Du bon usage des thérapies complémentaires

Du bon usage des thérapies complémentaires

Ostéopathie, homéopathie, sophrologie, phytothérapie… Les thérapies adjuvantes à la médecine traditionnelle ont le vent en poupe. Si certaines sont reconnues et même prises en charge par l’Assurance Maladie, d’autres ont du mal à se frayer un chemin dans le paysage médical. Entretien avec Le Dr Barriot, anesthésiste-réanimateur, toxicologue et expert médical de l’Institut Européen de Formation en Santé*.

 

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Dr Barriot , © DR.

Quelle est la place des thérapies complémentaires dans le paysage sanitaire français ?

Les thérapies complémentaires occupent une place très importante en France. Presque la moitié de la population a ou a déjà eu recours à un ostéopathe, un chiropracteur, un psychothérapeute, un aromathérapeute par exemple … Il y a une réelle demande. Le problème, c’est qu’il est parfois difficile de distinguer ce qui est sérieux de ce qui ne l’est pas. Quand certains consultent un ostéopathe, d’autres se dirigent vers un rebouteux. C’est problématique. Même les professionnels de santé ont des difficultés à conseiller correctement leurs patients sur le statut et le sérieux de tel ou tel praticien.

Comment distinguer justement ce qui est sérieux de ce qui ne l’est pas ?

Pour différencier ce qui est sérieux et ce qui ne l’est pas, les professionnels de santé peuvent déjà consulter les rapports d’évaluation de l’Inserm. Ils peuvent aussi s’interroger sur la légitimité de la formation qu’a reçue le praticien. Certaines thérapies complémentaires sont régies par décret (titre de psychothérapeute, ostéopathie, chiropraxie…). Celles-ci peuvent être considérées comme « sérieuses ». D’autres font l’objet de diplômes d’université (DU) ou de diplômes interuniversitaires (DIU), ce qui assure encore un mininum de garantie mais ce qui ne signifie pas pour autant que l’efficacité et l’innocuité de la technique soient prouvées. Enfin, pour un grand nombre de thérapies complémentaires, des formations non universitaires, ouvertes à un large public sans qualification requise, sont délivrées au sein d’organismes privés sans le moindre contrôle des institutions publiques et sans reconnaissance par l’Etat des diplômes délivrés. Il faut dans ce cas, être plus prudent. Il faut aussi savoir que tout praticien exerçant en libéral doit être inscrit sur une liste professionnelle déposée auprès de l’ARS (Agence Régionale de santé) dont il dépend.

Quelles sont les indications des thérapies complémentaires ?

Les thérapies complémentaires revendiquent un éventail assez large d’indications. Il s’agit essentiellement de troubles fonctionnels à l’exclusion de pathologies organiques nécessitant une intervention médicale ou chirurgicale : troubles psychosomatiques (stress, anxiété, asthénie, spasmophilie, troubles du sommeil), syndromes douloureux chroniques (douleurs dorso-lombaires, d’origine arthrosique ou rhumatismale, fibromyalgies, migraines), syndromes infectieux (infections des voies respiratoires, cystites à répétition), certains troubles gynéco-obstétricaux, troubles fonctionnels digestifs, effets secondaires des thérapies anticancéreuses, troubles de la circulation veineuse, allergies, addictions…

Pourquoi souhaitez-vous voir se développer ce genre de thérapies, qui pour la plupart ne relèvent pas de la médecine ?

En qualité de toxicologue, j’ai passé une grande partie de ma carrière à étudier les effets iatrogènes des médicaments. Les thérapies complémentaires ont l’avantage de proposer des alternatives à certains médicaments et donc de diminuer sensiblement la consommation de ceux-ci. Il s’agit de trouver des solutions pour diminuer la toxicité induite par les médicaments. Comme leurs noms l’indiquent, ce sont des thérapies « complémentaires ». Je conseille donc toujours de consulter un médecin en première intention, avant de s’orienter vers ce type de soins, afin d’être certain qu’ils soient effectivement adaptés. Car un retard de diagnostic et un retard d’instauration d’un traitement de médecine conventionnelle peuvent entraîner une perte de chance de guérison ou d’amélioration dans un certain nombre de pathologies graves.

Ces thérapies présentent-t-elles des risques ?

Mise à part la consultation en première intention, sans être passé par la case « médecin » qui augmente les risques de prise en charge tardive d’une pathologie organique, les risques sont le plus souvent – mais pas toujours – minimes. Il faut néanmoins être vigilant sur les dérives sectaires. Car des mouvements sectaires s’étendent au domaine de la santé. Les malades atteints de cancers constituent par exemple une cible de choix pour des « pseudo-thérapeutes » qui promettent des remèdes miracles et conseillent d’interrompre des traitements validés scientifiquement. Il faut savoir qu’aujourd’hui, près de 3000 médecins seraient en lien avec la mouvance sectaire.

Avez-vous des exemples ?

Des mouvements de pensées, se disant « scientifiques » et prétendant refonder la médecine (Biologie totale des êtres vivants, nouvelle médecine germanique…) proposent des outils thérapeutiques qui permettraient à chacun de « déprogrammer les maladies », y compris les maladies incurables. Ces théories, qui donnent aux maladies d’autres causes que celles reconnues par la médecine conventionnelle, peuvent être à l’origine d’un retard d’accès aux soins conventionnels et mettre en jeu le pronostic vital.

Quelles thérapies complémentaires peuvent être pratiquées par des infirmiers ?

Il y en a beaucoup car il n’y a que cinq thérapies complémentaires qui ne relèvent que des médecins et/ou des sages-femmes et/ou des psychologues cliniciens. Donc, à l’exclusion de l’acupuncture, de la mésothérapie, de l’homéopathie, de l’auriculothérapie et de la psychothérapie, les infirmiers peuvent se former et acquérir des compétences supplémentaires. C’est un atout pour eux et pour les patients.

Certaines thérapies complémentaires (l’homéopathie par exemple) sont prises en charges par l’Assurance Maladie, font l’objet d’un DIU et sont reconnues par l’Ordre des médecins. Pourtant, nombreux sont les professionnels détracteurs de ce type de thérapies. N’y a-t-il pas contradiction ?

En effet, c’est une contradiction car des études ont montré que l’homéopathie, par exemple, n’avait pas d’efficacité supérieure à celle d’un placebo. C’est un point très important. Car, si l’on suit le code de déontologie des médecins, ces derniers n’ont pas le droit de proposer à un patient une thérapeutique illusoire ou insuffisamment éprouvée. La situation est similaire avec la mésothérapie : cette pratique est reconnue par l’Ordre National des médecins, mais quand vous lisez les rapports de l’Inserm, elle n’apporte pas de preuve convaincante de son efficacité. Ceci dit, l’effet placebo est un effet très intéressant, mais c’est un autre problème.

Propos recueillis par Malika Surbled

*le Dr Barriot organise des formations DPC consacrées aux thérapies complémentaires. 

Actusoins magazine infirmierCet article est paru dans le numéro 21 d’ 
(Juin /Juillet/Août 2016).

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Une réaction

  1. L hypnose est un bon outil mais ce n est malheureusement pas remboursé .

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