La chirurgie cardiaque
En cardiologie, le sens de la cicatrice a une importance. Avec une cicatrice située au niveau du sternum, il est plus fréquent de voir apparaître des cicatrices hypertrophiques, selon l’âge de l’enfant.
Une cicatrisation primaire plus rapide peut faciliter la tâche en cicatrisation, mais il existe des risques de troubles de croissance et de rétractations secondaires.
Sur une intervention corrective du coeur, deux voies d’abord sont possibles selon la pathologie cardiaque :
La sternotomie
Cette voie d’abord nécessite l’ouverture verticale du sternum et est la plus utilisée.
La thoracotomie latérale
Cette voie d’abord, qui permet un accès direct à l’aorte thoracique et la cure chirurgicale des coarctations, se situe au niveau de l’espace intercostal à travers la cavité pleurale. Le patient anesthésié est installé en décubitus latéral (sur le côté).
Les particularités cutanées de l’enfant
Le processus physiologique de la cicatrisation chez l’enfant n’est pas différent de celui de l’adulte, mais la cicatrice qui en résulte est très riche en collagène et très dense. Lors de la prise en charge des plaies de l’enfant, il est nécessaire de guider la phase de maturation pour éviter des cicatrices disgracieuses et invalidantes.
Autre particularité : chez l’enfant, l’absence de facteurs défavorisants comme le tabac, le surpoids ou les traitements lourds entraîne une capacité de régénération tissulaire plus importante que chez l’adulte.
Par ailleurs, la densité cutanée est plus fine chez le jeune enfant, la structure cutanée atteignant la maturité de celle d’un adulte à partir de douze ans.
Physiologie de la cicatrisation cutanée
Le processus physiologique de la cicatrisation se déroule en quatre phases successives, comme chez l’adulte : phase vasculaire, phase inflammatoire, phase de réparation tissulaire, puis phase de remodelage et de maturation de la cicatrice;
Les trois premières phases durent environ deux à trois semaines, la quatrième phase se poursuivant pendant environ 18 à 24 mois. La maturité de la cicatrice est donc à son stade définitif après deux ans.
Phase vasculaire
Lors de cette phase, une vasoconstriction immédiate des vaisseaux a pour effet de ralentir le saignement. Tout le processus de l’hémostase s’enclenche ensuite. Tout d’abord, les plaquettes vont s’agréger pour former un caillot et colmater la brèche.
Cette phase se caractérise par la migration des globules blancs (polynucléaires neutrophiles et macrophages), ainsi que par la libération de facteurs de croissance nécessaires à la naissance de nouveaux tissus.
Phase inflammatoire
Cette phase correspond au début de la réparation cellulaire : les vaisseaux se réouvrent pour venir libérer les globules blancs, les macrophages et les polynucléaires neutrophiles étant en première ligne. Le but est de commencer à nettoyer, par un processus de détersion, pour éliminer les débris cellulaires, mais également de prévenir l’infection et de préparer l’accès au système immunitaire pour la réparation tissulaire.
Phase de réparation
Cette phase se prolonge jusqu’à la fermeture du site, c’est-à-dire vers l’épidermisation. Cette réparation tissulaire se déroule en trois phases – la détersion, le bourgeonnement et l’épidermisation – qui correspondent à l’organisation du tissu cicatriciel. Au niveau du derme, la cicatrice se répare par la sécrétion de collagènes et la prolifération de fibroblastes, entraînant une angiogenèse (formation de nouveaux vaisseaux) et la formation d’un tissu de granulation en environ cinq jours.
Au niveau de l’épiderme, ce sont les kératinocytes (cellules de l’épiderme) qui vont venir progressivement recouvrir ce bourgeon. L’épidermisation se produit en une quinzaine de jours.
Chez l’enfant, plus particulièrement à l’âge pubertaire, les hormones de croissance vont induire une réparation tissulaire pouvant entraîner un risque de cicatrices hypertrophiques.
Phase de remodelage et de maturation cicatricielle
Le remodelage s’étend sur 18 à 24 mois. Pendant cette phase, les transformations concernent essentiellement le derme avec un collagène plus dense, des fibroblastes moins nombreux et un réseau vasculaire mieux organisé.
