Prise en charge de la douleur : des formations pour s’améliorer

Prise en charge de la douleur : des formations pour s’améliorer

La prise en charge de la douleur est l’une des missions quotidiennes des infirmiers et infirmières. Après la formation initiale, la formation continue permet d’approfondir ses connaissances ou de revoir ses pratiques.
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Les formations sur la prise en charge de la douleur se recentrent sur la douleur aiguë. © shutterstock/zackKOP

Au cours des dernières décennies, la conception de la douleur – spécialité transversale et incontournable pour la profession – a connu des évolutions. « Vers la fin des années quatre-vingt-dix, on était beaucoup concentré sur les soins palliatifs. Cela a permis de questionner la gestion de la douleur. Puis au début des années 2000, la pratique a eu pour objectif de prendre soin du patient dans toutes ses composantes, y compris la douleur, chronique ou aiguë. Dans les années 2010-2020, on a assisté à un renforcement de l’intérêt pour la douleur chronique, parallèlement à l’essor de l’hypnose », résume Corinne Soudan, directrice pédagogique, infirmière spécialiste clinique certifiée chez Orion Santé qui forme 16.000 professionnels de santé par an.

Forte d’une expérience de plus de quinze ans en formation et à l’origine d’une consultation infirmière incluant les méthodes psychocorporelles, « ces évolutions, elle les a vues ». Et elle a pu constater le renouvellement approprié des contenus de formation. Pour 2023-2025, l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) n’a cependant plus jugé la douleur chronique, jusque-là centrale, comme l’une des priorités infirmières, recentrant les formations financées sur la douleur aiguë.

Actusoins magazine pour infirmière infirmier libéralCet article a été publié dans n°49 d’ActuSoins Magazine (juin-juillet-août 2023).

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Un recentrage sur la formation douleur aiguë

Pour Corinne Soudan, ce recentrage a d’abord été une source d’étonnement. Puis une seconde lecture l’a convaincue. Tout d’abord, il existe un lien entre douleur chronique et douleur aiguë, car « une meilleure prise en charge permet d’éviter la chronicisation de la douleur », donc d’agir en amont. Par ailleurs, ce focus sur la douleur aiguë présente des avantages pour les infirmières libérales (idels), qui, dépendant du territoire où elles exercent, ne peuvent pas toujours « bénéficier de l’appui d’une équipe pluriprofessionnelle » dans le cas de la prise en charge de la douleur chronique.

Finalement pour les idels, la nouvelle formation – qui sera effective après l’été – se concentrera sur les douleurs provoquées, iatrogènes ou induites, pour répondre à cette interrogation si répandue : comment soigner au quotidien sans générer de douleur ? « La formation leur permettra d’envisager la réalisation d’un pansement, un transfert, le changement de socle d’une stomie ou la gestion des retours post-opératoires avec, comme priorité, la diminution de la douleur aiguë grâce à la respiration accompagnée, une communication positive, la distraction et la prise planifiée d’antalgiques ».

Pour la directrice pédagogique d’Orion Santé, « ce sont des outils à déployer au quotidien », surtout dans le cas de « gestes répétitifs », afin d’éviter la « réactivation du phénomène de la mémoire algique ».

Formation douleur : Approfondir ses connaissances

Pôle Formation Santé (PFS), qui forme plus de 11 000 professionnels par an, propose une formation « douleur : rôle et actions des infirmiers dans la prise en charge », financée par le Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux (FIFPL). Pour ce dernier, la prise en charge de la douleur est considérée dans sa globalité – aiguë et chronique – pour les infirmiers.

Pour le développement professionnel continu (DPC), les nouvelles orientations 2023-2025 financent uniquement les formations sur la douleur aiguë pour les non-prescripteurs comme les infirmiers. La formation de 14 heures sur la douleur aiguë revient sur « les mécanismes de la douleur, les différents types de douleurs – chronique ou aiguë –, les outils d’évaluation afin de la mesurer, les stratégies thérapeutiques (médicamenteuses, mais pas seulement) et les bonnes pratiques », indique Jean-Philippe Marcou, concepteur pédagogique pour PFS.

