En théorie, pour les professionnels de santé, les choses sont désormais simples : pas de vaccin, pas de travail, pas de salaire.
C’est du moins ce que prévoit la loi du 5 août dernier « relative à la gestion de la crise sanitaire », qui étend le passe sanitaire à toute une série de lieux publics (restaurants, transports longue distance, etc.), et qui institue l’obligation vaccinale pour certains travailleurs, à commencer par les blouses blanches. Mais pour faire passer une obligation de la théorie à la pratique, il faut passer par une étape incontournable : le contrôle. Et c’est ce qui rend les choses beaucoup plus compliquées.
Heureusement pour les responsables sanitaires, la marche qu’ils ont à suivre en la matière a été clarifiée mi-août par un « DGS-urgent », l’un de ces messages adressés par la Direction générale de la santé (DGS) du ministère de la Santé à l’ensemble des soignants, et que la crise sanitaire a rendus célèbres.
La première leçon de cette missive, c’est que nulle blouse blanche ne peut échapper à l’obligation. Le message précise notamment que l’obligation vaccinale concerne « toutes les personnes exerçant leurs activités dans les établissements et services de santé, les établissements sociaux et médico-sociaux, divers types de logements collectifs pour personnes âgées ou personnes handicapées », mais qu’elle s’étend aussi « aux professionnels libéraux conventionnés ou non » ainsi qu’aux « personnels administratifs et techniques ».
Une mise en œuvre graduée
Autre point important : la mise en œuvre de l’obligation doit se faire de manière graduée. Car si l’obligation vaccinale est théoriquement entrée en vigueur dès le 9 août, les soignants ont « la possibilité, à titre temporaire et jusqu’au 15 septembre, de présenter le résultat négatif d’un examen de dépistage virologique », précise le « DGS-urgent ».
Ce dernier explique par ailleurs que jusqu’au 15 octobre, « une tolérance est appliquée » pour ceux qui n’auront eu qu’une dose d’un vaccin multidose, là encore à condition de pouvoir présenter un test négatif de moins de 72 heures.
Reste à savoir comment les certificats vaccinaux seront vérifiés. Le DGS-urgent précise sur ce point que pour les salariés, « l’obligation vaccinale induit un contrôle de la part des employeurs ». Pour les libéraux, ce sont les Agences régionales de santé (ARS) qui doivent se charger de la vérification.
Malheureusement, les ARS contactées par ActuSoins ces derniers jours n’étaient pas encore en mesure de détailler la manière dont elles allaient procéder aux contrôles pour les soignants de ville. Le CHU d’Angers, en revanche, était fier d’exposer le dispositif qu’il avait choisi. « Nous avons préféré ne pas passer par un contrôle physique, mais par une application appelée “Mon Pass” logée dans le système d’information de l’hôpital, et dans laquelle les agents ont la possibilité de scanner leur QR code », explique Cécile Jaglin-Grimonprez, directrice générale de l’établissement. Un contrôle dématérialisé, qui se fait une fois pour toute si l’employé peut justifier d’un schéma vaccinal complet, et qui doit être renouvelé s’il son justificatif est un test virologique négatif.
« Nous aurions pu, comme d’autres établissements, opter pour un contrôle physique à l’entrée, comme pour le public, ou encore par un contrôle papier, les agents déposant leur attestation papier à la direction des ressources humaines, détaille Cécile Jaglin-Grimonprez. Mais nous avons estimé que dans notre situation, c’était trop laborieux, et que cela pouvait entraîner des erreurs. »
La directrice angevine ajoute que bien entendu, les personnes qui justifient d’une contre-indication à la vaccination peuvent la faire valoir, et que ces cas sont traités par le service de santé au travail de l’établissement.
Et les réfractaires ?
Reste à savoir ce qui se passera pour un soignant qui persisterait, même après la date fatidique du 15 septembre, dans son refus de vaccination. Et là, le DGS-urgent du ministère de la Santé est clair.
L’employeur ou l’ARS doivent informer cette personne « par tout moyen et sans délai de son interdiction d’exercer son activité et des moyens disponibles pour régulariser sa situation ». Mais ce n’est pas tout. « Cette interdiction d’exercer entraine une suspension automatique de ses fonctions, ajoute le document. Cette suspension s’accompagne d’une interruption de la rémunération versée. »
La DGS précise que cette suspension n’est pas une sanction disciplinaire, mais une « une mesure spécifique prise dans l’intérêt du service pour des raisons d’ordre public afin de protéger la santé des personnes ».
« Il faut voir cela non pas comme quelque chose qui viendrait sanctionner un manquement au règlement intérieur de l’établissement, mais comme une nouvelle condition prévue par la loi pour être professionnel de santé, détaille Cécile Jaglin-Grimonprez. Si vous ne la remplissez pas, vous ne pouvez pas exercer. »
Pics de prises de rendez-vous
Reste que la DG du CHU d’Angers n’est pas très inquiète à ce sujet. « Déjà, fin juillet, nous étions à 85 % de personnel qui avait reçu au moins une dose, explique-t-elle. Nous avons eu un pic de prises de rendez-vous au moment du discours du président de la République annonçant l’obligation vaccinale, et nous en observons un autre actuellement avec les retours de vacances. Si on ajoute les personnes qui se sont fait vacciner en dehors de l’établissement, sur leur lieu de vacances, on sera bien au-delà des 85 % de vaccinés au 15 septembre. »
Mais les réfractaires, s’ils sont rares, ne doivent pas se croire en sécurité : le ministère de la Santé a cru bon, en annexe de son DGS-urgent, d’insérer un modèle de décision de suspension pour les personnels médicaux, et un autre pour les personnels non-médicaux… Les directions hospitalières n’ont plus qu’à remplir les blancs !
Adrien Renaud
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