Retrouver confiance en soi, développer des compétences dans un secteur en plein développement, acquérir et retrouver un savoir-être professionnel tout en aidant d’autres personnes en situation de handicap. Voici en quelques mots le principe de l’atelier d’impression 3D du centre de réhabilitation psychosociale de la Tour de Gassies, en Gironde.
Un joystick fauteuil adapté aux difficultés de préhension, une prothèse de main souple pour manipuler des outils d’orthoptiste ou bien tricoter malgré une raideur de la main, un crochet pour réaliser soi-même son sondage urinaire… Ces différentes aides techniques sont quelques-uns des objets fabriqués sur-mesure par des patients du centre de réhabilitation psychosociale (CRPS) de la Tour de Gassies en Gironde, à l’aide d’imprimantes 3D. Bienvenue à l’atelier d’impression 3D du CRPS !
Les ateliers sont au coeur de l’action du CRPS. « Nous sommes un centre sanitaire pour les personnes avec des troubles psychiques sévères. Généralement, ils sont atteints de schizophrénie, explique Denis Bonnec, cadre de santé au CRPS. Les dispositifs d’ateliers permettent d’évaluer l’impact de la maladie sur le quotidien à travers le faire ». Et aussi d’apprendre à vivre avec sa maladie et de se réinsérer socialement et professionnellement.
Le centre propose des ateliers autour du jardinage, de la menuiserie, du sport, des savoirs scolaires etc. Fin 2016, le psychiatre Dr Couhet, féru de nouvelles technologies et détenteur d’une imprimante 3D personnelle, imagine un atelier de fabrication 3D, un domaine particulièrement attrayant pour les patients jeunes. « C’est dans l’ère du temps, c’est un outil dynamique », souligne le cadre de santé. Et les compétences en la matière sont recherchées.
Cet article a été publié dans n°49 d’ActuSoins Magazine (juin 2023).
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Parcours de soins personnalisé
Le projet démarre doucement, avec quelques après-midi par semaine. Puis, il monte en puissance progressivement. D’abord, avec l’arrivée d’un entrepreneur dans l’impression 3D, qui anime l’atelier un an environ, en parallèle de la création de son entreprise adaptée. Laquelle d’ailleurs offre aujourd’hui des débouchés possibles en termes d’emplois. En 2022 Romain Delmas, issu du secteur de l’industrie, est recruté en tant qu’éducateur technique spécialisé. « Le fait d’avoir un responsable d’atelier non soignant peut paraître surprenant mais cela permet d’apporter un regard extérieur, sans biais de soins ou d’a priori sur ce que les patients peuvent faire ou non », souligne Denis Bonnec. Son arrivée s’inscrit dans le souhait de professionnaliser l’atelier donc mais aussi de le pérenniser.
Quand un patient arrive au CRPS sur orientation médicale, l’équipe pluridisciplinaire commence par observer durant une semaine « où il en est personnellement et professionnellement et si sa pathologie est stabilisée », décrit Sylvie Laporte, assistante sociale. Une fois le patient admis, l’équipe établit alors pendant quatre semaines une sorte de bilan de ses freins et de ses compétences. « Notre objectif est la réinsertion et l’autonomie », rappelle-t-elle. À l’issue de cette étape, l’équipe détermine le parcours de soins personnalisé du patient, comprenant les ateliers auxquels il va participer, qui sont choisis en fonction des appétences du patient et des conseils de l’équipe.