Progressivement s’installe une diminution de l’oedème et une augmentation de la souplesse de la cicatrice.
L’évolution de la cicatrisation en fonction de l’âge
De 0 à 6 mois
C’est une période plutôt favorable : l’inflammation est faible à ce stade et le nourrisson cicatrise rapidement en quelques jours. Au bout d’un mois la cicatrice est devenue fine, souple et blanche. Le nourrisson profite de la cicatrisation foetale qui se perpétue dans les premiers mois de vie. Néanmoins, la désunion des berges au niveau du sternum est un risque avéré et fait partie des cicatrices complexes à prendre en charge à cette période d’âge.
De 6 mois à 2 ans
Le mode évolutif est imprévisible. La cicatrisation est souvent très rapide mais peut être explosive.
De 2 ans à la puberté
Cette période est dominée par l’inflammation cicatricielle. Le risque d’obtenir une cicatrice disgracieuse, c’est-àdire de type hypertrophique, est plus élevé au stade de la puberté.
La cicatrice post-opératoire
Le protocole de prise en charge de la cicatrice post-opératoire (sternotomie ou/et thoracotomie) est variable d’un service à l’autre, voire d’un chirurgien à l’autre. Les soins seront assurés suivant les indications du chirurgien. Les sutures sont pour la plupart du temps résorbables, il n’est donc pas nécessaire de les retirer.
Réfection du pansement
L’esthétique d’une cicatrice dépend fortement des soins prodigués après l’intervention.
En service de cardiologie pédiatrique, le déroulement du soin est réalisé avec rigueur mais sans mesures excessives. Néanmoins, le nettoyage de la plaie suit des recommandations spécifiques, l’enfant pouvant être porteur de prothèse cardiaque à risque infectieux élevé. C’est pourquoi les soins sont préparés et réalisés en stérile.
En post-opératoire, le pansement est réalisé tous les deux jours. La plaie sera recouverte jusqu’à l’épidermisation – environ dix à douze jours – et l’apparence d’une cicatrice fine. Lors du soin, il est nécessaire d’établir une communication adaptée avec l’enfant.
Le retrait du pansement
En pédiatrie, le retrait du pansement est une source de stress. Des stratégies simples et efficaces sont mises en place afin de mettre en confiance l’enfant :
- l’huile ou crème d’amande douce (ex : Liniment®), en application sur les contours adhésifs du pansement, va permettre de décoller plus facilement l’adhésif ;
- la lingette humide imprégnée d’un dissolvant spécifique (ex : Remove®) facilite le décollement des adhésifs. Efficace, elle atténue aussi la douleur causée par le retrait des pansements adhésifs.
Ces astuces simples atténuent l’expérience de la douleur ainsi que l’agression de la peau fine et fragile des nourrissons.
Les antiseptiques
Ils sont utilisés modérément en cardiologie pédiatrique en post-opératoire, durant les premiers jours. Il faut toujours avoir en tête que des enfants peuvent être porteurs de valves mécaniques. La chlorhexidine présente une bonne activité antibactérienne et une faible toxicité sur la peau immature du nourrisson. Il faut noter que les produits iodés chez les enfants présentent de nombreuses contre-indications liées à la résorption transcutanée de l’iode.
Réfection du pansement simple en pédiatrie
- Préparation du matériel en stérile, blouse et gants stériles.
- Réfection du pansement au sérum physiologique (NaCl 0,9 %) et au savon neutre à pH physiologique.
- Rinçage de la plaie au sérum physiologique pour éliminer toute trace de savon. Le rinçage est suivi d’un séchage minutieux à l’aide d’une compresse stérile.
- Utilisation d’un antiseptique incolore de type chlorhexidine. Dans la majorité des cas, des règles d’hygiène bien conduites sont suffisantes pour éviter une surinfection cutanée.
- Application d’un pansement adapté au stade de la plaie :
– pansement absorbant si la plaie est exsudative,
– tulle gras si elle est peu exsudative,
– pansement hydrocellulaire possible, une fois l’épidermisation obtenue. Il a la faculté d’assurer un retrait indolore.
La cicatrice ne sera ni manipulée, ni grattée.
