Pas ou peu de formation, possibilité de continuer à travailler tout en accédant à un diplôme ou à un titre… Malgré les avantages du dispositif, peu de professionnels de santé pensent « VAE » lorsqu’ils souhaitent obtenir une juste reconnaissance de leur activité.
Et pourtant, la validation des acquis de l’expérience est bien ouverte à toute personne qui justifie d’au moins trois ans d’expérience en rapport avec la certification visée. Le candidat qui estime avoir le niveau et l’expérience pour accéder à un diplôme sans faire l’école correspondante, monte un dossier et passe devant un jury.
Dans le milieu sanitaire et social, 14 diplômes sont accessibles par ce biais. Diplôme d’Etat d’aide-soignant, diplôme d’Etat d’auxiliaire de puériculture, diplôme d’Etat de préparateur en pharmacie hospitalière, diplôme d’Etat d’ergothérapeute, diplôme d’Etat d’infirmier de bloc opératoire (hors actes exclusifs, voir encadré)… La VAE couvre de nombreux champs avec comme limite néanmoins, celle de l’exercice illégal.
« La profession infirmière, par exemple, est réglementée. Personne ne peut l’exercer sans diplôme. Il est donc impossible pour une aide-soignante de faire valoir une expérience d’infirmière pour accéder, sans formation, au Diplôme d’Etat infirmier », explique Martine Sommelette, présidente du Cefiec (Comité d’Entente des Formations Infirmières et Cadres).
Mais lorsqu’un diplôme est accessible, cela peut être vraiment très intéressant pour la personne qui le convoite. « Ce n’est pas plus facile que l’école. Et contrairement à ce que pense un bon nombre de professionnels, ce n’est pas une simple formalité », précise néanmoins Alain Viaux, vice-président du Cefiec qui, à plusieurs reprises, a été membre d’un jury de VAE.
Un dossier exigeant et solide
« La VAE représente un travail très important », ajoute ce directeur d’IFCS, d’IFSI et d’ERIBO. Les candidats doivent valider plusieurs étapes et remplir des conditions strictes avant de passer devant un jury. D’abord, il y a le livret de recevabilité, dit « livret 1 ». Ce document servira à déterminer si le candidat remplit les conditions fixées par la loi, en termes d’expériences et de durées. Puis, il y a le reste : un dossier (dit « livret 2 ») à constituer et un oral.
« Le dossier peut prendre beaucoup de temps. On demande aux candidats de conceptualiser leurs pratiques professionnelles. Loin d’une simple description, ils doivent se prêter à une véritable analyse de leurs compétences et de leurs savoir-faire. Cela peut représenter des pages et des pages d’écriture. Des mois et des mois de travail », explique Alain Viaux.
Alors que certains détracteurs de la VAE estiment que les diplômes peuvent ainsi être obtenus « au rabais », Alain Viaux tient à remettre les pendules à l’heure et insiste : « contrairement aux idées reçues, il n’y a pas deux niveaux différents de diplômes. Les personnes qui parviennent à valider leur acquis d’expérience méritent tout autant leur diplôme que celles qui sont passées par la voie institutionnelle classique. Les exigences de la VAE sont élevées et on y met beaucoup de rigueur ».
Le parcours VAE : trois cas de figure
Quand le travail d’écriture du livret 2 est accompli, le candidat passe devant le jury. « On l’interroge sur les aspects qui posent question après la lecture du dossier écrit », explique Alain Viaux.
Vient ensuite le moment du résultat. Et là, trois cas de figure peuvent se présenter : soit le candidat valide intégralement la VAE et devient titulaire du diplôme espéré, soit il est recalé, soit il valide partiellement sa VAE. Dans cette dernière situation, il aura le choix, pour représenter son dossier l’année au cours d’une prochaine session d’un jury VAE, de compléter ses compétences par des stages appropriés ou par une formation en école en suivant les unités d’enseignement correspondantes aux manques.
Caroline Garnier, elle, n’a pas eu à en passer par l’école des infirmiers de bloc opératoire. En validant intégralement son Diplôme d’Etat d’infirmière de bloc opératoire via la VAE en une seule fois et en un an seulement, elle est allée particulièrement vite dans son cheminement.