Provoquer le plaisir et l’envie
Pour l’atelier imprimante 3D, pas besoin de compétences particulières, seule l’envie compte. « J’adapte la difficulté du travail à réaliser à chaque patient. Je n’ai aucune exigence en termes de réalisation. Une personne avec un bon niveau pourra faire de la modélisation, une autre moins à l’aise pourra s’occuper de la classification ou de l’impression de pièces avec l’imprimante 3D par exemple. Je ne leur impose rien. J’essaie juste de leur donner le travail qui va déclencher une étincelle d’envie et du plaisir », détaille Romain Delmas, qui forme les patients aux différents outils de modélisation et d’impression. « Je leur répète souvent le slogan de Mc Donald’s : “Venez comme vous êtes”. Ils sont souvent confrontés à leur anxiété, à la peur de se tromper, de mal faire mais je leur dis : allez-y ce n’est que du plastique », commente l’éducateur technique spécialisé. C’est tout l’avantage de l’impression 3D : la technologie permet de tester, faire des erreurs, recommencer, sans danger. Un état d’esprit inspirant pour ces patients…
Au-delà des compétences métiers à proprement parler, l’atelier est l’occasion pour les patients de travailler d’autres aptitudes comme la « confiance en soi », « le pouvoir d’agir » et « le savoir-être » professionnel, (respecter les horaires et les consignes de travail, être assidu), égrène Romain Delmas. C’est aussi apprendre à « organiser sa désorganisation, qui est le propre des personnes schizophrènes », complète le cadre de santé. L’assistante sociale souligne de son côté le travail sur les fonctions cognitives, comme la mémoire, la concentration, l’attention ou les capacités de gestion des stocks par exemple… autant de compétences transférables au quotidien. Enfin, elle souligne un aspect important de cet atelier : « le lien à l’autre. Pour fabriquer les pièces, les patients doivent écouter le besoin et le comprendre ». Car la particularité du projet est d’avoir noué un partenariat avec le service d’ergothérapie de médecine physique et réadaptation (MPR) du centre.
En effet, les pièces sur-mesure modélisées et imprimées par les patients émanent de demandes faites par d’autres patients et les ergothérapeutes du MPR. Autrement dit, des personnes avec un handicap mental fabriquent des aides techniques pour des personnes avec un handicap physique.
Des pièces fabriquées par et pour des personnes handicapées
Finalement, le système est vertueux pour tous. « La personne handicapée a une aide technique personnalisée – inexistante sur le marché – financée par le CRPS dans le cadre de son parcours de soins, ce qui lui permet de retrouver de l’autonomie », décrit Romain Delmas. Les patients participant à l’atelier acquièrent de nouvelles compétences, tout en aidant d’autres personnes. « Ça fait du bien au moral et dans la tête », continue-t-il. Sans compter que c’est aussi bon pour la notoriété du centre. Les patients peuvent se targuer d’avoir participé à la dernière édition du Bordeaux Geek festival en mai 2023.
Le responsable d’atelier entend continuer de développer le projet, avec de nouveaux partenariats notamment, avec d’autres établissements de l’Ugecam Aquitaine ou en travaillant en réseau avec d’autres ateliers de fabrication 3D associatifs dédiés aux aides techniques pour les personnes en situation de handicap. Les projets et l’enthousiasme ne manquent pas.
En attendant, une petite vingtaine de patients viennent chaque semaine à l’atelier selon le nombre d’heures définies dans leur parcours de soins personnalisé. Il est difficile d’évaluer précisément le bien procuré aux patients : « Généralement, ils ne savent pas dire s’ils ont aimé ou pas, explique Romain Delmas. Mais si une personne revient d’un atelier à l’autre ou que son nombre d’heures à l’atelier augmente, c’est que ça lui fait du bien ». Sylvie Laporte est elle aussi convaincue des bienfaits de l’atelier impression 3D. Et de rapporter une belle histoire : celle d’un jeune homme qui avait du mal à se lancer par peur de ne pas faire les choses parfaitement. « L’atelier l’a bousculé, il a eu du mal à se défaire de son côté perfectionniste. Mais il était très impliqué et avait beaucoup de compétences. Celles-ci ont été remarquées par le fondateur de l’entreprise adaptée en impression 3D qui avait animé un temps l’atelier. Il l’a embauché et il lui a même trouvé un logement ».
Alexandre Luthereau
Cet article est paru dans ActuSoins Magazine en juin 2023
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