Cet été, le goal de l’équipe de France de football, Hugo Lloris, a été arrêté avec une alcoolémie positive, au volant de sa voiture. Une mauvaise conduite, pourrait-on dire sans mauvais jeu de mots, qui a ébranlé ses supporters au point que le champion du monde a dû faire son mea culpa publiquement. Et ce, au nom de l’exemplarité. Cette question de l’exemplarité ne concerne pas seulement les Bleus mais aussi les policiers ou les politiques dont la probité est exigée des citoyens. Qu’en est-il des soignants ? Doivent-ils être exemplaires face à leurs patients ?
La déontologie, une matière vivante
Selon Thierry Amouroux, porte-parole du syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), la réponse est claire : les soignants doivent être irréprochables en matière de santé. « C’est une question de cohérence intellectuelle et de crédibilité entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, explique-t-il. Que penser d’un soignant qui sent la cigarette et qui affirme à ses patients que fumer est mauvais pour la santé ? ».
Il serait même favorable à l’interdiction de fumer dans l’enceinte de l’hôpital pour les soignants portant leur blouse blanche. Même chose, selon lui, pour ce qui est de la vaccination anti-grippale, qui devrait être obligatoire dans les Ehpad ou pour les soignants travaillant auprès de personnes immunodéprimées. Cela dit, ces obligations sur des cas précis n’auraient pas à figurer dans le code de déontologie des infirmiers.
D’ailleurs, que dit-il sur cette question ? Ce code « fixe des principes d’humanité, de dignité, de respect d’autrui, etc. qu’il est possible de considérer comme des directions vers lesquelles l’infirmier doit toujours s’efforcer de tendre», explique Yann de Kerguenec, directeur de l’ordre national des infirmiers. Pourtant, il ne cite pas l’exemplarité en tant que tel, ni ne détaille d’exemples à suivre ou pas. En effet, «la déontologie est une matière vivante, appliquée à l’exercice professionnel ce qui signifie qu’on doit la considérer dans la réalité de la pratique professionnelle en fonction de l’individu soigné et du contexte dans lequel se déroulent les soins». Si on reprend les exemples cités plus haut, on peut affirmer que « la déontologie n’interdit pas que l’infirmier puisse fumer, y compris, à l’extérieur d’un service de pneumologie », comme le souligne Yann de Kerguenec. Puisqu’il ne nuit pas directement au patient.
En revanche concernant la vaccination anti-grippale, «le refus de se faire vacciner contre la grippe peut être considéré comme un défaut de prendre une mesure propre à protéger les patients d’un risque supplémentaire, celui de se voir contaminer par l’infirmier atteint de la grippe. Là l’infirmier peut se voir reprocher de ne pas “agir en toutes circonstances dans l’intérêt du patient”, ce qui signifierait contrevenir au code de déontologie ».
Redonner du sens
De leur côté, certains soignants opposent à ce qui peut paraître une injonction morale, leur liberté individuelle. «Le sujet de l’exemplarité du soignant est sensible car il porte, non pas sur la fonction et le métier, mais bien sur l’individu. Le sujet peut crisper», admet Cyril Goulenok, médecin réanimateur, qui finalise actuellement un mémoire de philosophie sur cette question éthique. À cela s’ajoute le fait que la responsabilité morale et l’exemplarité sont perçues comme moralisatrices et souvent perçues négativement. « Et les soignants ont peut-être aussi le sentiment d’en faire déjà assez et qu’à un moment “ça suffit” », souligne-t-il.
Initialement favorable à un obligation vaccinale anti-grippale, ses recherches l’ont amené à changer d’opinion. Il s’oppose à ce principe d’obligation à la faveur d’une incitation forte des soignants, leur permettant ainsi d’exprimer une forme d’exemplarité. « Pour être exemplaire, le soignant doit avoir le choix. Est-on exemplaire si on est obligé de faire quelque chose ?, souligne-t-il. Je pense qu’il faut donner un caractère positif à cette réflexion sur ces questions fondamentales. Il faut aider les soignants à faire leur propre choix de façon éclairée en les formant, et en les faisant réfléchir à ces questions. Cela implique donc qu’ils se sentent responsables, et donc nécessairement qu’ils retrouvent du sens à leur métier ». Et de conclure : « Leur laisser le choix c’est les respecter ».
Alexandra Luthereau
A Lire aussi : Vaccination contre la grippe : un devoir pour les soignants ? (ActuSoins, janv 2017)
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