Comment faire sage femme si on est déjà infirmière ?
Depuis l’arrêté du 24 Mars 2017 une passerelle permet aux infirmiers, sous conditions, de rentrer directement en deuxième ou troisième année d’école de sages-femmes.
Pour la rentrée 2018, via ce mode d’admission directe, un arrêté ministériel a fixé à 25, le nombre de places sur toute la France. Mais ces dernières ne sont pas réservées qu’aux infirmiers, puisque l’arrêté concerne aussi d’autres professions [1].
La procédure pour se porter candidat
Les candidats doivent déposer un dossier avant le 31 mars de l’année précédant la rentrée universitaire, dans une structure dispensant la formation de sage-femme. Chaque jury d’admission directe retient ensuite un nombre de candidats au plus égal au double du nombre de places.
Ce jury, sélectionnant aussi les candidats bénéficiant d’une admission directe en deuxième ou troisième année d’études médicales, odontologiques, et pharmaceutiques est composé de trois représentants par spécialité.
Comment se déroule l’entretien ?
« Le jury est souverain. S’il organise les entretiens comme il le souhaite, en général il apprécie trois éléments principaux. En premier lieu, il veille à identifier le potentiel cognitif du candidat, c’est à dire sa capacité à s’engager dans une formation longue et exigeante. Comme il y a très peu de places, il faut s’assurer que les futurs étudiants seront capables de s’organiser avec leurs contraintes personnelles et familiales », explique Isabelle Derrendinger, secrétaire générale du Conseil national de l’Ordre des sages-femmes et directrice de l’école de maïeutique de Nantes.
Les interrogations du jury se posent également sur les motivations du candidat.
Les places sont rares
Pour l’heure, Mme Derrendinger, ne dispose pas de données ministérielles sur les statistiques. Aucun chiffre officiel sur le nombre total d’infirmiers qui ont pu intégrer la formation via cette passerelle [3] ne serait disponible.
Mais la secrétaire générale du Conseil de l’Ordre tient à souligner que le nombre d’étudiants ayant pu en bénéficier ne correspond qu’à 1,25% des effectifs totaux, par année, sur la France entière, tous candidats confondus.
Un problème de financement
« Le candidat retenu doit réfléchir à la manière dont il va financer ses études. S’il est titulaire de la fonction publique hospitalière, il peut faire une demande de prise en charge à son établissement pour une formation continue. Dans le cas contraire, il faut que qu’il soit conscient qu’il peut être amené à payer sa formation. La somme peut s’élever jusqu’à 8000 euros par an. Car les écoles de maïeutique sont aujourd’hui financées par les conseils régionaux. Et ce sont ces derniers qui définissent l’éligibilité ou non à la gratuité des études», explique la secrétaire générale de l’Ordre des sages-femmes.
Marie, infirmière depuis 2010 dans un service de maternité a franchi le cap en intégrant directement à la rentrée, une troisième année d’école de maïeutique. Côté financement, elle estime avoir eu de “la chance“. Sa première année sera prise en charge par les Fongecif (Fonds de gestion des congés individuels de formation). Elle attend encore une réponse pour une prise en charge des deux suivantes.
La passerelle : une “avancée” pour la profession
La passerelle est, avec certitude, une réelle avancée selon Mme Derrendinger. « Elle diversifie les parcours d’entrée et donc les profils professionnels. L’objectif est aussi de pouvoir offrir à des personnes pour lesquelles l’orientation n’était pas la bonne de changer de parcours ».
Marie explique ainsi qu’elle a eu “comme un déclic” à la fin de ses études : « J’ai fait mon dernier stage en salle d’accouchement et cela a été pour moi une révélation. Je me suis dit à ce moment-là que j’aurai dû faire sage-femme ».
Des difficultés contre-balancées par l’expérience de terrain
Mais il n’est pas chose aisée que de reprendre ses études. « L’infirmière qui rentre à l’école devra récupérer une posture étudiante.D’autre part, cela peut générerune certaine confusion pour les soignants qui ne doivent plus la voir comme une professionnelle infirmière mais comme une étudiante, certes en reconversion », explique Mme Derrendinger.
« A contrario, l’infirmière aura des facilités quant à l’acquisition des soins généraux, la connaissance du vocabulaire médical et l’organisation hospitalière, mais surtout, laconscience des difficultés inhérentes au conditions de travail liées aux métiers de la santé, tels que la nécessaire résistance physique et psychique ».
“Mon expérience me permettra de mieux prendre le train en marche”, estime de son côté Marie, consciente “du travail à fournir pour se mettre à niveau sur le plan théorique“.
Ce qui est certain c’est que Marie a décidé de se lancer dans l’aventure à bras-le-corps : « Les premiers jours, je me suis beaucoup questionnée. J’avais peur de sacrifier ma vie de famille. Mais j’ai décidé de saisir ma chance, pour accéder à mon rêve. Je veux montrer à mes enfants que tout est possible quand on s’en donne les moyens ».
Flavie Peribois
Avec l’arrêté du 24 Mars 2017, relatif aux modalités d’admission directe en deuxième ou troisième année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme, peuvent prétendre à déposer un dossier auprès d’une structure dispensant la formation de sage-femme, les titulaires d’un « diplôme d’Etat d’auxiliaire médical, sanctionnant au moins trois années d’études supérieures ». Ces personnes doivent de plus justifier de deux années d’exercice professionnel à temps plein.
Cette passerelle était déjà existante pour certaines professions, depuis 2010, mais les infirmiers n’y avaient jusque-là pas accès.
Auparavant, ces derniers avaient deux possibilités pour intégrer la formation de sage-femme. Soit s’inscrire en PACES en faisant une demande dérogatoire à l’université (puisqu’ils n’étaient pas en admission post-bac), soit s’inscrire dans une des sept universités qui bénéficiaient d’un Numerus Clausus spécifique pour la profession*. Dans ce cas, ils passaient aussi le fameux examen classant, mais bénéficiaient d’un classement à part.
[1] Pouvaient aussi prétendre à candidater, les personnes citées à l’article 2 de l’arrêté
[2] Le prénom a été changé
[3] Sur 35 écoles de Sages-femmes en France, 9 ont répondu à nos sollicitations. 2 infirmières ont bénéficié de la passerelle dans ces établissements : une étudiante est ainsi rentrée en directement en 2èmeannée et l’autre en 3èmeannée.
[4] Fonds de Gestion des Congés Individuels de Formation
*Aix-Marseille, Lille 2, Lyon 1, Lorraine, Paris 6, Toulouse 3, Rennes
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