Les dermatoses des mains sont parmi les maladies professionnelles les plus fréquentes chez les personnels de santé. Pour éviter ce revers de la médaille de la lutte contre les infections nosocomiales, la prévention est primordiale.
Les mains sèches, la peau qui rougit et tiraille, des blessures qui ne cicatrisent pas et parfois même des crevasses… Les mains des infirmières sont mises à rude épreuve !
Il s’agit le plus souvent de dermatites d’irritation (la fréquence varie de 12 à 41% selon les études) favorisées par le travail en milieu humide, la manipulation d’antiseptiques et de désinfectants, et le lavage répété des mains.
La peau a une fonction protectrice essentielle. La surface de l’épiderme, la couche la plus externe, joue le rôle de barrière contre les microbes notamment grâce son pH, légèrement acide.
Du coup, l’utilisation excessive de savons alcalins (pH > 7) peut nuire. D’autre part, si la peau est trop humide (séjour trop long dans l’eau, port prolongé de gants qui empêche la sueur de s’évaporer…) ou trop sèche (froid, air climatisé, savon acide, eau trop calcaire…), elle perd en élasticité et fermeté, et s’abîme alors rapidement. Enfin la désinfection répétée altère la flore cutanée, dont une partie joue un rôle essentiel contre les bactéries pathogènes
Selon les études, 75 à 90 % des infections nosocomiales sont dues à une transmission manuportée de bactéries. Or les moyens de lutte, à savoir l’utilisation de produits irritants pour la désinfection des locaux, surfaces et matériels médicaux et le lavage intensif des mains, sont aussi les principales causes avérées de dermatoses.
Drôle de paradoxe auquel doit faire face les soignants. Au delà d’une vingtaine de lavages par jour, le risque pour les mains d’être fragilisées est manifeste. Or une infirmière doit bien faire ce geste au moins une centaine de fois durant son service !
La prévention des dermatites repose sur plusieurs mesures :
– Utiliser de manière raisonnée les différentes méthodes de lavage des mains en privilégiant des produits dilués et non allergisants, dont le pH est proche de celui de la peau.
– Sécher minutieusement, en particulier entre les doigts où une humidité résiduelle amènerait la peau à s’abimer et les microbes à se développer.
– Appliquer une crème nutritive et réparatrice matin et soir, voire après chaque lavage chez les sujets à risques. Privilégier une crème non parfumée, hypoallergénique, et veiller à la garder propre (préférer un tube de petite taille plutôt qu’un gros pot !)
– En dehors du travail, privilégier un savon de type surgras
– Soigner et protéger toute lésion afin de prévenir la contamination
– Protéger les mains contre le froid
– Ne jamais utiliser à main nue des produits pour désinfecter les surfaces et le matériel de soins
– Ne pas combiner lavage au savon antiseptique et solution hydro alcoolique
– Bannir l’utilisation intensive de savon biocide à base de chlorhexidine ou d’ammonium quartenaire
L’utilisation d’une crème de protection (à ne pas confondre avec une crème réparatrice) peut être envisagée. Appliquée avant et pendant le travail, elle a un rôle de barrière entre la peau et les agents potentiellement agressifs. Elle doit donc être choisie en fonction des risques et ne remplace pas les autres mesures de prévention.
Rompre le cercle vicieux : la prévention n’est efficace que sur une peau saine !
En cas de dermatose, un traitement médical rapide et approprié doit être envisagé, avec si besoin un arrêt de travail. Même s’il est parfois très difficile de suspendre l’exposition aux agents irritants durant une période suffisamment longue pour que cela soit efficace, c’est indispensable si l’on veut prévenir les récidives, ou pire, les aggravations.
Emilie Gillet
Pour aller plus loin :
– Workshop Skin at Work sur la Prévention des maladies de peau professionnelles dans le secteur des services à la santé, organisé par l’Association internationale de la
sécurité sociale (ISSA) à Dresde (Allemagne) en avril 2008.
– Document de l’INRS, acteur de référence dans la prévention des risques professionnels, sur les « dermatoses professionnelles aux antiseptiques et désinfectants » par le Dr Crépy, dermatologue dans le service des maladies professionnelles de l’hôpital Cochin (CHU Paris Centre).
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