Les distractions et antalgiques utilisés
Les pratiques les plus utilisées lors de la réfection du pansement sont le spray antiadhésif et le Meopa (voir article p. 20). Chez les nourrissons, on préfèrera l’administration de glucose 30 %, à l’aide de la succion, à la tétine ou au petit doigt.
En outre, toutes les solutions de distraction peuvent être utilisées. Les enfants comme les parents deviennent acteur du soin, dans la mesure du possible.
Dans le cas de pansements complexes
En service de chirurgie-cardiologie pédiatrique, les réfections de pansements les plus complexes concernent les drains thoraciques et les canules du coeur artificiel extracorporel EXCOR© de Berlin Heart (assistance circulatoire de longue durée).
Selon le protocole du service, des anxiolytiques ou antalgiques de palier 1,2 ou 3 sont administrés avant le soin. Une séance de résonance par stimulation cutanée (RESC) peut également être proposée.
En cas d’utilisation de Meopa, son administration et le déroulement du soin sera expliqué aux parents. Après son acceptation, l’enfant peut choisir l’odeur du gaz grâce à des feutres parfumés. Il peut aussi colorier l’intérieur du masque. Lors de l’administration du Meopa, l’un des parents sera présent pour tenir le masque et/ou apporter un soutien sécuritaire à l’enfant.
Des chansons, une musique ou des vidéos peuvent être proposés pour accompagner le soin, avec l’aide d’une auxiliaire de puériculture ou d’un parent.
En l’absence de complications, la technique de réfection utilisée est la même que pour un pansement simple.
Les cicatrices à complications
Chez l’enfant, les cicatrices par sternotomie et thoracotomie demandent une prise en charge particulière. Il est nécessaire de guider la phase de maturation pour éviter des cicatrices disgracieuses. Mais comme pour toute chirurgie, il existe des complications possibles sur la cicatrice.
L’infection
La médiastinite est une infection profonde du site opératoire qui se développe au niveau du sternum. Elle est associée ou non à une désunion sternale. Elle survient habituellement dans les semaines suivant la chirurgie cardiaque. L’infection peut être secondaire à une contamination per-opératoire ou post-opératoire. La prise en charge médico-chirurgicale est immédiate. C’est une cicatrice qui rentrera dans un protocole de cicatrisation dirigée par la suite.
La désunion cicatricielle
Cette complication survient plus fréquemment chez le nourrisson. Les enfants étant actifs, même si les points de sutures sont effectués correctement, il n’est pas rare de voir une désunion au niveau de la plaie du sternum. Cette zone en mouvement est considérée à risque.
La cicatrice hypertrophique
À partir de deux ans, les risques d’hypertrophie cicatricielle sont majorés, en durée et en intensité.
La phase inflammatoire étant trop intense et trop prolongée, elle finit par se stabiliser et provoque une cicatrice souvent un peu large et épaisse. La guérison évolue en 12 à 18 mois mais elle peut être également plus longue, voire jusqu’à trois ans. La cicatrice hypertrophique ne dépasse pas les limites de la lésion initiale.
La cicatrice chéloïde
Elle est plus fréquente à partir de dix ans ainsi qu’en période pubertaire, en raison du pic hormonal. Ce phénomène intervient quand la phase inflammatoire se prolonge et ne donne aucun signe d’involution. Certaines cellules du derme – les fibroblastes – produisent alors des quantités excessives de collagène. Ce processus finit par se stabiliser sous forme d’un bourrelet rouge violacé et fibreux, la cicatrice pouvant aussi être douloureuse. La cicatrice chéloïde se propage au-delà les limites initiales des berges de la plaie et n’évolue presque jamais spontanément vers la guérison.
Conclusion
Chez l’enfant, pour favoriser la cicatrisation des plaies, les équipes soignantes doivent reconnaître et comprendre la nature complexe de leurs peaux en fonction de l’âge. Afin de prévenir, évaluer, traiter et gérer efficacement les différents types de plaies.
Florence KREIS-FASSY
Infirmière dans le service de Cardiologie pédiatrique
de la Timone (Marseille) – D.U. Plaies et Cicatrisation
Cet article est paru dans ActuSoins Magazine
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