Infirmière, infirmier, se former… en jouant

Infirmière, infirmier, se former… en jouant

En marge des enseignements académiques, les Serious Games sont de plus en plus utilisés dans la formation initiale et continue des soignants.
Infirmière, étudiant infirmier se former en jouant avec les serious games
capture d’écran du Serious Game Ehpad’Panic.

C’est une nouvelle façon de se former, moins académique et plus ludique. Le Serious Game va d’ailleurs certainement avoir le vent en poupe dans les hôpitaux et les instituts de formation en soins infirmiers ces prochaines années. Il faut dire que l’outil peut convaincre.

« Je suis issu de la génération Y et je suis très à l’aise avec les nouvelles technologies. L’utilisation de serious games dans l’apprentissage du métier nous permettrait d’appréhender certaines situations en conditions réelles, avant de les rencontrer vraiment dans un service » explique, enthousiaste, Tristan, étudiant en soins infirmiers en 2e année.

Le Serious Game de formation Ehpad’Panic* figure parmi la quinzaine de « jeux sérieux » déjà utilisés pour les professionnels de santé. Déployé pour l’instant dans dix EHPAD à Nice, il est aussi accessible pour les infirmiers et aides-soignants des autres établissements via une plateforme en ligne.

« Les professionnels y incarnent leur propre rôle et doivent faire face à des situations complexes » explique Clément Kolodziejczak, du groupe Genious, développeur de Serious Game. « Cela leur permet de gérer des situations de crises chez les patients atteints de la maladie d’Alzeihmer. Les scénarios sont différents tous les mois » ajoute le jeune concepteur.

Créer un avatar et rentrer dans le jeu

En ligne ou via un logiciel, sur abonnement ou sur licence, sur ordinateur ou sur tablette : les solutions pour se former avec un serious game sont multiples et diffèrent selon les éditeurs.

« On créé un avatar correspondant à son profil professionnel et on rentre dans le jeu, avec des situations à analyser et des réponses à donner. Le jeu s’adapte en temps réel aux choix du professionnel » explique Victor Borges-Silva, cadre infirmier anesthésiste au Centre Hospitalier de la Ferté-Bernard (72). Ce gestionnaire des dépôts de sang et responsable de la transfusion a convaincu sa hiérarchie de former tous les infirmiers de son établissement à la transfusion, via le serious game Florence Transfusion Sanguine.

« Je voyais toutes ces nouvelles infirmières, qui avaient des bases non assurées sur la transfusion. J’ai trouvé que l’outil permettait de former le personnel d’une façon plus ludique. Et cela a été très concluant. Les infirmiers ont oublié la peur d’être évalués, et ont acquis de solides connaissances tout en étant capable d’analyser leurs erreurs » explique le cadre.

Pendant 2 ans, ce sont près de 80 infirmiers qui ont joué le jeu. « D’abord, on a proposé d’encadrer ces formations pendant le temps de travail, puis les infirmiers ont eu la possibilité de jouer chez eux, avec une attribution de 45 minutes en heures supplémentaires pour ceux qui optaient pour ce choix », explique Victor Borges-Silva, justifiant cette mesure par l’intégration du Serious Game dans le cadre de la formation continue des soignants.

Un outil qui inspire

Alors que certains Serious Games, conçus par des développeurs à la demande de laboratoires ou d’associations existent déjà et sont commercialisés dans les établissements, les formateurs ne sont pas toujours en mesure les intégrer à la formation des étudiants.

« Aujourd’hui, on a beaucoup de Serious Games qui arrivent sur le marché. On nous les propose pour la formation initiale, mais nous ne parvenons pas à savoir quel usage en faire. L’intégration d’un serious game dans nos enseignements doit être réfléchi pour qu’il soit bénéfique» explique Lydie Dondelli.