Cet organisme propose aussi une formation « praticien en hypnose », qui aborde l’hypnoanalgésie. Cette formation soulève d’ailleurs l’intérêt de la profession infirmière, remarque-t-il. « Depuis quelques années, les soignants se rendent compte que la médication est efficace à un instant T mais qu’elle est limitée », alors que d’autres méthodes « laissent place à un travail plus profond, davantage efficace sur le temps long pour réduire la douleur ».

La douleur en psychiatrie

Les formations permettent aussi de se spécialiser, sur un type de douleur ou de public. La formation « douleur et patients atteints de troubles psychiatriques » que propose Santé Académie, est destinée aux idels qui peuvent être confrontés au retour à domicile d’un patient douloureux et psychiatrique. « La formatrice insiste sur les outils d’évaluation de la douleur certifiés par la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur. Car évaluer la douleur chez des patients non psychiatriques n’est déjà pas facile, mais chez des patients psychiatriques, qui ont parfois une autre perception de leur corps, c’est encore plus difficile », explique Adéline Hautcoeur, responsable pédagogique.

Importance du non-verbal, modification d’un comportement comme signal d’une douleur, facteurs aggravants dans le ressenti… : ce sont autant de notions abordées pour tenter de comprendre l’intrication fréquente entre douleur physique et souffrance psychique… et apporter les réponses idoines aux patients suivis.

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Formation douleur : de nombreux bienfaits pour les stagiaires

Suivre une formation « permet aux stagiaires de réajuster leurs connaissances car depuis leurs études, les techniques ou la médication relatives à la prise en charge de la douleur ont évolué », estime Jean-Philippe Marcou.

« Certaines infirmières ont été diplômées avant que la douleur ne soit abordée dans les études. En suivant une formation, soit elles apprennent, soit elles approfondissent », renchérit Adéline Hautcoeur. Et d’ajouter : « revoir des thèmes spécifiques ou partager les expériences les fait aussi monter en compétences ».

Résultat : un véritable effet « remobilisateur ». Au-delà des compétences, les formations sont aussi l’occasion de refaire le point sur le rôle de la profession. « Très souvent, le rôle de coordinateur de l’infirmière, entre les médecins, le pharmacien et éventuellement les aide-ménagères passe au second plan. La formation permet de retrouver la place qui est la nôtre », analyse Jean-Philippe Marcou. Enfin, Corinne Soudan se réjouit aussi que la formation permette aux stagiaires « un temps d’analyse et de réflexivité » sur leurs pratiques, impossible à dégager dans le quotidien souvent surchargé de l’idel.

Formation douleur témoignages d’infirmier et infirmière

Brieuc, Infirmier libéral, 35 ans « Je suis infirmier depuis 2011 et je me suis formé à l’hypnose éricksonienne en 2019 auprès de Pôle Formation Santé. Cette formation m’a permis de changer ma prise en charge auprès des patients, dans le relationnel et dans l’accompagnement. Elle permet de proposer un meilleur accompagnement, tant sur la douleur que sur l’anxiété, sur la gestion d’effets indésirables de traitements sur le psychisme, notamment en cancérologie, mais aussi lors d’annonce de diagnostic ou de résultats d’examens. Elle permet aussi de préparer les personnes à des opérations, améliorant ainsi les prises en charge post-opératoires. Cet outil est un atout permettant d’améliorer la qualité des prises en charge et la vie des patients dans leur quotidien de convalescent ».

Jenny, Infirmière libérale, 43 ans « J’ai suivi plusieurs formations chez Santé Académie, dont une sur la douleur en oncologie. C’est nécessaire pour nous, les idels, puisque les patients sont de plus en plus nombreux à rester chez eux jusqu’au bout. Sur les soins palliatifs, les médecins peuvent être assez longs à mettre en place une sédation ou un morphinique en pompe continue. La formation m’a permis de refaire le point sur les solutions existantes et de pouvoir mieux argumenter face aux patients quand ils se montrent réticents. Car voir ses patients souffrir est un crève-coeur et on peut se sentir démunie… Par ailleurs, j’ai réactualisé des connaissances. Cela fait toujours du bien. Enfin, le format – sous forme de petites vidéos – est pratique : on peut les regarder à notre rythme, tout en étant en contact avec la formatrice sur un forum si l’on a des questions. »

Delphine BAUER

Cet article est paru dans ActuSoins MagazineActusoins magazine pour infirmière infirmier libéral
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