« Je travaille au sein d’un bloc opératoire polyvalent dans lequel tout est disponible pour apprendre. La rédaction du deuxième livret de la VAE m’a permis de développer mes compétences car je me suis rendu compte que je n’avais pas travaillé sur toutes les activités demandées. Je suis donc allée voir mes cadres pour qu’ils m’orientent sur des interventions susceptibles de me procurer les connaissances et les compétences manquantes. Il s’agissait de mieux comprendre les techniques et la pratique. Finalement, je me suis formée et j’ai découvert de nouveaux aspects du métier grâce à la VAE », explique-t-elle.
La VAP pour obtenir un « niveau » d’études
Alors que certains professionnels visent directement un diplôme d’Etat en passant par une VAE, d’autres espèrent pouvoir intégrer une formation de niveau supérieur à leur niveau d’étude initial. Accéder à une licence sans le bac, un master sans licence, etc. De nombreuses écoles et universités proposent ainsi un dispositif de Validation des acquis professionnels (VAP).
Même si officiellement il n’existe aujourd’hui que la VAE (le dispositif VAE intégrant celui de la VAP), les universités continuent de distinguer les deux démarches. « La VAP permet de faire valoir son parcours. Elle prend en compte l’expérience professionnelle, mais aussi les diplômes déjà obtenus qui pourraient donner lieu à une équivalence », explique Laurent Gentil, cadre de santé à l’IFSI du Centre Hospitalier de Charleville-Mézières.
A 53 ans, ce cadre de santé formateur est passé par la VAP pour intégrer directement un master 2 en ingénierie de formation et de pratiques pédagogiques. « Depuis 15 ans environ, les écoles de cadres passent des conventions avec les universités pour que le diplôme de cadre soit associé à un master 1. Néanmoins, ce n’est pas systématique et certains cadres doivent encore faire valoir leurs acquis professionnels pour avoir cette équivalence. En ce qui me concerne, la VAP m’a permis d’obtenir la totalité du master 1 ainsi qu’une dispense de certaines unités d’enseignements en master 2. J’ai donc gagné plus d’une année par rapport au cursus conventionnel », explique Laurent Gentil.
« La VAP demande beaucoup d’investissement personnel, de méthode et de synthèse, prévient ce cadre. Il n’y a pas d’oral, mais le dossier doit être solide. Il faut développer l’ensemble des expériences professionnelles et des compétences acquises. Il faut aussi réunir toutes les attestations d’employeurs, les certificats de formation et les diplômes déjà obtenus. Je travaille depuis 31 ans : j’ai mis plus d’un mois à pouvoir rassembler tout cela… »
Et de prévenir : « Une fois la VAP en poche, il y a encore une étape : l’entrée à l’université ». Car la VAP est délivrée par une commission indépendante. Rien n’oblige les universités à libérer des places pour les candidats…
Malika Surbled
Ces articles ont initialement été publiés dans le numéro 22 du magazine ActuSoins (Sept, Oct, Nov 2016).
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Etat des lieux de la VAE en 2015 en quelques exemples
Diplôme visé
Livrets 1 déposés en 2015
Livrets 1 non recevables
Validation partielle du diplôme suite livret 2 et jury (1er semestre 2015)
Validation totale du diplôme
Aucune validation après oral
DEAS
5736
2016
2070
933
826
DEAP
2633
803
929
412
223
DEEJE
1565
454
387
339
194
DEAS : Diplôme d’Etat d’aide-soignant
DEAP : Diplôme d’Etat d’auxiliaire de puériculture
DEEJE : diplôme d’état d’éducateur de jeunes enfants
Le paradoxe IBODE
La plupart des infirmiers travaillant au bloc qui entament un cursus VAE ne parviennent à valider qu’une partie des compétences lorsqu’ils passent pour la première fois devant le jury. Ils doivent donc – pour représenter leur dossier l’année suivante – soit acquérir sur le terrain les compétences manquantes, soit retourner en école pour suivre les parties nécessaires de l’enseignement. Or, la formation d’IBODE n’ayant pas encore été « ré-ingénieriée » sous forme de compétences, cette solution, en pratique, n’est pas réalisable. Mais il y a bon espoir, car un tableau de concordance entre le référentiel de formation actuel et le référentiel de compétences a vu le jour fin 2016. Et les travaux de ré-ingénierie de la formation ont repris en 2017.
Tous les professionnels qui valident leur VAE IBODE sont tenus de suivre et de valider la formation spécifique portant sur les actes exclusifs (compétence 6).