Dans le cadre d’un projet de recherche financé par la région Ile de France et par une PME, cette cadre formatrice à l’IFSI Sud Francilien (91) participe – en collaboration avec 3 autres cadres d’ IFSI – à la conception d’un nouveau Serious Game, adapté à l’enseignement de la compétence 1 des étudiants en soins infirmiers. « Le jeu n’est qu’à l’étape d’élaboration. Il s’agira normalement pour les étudiants de première année de travailler sur le recueil de données et l’élaboration des hypothèses de diagnostic infirmier. Cela durera 20 minutes environ ».

À l’instar de Lydie Dondelli, Marie Nhan, une cadre formatrice de l’IFSI deTenon (Paris), travaille – avec une équipe de formateurs dans le cadre d’un Master 2 en Ingénièrie pédagogique en formation d’adultes – sur un nouveau serious game à destination des étudiants en soins infirmiers.

« Nous savions que nous souhaitions élaborer un serious game sur le thème du circuit médicamenteux. Nous avons mené une enquête auprès de 1500 étudiants pour connaître les besoins réels des apprenants, ce qui a confirmé nos hypothèses de travail de départ et nous a conduit à préciser les objectifs pédagogiques : les étudiants ont par exemple beaucoup insisté sur le problème de la lecture de la prescription médicale, plus que sur le calcul de dose. En tenant compte de ces besoins, nous avons développé un story-board avec 15 scénarios différents » explique la cadre de santé.

« Le Serious game apporte une réelle plus-value par rapport aux stages et se veut complémentaire à l’apprentissage effectué. Il pourra leur permettre de se plonger face à des situations d’application de prescriptions médicales auxquelles ils ne sont pas souvent confrontés et de s’entraîner dans un environnement sans risque pour le patient. Je pense notamment aux seringues électriques, dont l’administration de thérapeutiques induit souvent des erreurs ».

La conception d’un Serious Game pouvant valoir entre 50 000 et 100 000 euros, Marie Nhan et son équipe espèrent trouver les financements et les soutiens nécessaires pour faire aboutir leur projet.

Moins cher que les autres formations

Alors que la Haute Autorité de Santé recommande l’utilisation de simulateurs et de mannequins pour enseigner des procédures diagnostiques et thérapeutiques, mais que ces installations sont très onéreuses, l’utilisation de Serious games représenterait une alternative.

« La simulation à grande échelle, c’est bien, mais on ne peut pas tous s’équiper d’un mannequin à haute fidélité qui coûte environ 60 000 euros, ni créer une salle de simulation à 200 000 euros » explique Marie Nhan.

Avec un coût moyen d’environ 23 euros par licence et par an – pour un serious game déjà développé et existant – l’avantage financier par rapport aux formations présentielles qui reviennent en général à au moins 150 euros la journée pour un participant, rentrerait aussi en compte.

Mais « attention », prévient Victor Borges-Silva, qui a testé et approuvé l’utilisation d’un serious game, la mise en place de cet outil dans les hôpitaux nécessiterait une réelle organisation. « L’outil fédère la direction des soins, la direction de la formation, les services informatiques et les cadres de santé. Avant de le mettre en place, il faut soi-même s’y former et trouver des référents qui puissent suivre l’ensemble des agents qui se formeront ». Une logistique non négligeable.

Malika Surbled.

Article paru dans le numéro 19 d’ActuSoins

 * Accès gratuit sur la plateforme www.curapy.com

Pour aller plus loin : formation continue DPC pour les infirmières et infirmiers libéraux

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8 réactions

  1. Je trouve cela formidable. A conditions de garder en tête la singularité de chaque situation. Cela peut permettre de s’exercer plus souvent à moindre coût, de se débarrasser de la peur et du jugement dans l’exercice, de réviser les bases en situation d’urgence par exemple. ¨Par exemple, j’ai entendu une infirmière se plaindre de n’avoir eu qu’une formation aux gestes urgences en…10 ans… Donc on ne peut que faire mieux à ce niveau là.

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