »
Le professionnel pourrait également être condamné à unan d’emprisonnement et à15 000 euros d’amende pour non-respect du secret professionnel, en vertu de l’article 226-13 du code pénal.
D’autres délits pourraient également s’appliquer en fonction du contexte (injure, diffamation, discrimination, violence, harcèlement…).
Le professionnel peut aussi être condamné à une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité professionnelle dans le secteur de la santé ou du social soit de façon définitive, soit de façon temporaire (article 131-27 du code pénal).
Responsabilité civile et sanctions disciplinaires
Devant une juridiction civile, le professionnel peut être condamné à verser une indemnité aux patients en fonction du préjudice subi.
De plus, le professionnel peut recevoir une sanction disciplinaire de la part de son employeur qui pourra aller jusqu’au licenciement ou de son ordre professionnel qui pourra aller jusqu’ à la radiation, c’est-à-dire l’interdiction d’exercer son métier.
V.L
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Il est illégal de communiquer à quiconque, y compris à des proches aidants, des informations sur l’état de santé d’un patient adulte ou même de rappeler un rendez-vous pour une consultation médicale ou un examen. Des exceptions existent.
Les patients, à la fois citoyens à part entière et personnes en situation de vulnérabilité, sont des sujets de droits. Droits au respect de la dignité, de la vie privée, de l'intimité, de la pudeur. Et des droits spécifiques comme le droit de consentir ou de refuser des soins, d'être informé et de donner des directives concernant sa fin de sa vie. Sur le terrain, leur respect se heurte parfois à des freins. Cet article a été publié dans le n°39 d'ActuSoins Magazine (décembre 2020).
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