Qu’il est long le temps législatif ! La grande réforme du secteur de la santé, sur laquelle le gouvernement planche depuis le début du quinquennat, a été lancée en grande pompe par Emmanuel Macron en septembre dernier.
Ce n’est que cinq mois plus tard, le 13 février, qu’Agnès Buzyn a pu présenter devant le conseil des ministres un projet de loi traduisant en actes certains des aspects de la stratégie présidentielle.
Ce texte a déjà été soumis au Conseil d’Etat pour vérifier sa conformité au droit existant, première étape d’un parcours législatif qui s’apparente à un véritable marathon.
Le site de l’Assemblée nationale indique en effet que la commission des affaires sociales de la chambre basse examinera le « projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé » (son nom officiel) entre le 5 et le 19 mars. Durant cette période, les députés membres de la commission auditionneront la ministre et différentes personnalités, et ils pourront proposer des amendements.
Le texte ainsi remanié sera examiné par les députés en séance plénière, où ils voteront les articles et les amendements à partir de la mi-mars. Cinq jours de débats sont pour l’instant prévus, pour un vote solennel programmé le 22 mars.
Navette spéciale
Mais ce n’est bien sûr pas tout, car le projet de loi entamera alors les fameuses navettes entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Après un travail en commission et en plénière similaire à celui de l’Assemblée, un vote du texte au Sénat est selon les informations de l’agence APMNews prévu le 13 mai prochain.
Ici, deux options sont possibles. Tout d’abord, le Sénat peut voter le texte dans les mêmes termes que l’Assemblée. La loi passera alors directement sur le bureau du président de la République pour ratification et publication au Journal officiel.
Mais si les sénateurs décident d’amender le projet, celui-ci devra passer devant une commission mixte paritaire, composée de parlementaires des deux chambres, pour régler les articles litigieux. Cette commission se réunit d’ordinaire après plusieurs navettes, mais le gouvernement a engagé pour ce texte la procédure dite « accélérée », qui limite le nombre de lectures du projet de loi à une seule par chambre.
Procédure accélérée… mais pas trop
La commission mixte paritaire sera chargée d’élaborer un nouveau texte consensuel, qui sera soumis à nouveau aux deux chambres, l’Assemblée ayant le dernier mot avant promulgation par Emmanuel Macron et publication au journal officiel.
Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. Car comme tous les textes législatifs, le projet de loi Buzyn prévoit que certaines dispositions seront fixées par voie réglementaire, c’est-à-dire par arrêté ou décret pris par les différents ministères.
Certains de ces décrets doivent être pris en Conseil d’Etat, ce qui signifie que la plus haute juridiction administrative aura à se prononcer à leur propos. Et cela peut prendre du temps : d’après un décompte effectué par le Sénat et mis à jour ce mois-ci, une vingtaine de mesures de la loi Touraine, votée en janvier 2016, attendent toujours leurs décrets d’application. La loi Buzyn est donc encore loin de la ligne d’arrivée.
Adrien Renaud
Principales dispositions du projet de loi Buzyn
Le projet de loi Buzyn contient 23 articles. Voici les principales mesures qu’il prévoit.
– Il réforme la Première année commune aux études de santé (Paces), et supprime notamment le numerus clausus qui limite le nombre d’étudiants admis en seconde année de médecine, d’odontologie ou de maïeutique. Le caractère sélectif de la future ex-Paces n’est pas supprimé, mais l’objectif est de former 20 % de médecins en plus.
– Il autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance sur la redéfinition des missions des hôpitaux de proximité. Celles-ci seront recentrées sur la médecine générale, la gériatrie et la réadaptation, au détriment de domaines comme la chirurgie ou la maternité.
– Le projet de loi envisage aussi de créer un statut unique de praticien hospitalier, de façon à rendre le secteur public plus attractif aux yeux des médecins. Il prévoit également des mesures visant à régulariser la situation des nombreux praticiens diplômés hors de l’Union européenne, qui sont théoriquement interdits d’exercice en France et qui travaillent pourtant sous des statuts précaires dans les hôpitaux, où ils sont indispensables.
– Une « plateforme des données de santé » sera créée pour remplacer l’actuel Institut national des données de santé. L’objectif est de faciliter pour les chercheurs l’accès aux données des feuilles de soins, actes médicaux et autres hospitalisations des patients français tout en protégeant leur vie privée.
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