Témoignages
Caroline Garnier, Infirmière devenue IBODE après une VAE
“J’ai obtenu mon DE en 1998. En 1999, j’ai commencé à travailler au bloc, puis je ne l’ai plus jamais quitté. En 2003, j’ai dû renoncer – pour des raisons personnelles – à l’école d’Infirmier de bloc opératoire. J’ai donc continué à exercer en qualité d’infirmière. Puis, en 2014, est arrivée l’idée des actes exclusifs réservés aux IBODE. J’avais envie d’y avoir accès aussi – une formation complémentaire est nécessaire pour les IBODE, ndlr -. Mon cadre m’a alors encouragée à faire valider mes acquis pour obtenir mon diplôme. Je me suis mise au travail et j’ai trouvé cela très intensif. Livret 1, livret 2, puis oral : le parcours m’a pris un an et m’a permis d’acquérir des compétences supplémentaires sur le terrain. J’ai pu valider cette VAE en une seule fois, ce qui est assez rare ! Je suis fière de ce parcours. Il faut savoir que les infirmières qui travaillent au bloc sans être titulaires du diplôme d’Etat d’infirmier de bloc opératoire ont parfois l’impression de devoir prouver leur légitimité. Elles se demandent souvent si elles ne seront pas renvoyées dans les services alors qu’elles travaillent au bloc depuis toujours… Etre reconnue IBODE m’a permis de m’affranchir de ces peurs. Cela a aussi reboosté ma carrière et m’a remotivée. C’est comme un nouveau départ pour moi !“
Anais Vue, ASH, sollicite le diplôme d’aide-soignante par une VAE
“Cela fait 6 ans que je travaille en qualité d’ASH. Je suis passée par plusieurs services : gériatrie, chirurgie, hémodialyse, bloc… Mon employeur avait besoin d’aides-soignants supplémentaires dans son équipe et m’a proposé de « faire fonction » d’aide-soignante. J’ai accepté et signé un contrat dans ce sens. Mais sans le diplôme, mon activité n’est pas reconnue et si un jour je dois changer d’hôpital ou changer de service, rien ne dit que je retrouverai un poste d’aide-soignante. Alors, j’ai décidé de faire valider mes acquis professionnels, en vue de l’obtention du diplôme. Je suis à ma troisième tentative : la première fois, le jury n’a rien validé. Mon dossier et mon argumentation étaient incomplets. Alors, j’ai retravaillé mon livret ainsi que mon oral pour repasser devant le jury l’année suivante. Cette fois, j’ai réussi à valider 4 des 8 compétences demandées. Je me suis alors inscrite à l’école d’Aide-Soignante pour acquérir les compétences manquantes. Je dois maintenant passer pour la troisième fois devant le jury pour savoir si ces compétences sont acquises… Ce parcours VAE m’a permis surtout de maîtriser le vocabulaire médical, la technicité des soins et de me pencher sur des démarches de soins. Cela représente un véritable travail de réflexion et de d’analyse. Il y a eu des moments difficiles, mais chaque étape a constitué une réelle avancée… Une fierté aussi. À présent, mon seul souhait est de parvenir à valider ces compétences manquantes pour enfin obtenir le diplôme d’Etat d’Aide-soignante.“
Evoluer grâce aux passerelles
Certains diplômes, comme le Diplôme d’Etat d’Infirmier ne peuvent pas s’obtenir par VAE. Normal, puisque pour pouvoir exercer il faut être titulaire du diplôme. Impossible donc de faire valoir une expérience au risque d’être accusé d’exercice illégal ! Faute de VAE pour ces diplômes, il y a, pour les professionnels qui souhaitent évoluer, des possibilités de dispenses partielles de scolarité. Les aides-soignants et les auxiliaires de puériculture peuvent ainsi être dispensés des trois unités d’enseignement correspondant à la compétence 3 du référentiel infirmier (Accompagner la personne dans la réalisation de ses soins quotidien). Ils peuvent aussi, être dispensés du stage de cinq semaines prévu au premier semestre. Pour les infirmiers, des facilités existent aussi pour ceux qui souhaitent devenir psychomotricien, électroradiologue médical, ergothérapeute et depuis peu, médecin, dentiste, sage-femme ou pharmacien. Dans l’avenir, le nombre de passerelles devrait augmenter, favorisant ainsi l’évolution et l’accès à d’autres filières paramédicales et médicales.
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